La passion
évaluative
Le
mois dernier j'ai assisté à
un colloque organisé par la
Nouvelle Revue de Psychosociologie sur "La
passion évaluative" et j'ai
pensé que ce thème nous
concernait tous, nous enseignants. Bien
sûr, nous n'avons pas en tête
tout ce que disent ces chercheurs quand
nous mettons une note sur un devoir
d'élève, mais n'est-il pas
important par moments de prendre un peu de
recul par rapport à nos gestes
quotidiens?
Et
comme le dit, très justement,
André Lévy dans son texte
plus loin: <<les pratiques
d'évaluation deviennent de plus en
plus généralisées,
tendent à envahir tous les domaines
de la vie et toutes les institutions, -
entreprises, administrations, politiques
publiques et sociales, institutions de
santé et d'enseignement,
Tout
est ainsi objet d'évaluation, et
tout le monde évalue en permanence
les personnes, les biens, les
services
Mises en uvre au nom
d'une certaine rationalité, ces
pratiques se heurtent cependant à
de nombreuses critiques qui
dénoncent la façon dont,
en instituant un réseau
serré de contraintes et de normes,
elles sclérosent les comportements
et inhibent toute initiative
innovante... >>.
Ici,
j'ai depuis longtemps
dénoncé cette
"évaluation
impossible et pourtant
nécessaire"
en présentant, en particulier, les
résultats des recherches en
"docimologie"
(document que j'ai rédigé
avec une équipe d'enseignants en
1976 ! ); mais comme je le disais alors:
<<Les expériences
existent depuis bien longtemps, mais tout
se passe comme si elles n'avaient jamais
eu lieu. Soit on ne les connaît pas,
soit on n'y "croit pas" ! >>.
Les grand médias, eux- mêmes,
s'emparent du sujet: voir
'Le
nouvel obs" du
25/03/10.
Certains syndicats aussi : "Il faut en
finir avec l'accumulation des
évaluations pour les
élèves et l'accumulation des
tâches pour les enseignants"
(SGEN).
Et pourtant rien ne change !
Pourquoi?
Pourquoi ces demandes et ces
résultats, tellement "rationnels"
et "évidents" n'ont-ils jamais
modifié les comportements et encore
moins les attitudes des enseignants et des
responsables? C'est une preuve de plus que
le "rationnel" n'est pas suffisant pour
amener des changements: nous sommes pris
dans un imaginaire
collectif
,
comme dans les rets d'un filet, et cela
nous contraint sans que, pour la plupart
du temps, nous en ayons conscience. Cet
état n'est peut être pas sans
rapport avec la "déprime" des
français, (voir plus bas); de trop
nombreuse contraintes, jugées
parfois abusives, peuvent devenir, en
effet, sources de
dépression.
Il
est donc important de chercher ce qui
empêche tout changement dans les
pratiques d'évaluation et il
pourrait être utile d'analyser cet
imaginaire collectif qui nous conditionne,
pour nous en départir au moins un
peu.
Dans
le domaine de l'évaluation
André Lévy et Roland Gori
proposent des interprétations
à propos de ces difficultés
de changement. Sans forcément
adhérer à tout ce qui est
dit, ces textes permettent de voir
à quelle profondeur se situe la
complexité de la tâche qui
consiste à faire évoluer nos
pratiques.
Mais
les faire évoluer vers quoi?
André Lévy suggère de
trouver un espace de liberté pour
introduire une "évaluation comme
accompagnatrice de la création de
valeur que l'uvre
réalise", et comme"va et
vient permanent entre l'analyse et le
faire, entre le
dedans et le dehors, entre l'engagement et
la distanciation". Autrement dit, peut
être, envisager l'utilisation de
notes provisoires, évolutives,
objets médiateurs permettant des
paroles entre l'enseignant et
l'élève et non "fin en soi"
ou "étiquette".
Dans
un registre plus humoristique, mais tout
aussi profond, Marie Françoise
Bonicel cherche à distinguer les
"évaluations mal-faisantes qui
morcellent, des évaluations
bien-faisantes créatrices de
liens".
Enfin
on pourra lire, à propos des
états
généraux
sur la
sécurité à
l'école
un nouveau texte de Jacques Salomé
sur des violences qu'on oublies et dont on
ne parle guère,
"Les
violences
invisibles"
et voir ou revoir "Le
dossier sur la violence à
l'école"
qui est la page la plus regardée de
ce site après
l'index.
|
Les
enjeux sociaux occultés de
l'évaluation
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|
par
André
Lévy
Professeur
émérite en psychologie
sociale, Université de Paris 13.
Ancien président du
CIRFIP
(1993-2003). Membre du Comité de
Rédaction de la
Nouvelle
Revue de
Psychosociologie.
DOMAINES
d'INTERVENTION et de RECHERCHE:
Théories des organisations et
des institutions. Problématique
du changement, enjeux politiques et
éthiques de l'intervention
clinique, en psychosociologie
notamment
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Évaluation
mal-faisante qui morcelle ou
évaluation bien-faisante
créatrice de
liens?
