Penser
l'événement Pour une
psychosociologie critique André
Lévy Editions
Parangon
ISBN 978-2-84190-195-1 (2010) 15
€ Parangon/Vs 31, rue de
Brest 69002 Lyon Tel : 04 92 53 59 62
Dernière de
couverture « Les
choses du dehors que l'on appelle les
événements sont quelquefois plus
fortes que la raison et que la nature.
» Que se passe-t-il
dans ce que lon appelle le changement?
Comment saisir un processus qui s'assimile à
la création poétique ou à
l'invention et dont on ne peut parler
qu'après son accomplissement? Penser
l'événement, c'est-à-dire
« ce qui arrive » et jamais ne se
répète, qui est indissociable du
moment et du lieu où il sest produit
comme des personnes qui lont vécu.
Saisir ce qui nous saisit et tend à nous
laisser sans voix. Analyser les processus qui
constituent la trame de la vie sociale, les penser
dans leur complexité énigmatique,
plutôt qu'être agi par elles. Il ne
s'agit pas seulement des événements
majeurs qui ponctuent l'histoire, mais de ces
événements silencieux,
pénibles ou joyeux, qui rythment les
rapports quotidiens, dans la vie professionnelle
comme dans la vie privée. Penser
lévénement,
cest-à-dire déconstruire les
« objets » de lorthodoxie
scientifique, mettre en question son rapport au
savoir et à la société, ses
méthodes dinvestigation et
danalyse, et poser ainsi les bases dune
science de lhomme, peut-être dune
psychosociologie authentiquement
critique. André Lévy,
Professeur
émérite en psychologie sociale,
Université de Paris 13. Ancien
président du CIRFIP (1993-2003). Membre du
Comité de Rédaction de la Nouvelle
Revue de Psychosociologie. DOMAINES
d'INTERVENTION et de RECHERCHE: Théories des
organisations et des institutions.
Problématique du changement, enjeux
politiques et éthiques de l'intervention
clinique, en psychosociologie notamment Table des
matières Introduction
I. Objets et voies
de la connaissance II. La place du
sujet III. Entre savoir
et sens. A propos d'une expérience de
formation dans une université de
médecine IV. Organisation et
discours V. Des institutions
d'un type nouveau VI. Le changement
revisité VII.
Psychosociologie des organisations et
psychanalyse VIII.
L'intervention comme processus IX. Psychologie et
politique X. Violence,
changement, déconstruction XI. Les relations
d'aide au regard de l'éthique XII. Penser
l'événement? Références
bibliographiques Un passage <<La
violence à l'école Quand on interroge
les enseignants, comme l'a fait l'auteur d'une
étude récente (Cousin, 1999), on
s'aperçoit que les « violences »
qu'ils ont à subir quotidiennement, et pas
seulement dans les banlieues ou les quartiers
« chauds », pour être moins
spectaculaires que celles qu'évoquent les
journaux, n'en sont pas moins difficiles à
vivre. Ainsi, « c'est l'incivilité qui
est au coeur des problèmes. Je ressens comme
une forme de violence qu'un élève
parle mal, qu'il me regarde d'une façon que
je n'accepte pas, avec des mots... surtout avec un
ton qui est insupportable. Quand un
élève discute en classe et
m'empêche de faire cours, c'est pour moi de
la violence. Du bavardage du fond de cours
constant, des insultes entre élèves,
des bagarres dans les couloirs... ». « Je
crois que ce qui est le plus intolérable est
de ne pas avoir d'autorité d'adulte.
» Mais ces «
incivilités » ne sont-elles pas
à leur tour des manifestations de
révolte, voire d'insoumission face à
des autorités éducatives
vécues, elles aussi, comme exerçant
une violence intolérable ? Telle est la
question, rarement posée (y compris dans
l'étude que nous avons citée) que
nous nous proposons d'examiner
brièvement. Le fait que les
institutions d'enseignement aient en charge,
dès la fin de leur enfance et jusqu'au
milieu de leur adolescence, et souvent jusqu'au
seuil de leur entrée dans la vie active, des
jeunes dont, pendant ces nombreuses années,
la vie, les activités comme les relations,
sont centrées essentiellement sur
l'école, implique nécessairement que
ces institutions exercent une fonction de
socialisation au sens large du terme. C'est la
raison pour laquelle elles ont été
souvent décrites comme l'une des
institutions de contrôle social, disposant
à ce titre d'un pouvoir et d'une
autorité « légitimes »,
s'exerçant dans le cadre de la « vie
scolaire » (avec ses normes, des
règlements, ses interdits), en prolongement
de celle de la famille. Et ceci quelle que soit la
façon dont elles accomplissent ou
conçoivent leur mission, et quelles que
soient les représentations de la culture et
de la société qu'elles
privilégient. Cette dimension
éducative des institutions d'enseignement a
suffisamment été décrite et
explorée, depuis Durkheim notamment, pour
que nous ne nous y appesantissions pas. Les fonctions de
socialisation et de contrôle social propres
à l'école n'ont de sens cependant que
rapportées à sa mission ou
tâche première: la transmission de
savoirs. C'est ce processus de transmission
l'acte d'enseigner , les façons dont
il s'effectue, à propos desquelles nous
proposons quelques réflexions. Nous
n'évoquerons pas les multiples vexations,
les appréciations désobligeantes, les
petites brimades, les remarques déplaisantes
que subissent bien souvent les élèves
de la part de nombre d'enseignants qui s'y croient
autorisés en référence au
rôle éducatif dont ils s'estiment
investis. En premier lieu, la
dichotomie couramment effectuée entre
éduquer et enseigner doit être
questionnée. Elle structure en effet, ou est
structurée par une conception de la
transmission des savoirs où ceux-ci tendent
à être réduits à des
objets dont l'enseignant serait le
dépositaire et qu'il lui suffirait de
communiquer pour que les élèves se
les approprient (d'où les contrôles de
connaissances, au cours desquels les
élèves sont invités à
restituer ce qu'ils sont censés avoir appris
servant à vérifier que la
transmission a été réussie).
Non seulement une telle conception du savoir nie le
caractère processuel et provisoire, toujours
en cours d'élaboration, et
inséparable par conséquent de
l'expérience des sujets qui les
élaborent et des relations qu'ils
établissent à ce propos, mais elle
nie également leur signification
sociale. Même
s'agissant de savoirs scientifiques objectivables
(par exemple, la « règle de trois
»), leur acquisition est inséparable de
l'intériorisation d'une forme de
pensée, on pourrait presque dire d'une
morale, symbolisant notamment l'accès
à un statut social: il y a ceux qui
connaissent et ceux qui ignorent la règle de
trois. Il en est de
même pour les connaissances dites
fondamentales savoir lire, écrire,
compter, (autrefois connaître par coeur les
noms des chefs-lieux de département),
maîtriser les règles de la grammaire,
l'orthographe... Celles-ci impliquent
également l'intériorisation de
méthodes et de disciplines de travail (la
morale du travail bien fait, bien
présenté...). Elles conditionnent
ainsi l'accès à un minimum
d'intégration sociale, et l'appartenance
reconnue à un statut. Ainsi, tout
enseignement, y compris le plus factuel, s'inscrit
dans un processus de socialisation (qui ne se
réduit évidemment pas à la
sociabilité, ou à rendre «
sociable »!).>> p.210 Commentaire Un livre facile à lire
et fort intéressant écrit par un
homme de grande expérience.