(Marie-Françoise
Bonicel)
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<<Il
me semble que dans mes plus lointains
souvenirs, je devais porter à
l'égard de l'évaluation
une certaine suspicion. Mon enfance me
laisse des traces de ma
perplexité d'alors face aux
images évocatrices de la
pesée des âmes. Le jour du
grand soir celles-ci devaient
être dirigées vers les
lieux adaptés : Paradis ou
Enfer, sans compter ces
inquiétantes zones grises que
constituaient le Purgatoire et les
Limbes. Enfant, je pressentais
déjà que ce dispositif
répondait plus au confort des
parents et des éducateurs qu'aux
visées d'un Dieu, que l'on
prétendait par ailleurs
bienveillant et
indulgent...>>
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Un
dossier sur
l'évaluation
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Avec
quels mythes vivons-nous quand nous
abordons l'évaluation? Nous
désirons la justice, la justesse de
nos décisions: le concours
identique pour tous, sur tout le
territoire, l'examen anonyme, le
barème commun. C'est ce
désir qui conditionne le nombre
important de concours (C.A.P.E.S,
Agrégation...), c'est ce
désir qui fait recommencer le
concours d'agrégation si quelques
étudiants arrivent en retard dans
un des lieux d'examen...
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La
"déprime" des français
!
|
<<Les
régionales sont
à bien des
égards une
réplique de scrutins
antérieurs, comme 2002
ou 2004, même si la
défiance peut prendre
des visages différents
selon la conjoncture
politique. Ce climat est
installé depuis
longtemps dans le paysage
politique français. Il
est caractéristique
d'une société
parmi les plus
fragmentées et les plus
inquiètes du monde
développé.>>
Éric
Maurin
(Le Monde
25/3/2010)
<<Je
suis inquiet car je
perçois, à travers
les dossiers qui me sont
adressés, une
société qui se
fragmente, où le chacun
pour soi remplace l'envie de
vivre ensemble, où l'on
devient de plus en plus
consommateur de République
plutôt que citoyen. Cette
société est en
outre en grande tension nerveuse,
comme si elle était
fatiguée
psychiquement.>> Jean
Paul Delevoye (Le Monde
21/2/2010)
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<<Il
y eut quelque chose de
déroutant à lire,
sous la plume d'experts et par
l'intermédiaire d'un
rapport officiel, que la France
était sous le coup d'une
intense « fatigue psychique
». L'annonce eut beau faire
la « une » d'un
quotidien et se déplier
dans de nombreux médias,
elle fut assez peu
commentée et ne donna pas
lieu à polémique.
Comme si, de fait, tout le monde
savait et vivait cette fatigue
sans même la force de
l'interroger.
Pour
une historienne, cet
essoufflement collectif
constaté représente
un véritable
événement
historique, une rupture
fondamentale: l'annonce et le
constat sont remarquables pour
plusieurs raisons. Il est rare,
pour parler de la nation et de
ses habitants, de s'exprimer en
termes psychiques pour les
caractériser; par
ailleurs, les historiens
interprètent très
rarement les siècles, les
décennies ou les moments
à l'aide de
critères psychiatriques.
D'autre part, faire de ce constat
une nouvelle, une information
majeure, présuppose une
situation alarmante.>>
Arlette
Farge. L'essoufflement
psychique de la France est un
événement
historique. (Le Monde
31/03/2010)
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Qu'est-ce-que
la dépression?
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Qu'il
s'agisse des changements dans
l'école, des crises dans la
société, nous ne sommes
pas à l'abri de leurs effets sur
notre moral, sur notre psychisme.
Ce
n'est pas parce que nous sommes
influencés par ce qui nous
entoure (imaginaire
collectif)
que nous sommes "malades" et le risque
de "médicalisation"
existe; Or il y a parmi les enseignants
"une population en situation
professionnelle dramatique et en grande
souffrance personnelle : sentiment
dêtre en danger,
incapacité à gérer
ses tâches, déni de
reconnaissance, absence de
régulation, difficultés
relationnelles." comme le remarque une
enquête du SGEN. Il est bon d'y
voir plus claire sur les
différentes formes de la
"dépression".
|
Dossier
sur la violence à
l'école
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Le
ministère de l'éducation
a réuni les 7 et 8 avril
2010
des
états
généraux
sur la
sécurité à
l'école pour tenter de trouver
des remèdes à ces
phénomènes de
violence.
<<Il
s'agirait de progresser dans les
sécurisations effectives. Et
surtout pas son contraire : jouer
à bon compte le jeu des
peurs, des angoisses voire des
fantasmes. Il est bien sûr plus
facile de lancer des mots d'ordre
péremptoires et hyperboliques du
genre « tolérance
zéro » que de mettre en
oeuvre, pour l'ensemble des personnels
de l'école, une ample formation
initiale et continue à la
prévention et à la
gestion des conflits.>>
Claude Lelièvre. (Le monde
3 avril 2010)
Ces
états généraux
sont présidés par
Éric Debarbieux qui a
écrit sur ce site le texte
suivant:
La
violence à l'école et la
formation des maîtres
|
Les
violences
invisibles
par
Jacques Salomé
|
|
Violences
cachées, voilées,
souterraines, plus endémiques
dont je voudrais me faire
l'écho. Elles traversent
très tôt notre existence,
le plus souvent à notre insu. Il
s'agit le plus souvent d'actes
apparemment banaux, de conduites
individuelles ou sociales qui
n'apparaissent pas comme excessives ou
traumatisantes dans un premier temps,
de comportements limites qui vont
devenir le terreau, l'humus dans lequel
va se développer la violence
visible.
|
La
violence adolescente
|
|
Pourquoi
sa gestion est-elle devenue plus
difficile ?
<<...
La violence nest pas un
processus gratuit, fortuit,
évitable, inutile ou
nuisible.
La
violence dont jai souligné
le caractère
physiologique est
indispensable.
Elle fournit
lénergie
nécessaire à la mutation
qui sopère dans le corps
et dans la
psyché.
Elle a
une fonction précise : elle est
dabord et avant tout un
processus de
défense.
Même
si elle en fait le lit, elle ne doit en
aucun cas être confondue avec
lagressivité.
Lagressivité,
particulièrement
préoccupante aujourdhui
dans certaines
populations
adolescentes,
est un processus
dattaque aux
paramètres
complexes...>
>
par Aldo
Naouri
|
Un
"Laurence Pernoud" actuel pour tous
les parents
|
La
médiation par les
pairs
|
|
UNE EXPÉRIENCE
ORIGINALE DE SOCIALISATION ET
D'APPRENTISSAGES
Ida Naprous
Une
médiation par les pairs à
l'école élémentaire,
rue Saint Bernard Paris 11 ème,
animée par des élèves
médiateurs du collège Anne
Frank, sous la supervision de la
médiatrice Ida
Naprous
|
L'autorité
|
|
Qu'est-ce
que l'autorité?
Françoise
Rossetti-Herbelin
Être
soi-même l'auteur de ses actes pour
permettre à l'autre de le
devenir
|
|
Les
enseignants et
l'illettrisme
Pourquoi
les enseignants peuvent-ils
s'intéresser à
l'illettrisme?
-
D'abord parce que l'illettrisme est un
"symptôme" de l'école. Les
illettrés rappellent à
l'école qu'elle ne parvient pas
à donner à tous ce "socle
commun de connaissances"
nécessaires dans la vie. Ils
lui posent la question de ses objectifs:
sélectionner une élite ou
donner à tous un bagage minimum (
lequel?); mais également la
question de ses méthodes
pédagogiques, de leur
efficacité (pour qui? pour une
élite ou pour tous?): de ses
structures qui aboutissent à
l'élimination d'une partie de ses
élèves sans diplôme et
sans les capacités lui permettant
d'accéder à un travail.
Autrement dit, l'illettrisme est occasion
de réflexion sur
l'école.
-
Ensuite parce que des personnes (autres
que des enseignants, bien souvent)
essayent de "rattraper" ce que
l'école n'a pu faire avec ces
élèves devenus
illettrés. Les enseignants peuvent
alors, peut être, trouver
auprès de ces "professionnels du
sauvetage " des idées, des
méthodes, des attitudes qui
pourraient être utiles dans leurs
classes. L'échange serait, en tout
cas, sûrement profitable à
chacun.
-
Enfin, au moment où on cherche
à introduire dans l'école
"l'accompagnement personnalisé", le
"travail individualisé", le
"soutien en petit groupe", méthodes
qui posent bien des questions aux
enseignants dans la mesure où ils
n'ont pas été formés
pour cela, il serait utile de voir comment
procèdent ces formateurs qui
justement les utilisent avec les
illettrés. Un groupe
d'illettrés est toujours peu
nombreux dans une formation mais souvent
très
hétérogène (voir:
Présentation
d'un groupe d'apprenants
illettrés
). Les enseignants ayant des questions sur
le travail avec un groupe
hétérogène peuvent
trouver là des échanges
utiles avec les formateurs de ces
groupes.
L'illettrisme
peut donc être une occasion de
réflexion, d'échange, de
travail en commun profitables à
tous.
|
Que
peut apporter aux enseignants la
pensée d'Edgar Morin
?
|
Edgar
Morin est un sociologue mais
aussi un historien, un
économiste et un juriste.
Il a dirigé, entre autres,
le Centre d'études
transdisciplinaires de
l'École des Hautes
Études en Sciences
Sociales puis il fut Directeur de
recherches au CNRS,
Président de l'Agence
Européenne pour la Culture
(UNESCO).Il est Docteur honoris
causa de l'université de
Perugia (Sciences politiques), de
l'Université de Palermo
(psychologie), de
l'Université de
Genève (Sociologie), de
l'Université Libre de
Bruxelles, de l'Université
d'Odense (Danemark), Laus honoris
causa Instituto Piaget, Lisboa
(Portugal), Colegiado de Honor du
Conseil de l'Enseignement
Supérieur d'Andalousie.
|
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|
Base
de
données
de
livres
de psychopédagogie
|
Adresse
stable
Estime
de soi et formation
Pour comprendre la vie
imaginaire des jeunes enfants
Lecture
indispensable aux enseignants de maternelle et du
primaire
|