La souffrance
psychique et notre
fonction d'enseignant
La
question a eu un retentissement avec le
rapport de l'INSERM et une
pétition: "Pas de zéro de
conduite pour les enfants de trois
ans" <<Le
rapport (de l'Inserm) analyse des
faits sociaux comme des symptômes
maladifs et n'hésite pas à
envisager le fichage et le "suivi" d'un
dixième de la population. On
retrouve là l'influence d'une
école nord-américaine,
hostile à la psychologie, qui vise
le dépistage des déviants et
du gène de la déviance. Une
perspective qui fait vraiment froid dans
le dos.>>
Le
café
pédagogique
Un enfant bouge tout le temps, on le dira
"hyperactif" et on l'enverra chez le médecin
pour qu'il lui donne de la "Ritaline". Un
autre est amorphe et paraît triste, on le
traite de "dépressif" et on l'adresse au
médecin qui lui prescrira du "Prozac". Un
enseignant ne tient pas sa classe: c'est pas
étonnant puisqu'il est
"névrosé" ou "psychotique". On
l'adressera au médecin conseiller
auprès du Recteur.
L'express signale même qu'on a
trouvé une maladie "vicarious"pour les chefs
d'établissement qui s'intéressent
d'un peu trop près à leurs
enseignants en difficulté! <<Un petit
livre distribué ces temps-ci auprès
des personnels de direction détaille le
fléau: «C'est l'expérience de la
rencontre avec la personne traumatisée qui
constitue en elle-même
l'évènement traumatique. Plus la
fréquence de tels contacts est grande, plus
il y a de risques de traumatisme vicariant.»
En clair, à trop fréquenter des profs
au bout du rouleau, les directeurs d'école,
proviseurs et principaux de collège
finiraient, eux aussi, par perdre les
pédales.>> L'express <<Cette
fois, l'Inserm a choisi de mettre
l'accent sur le trouble des
conduites, un syndrome
défini "par la
répétition et la
persistance de conduites au
travers desquelles sont
bafoués les droits
fondamentaux d'autrui et les
règles sociales" . Il
s'exprimerait ainsi, chez
l'enfant et l'adolescent, par
"une palette de comportements
très divers" qui vont "des
crises de colère et de
désobéissance
répétées de
l'enfant difficile aux agressions
graves comme le viol, les coups
et blessures et le vol du
délinquant"
. Cette
définition très
large découle de la
classification
arrêtée, en 1968,
par la psychiatrie
américaine dans le manuel
diagnostique et statistique des
troubles mentaux (DSM), reprise,
en 1977, par l'Organisation
mondiale de la santé (OMS)
dans la Classification
internationale des maladies
(CIM-9). Fidèle
à son approche biologique
de la psychiatrie, centrée
sur les symptômes et les
comportements, l'Inserm ne remet
pas en cause, dans son expertise,
la validité de la notion
de trouble des conduites
un concept jugé
fourre-tout par les psychiatres
d'orientation psychanalytique,
mais très en vogue aux
Etats-Unis. >>(Le Monde
22/9/05)
Il est certain qu'il faut toujours
faire attention à ne pas passer
à coté d'une maladie et
qu'il est exact que les médicaments
sont parfois utiles, quelques fois
indispensables, mais aussi, toujours
insuffisants. La possibilité d'une
parole, l'accompagnement sont dans tous
les cas une
nécessité.
Bien sûr, c'est rassurant de
pouvoir mettre un mot sur une souffrance
et un "diagnostic" est bien à la
base de la médecine .Mais nous ne
sommes pas médecins, laissons leur
cette béquille indispensable: le
diagnostic.
C'est aussi commode de pouvoir
repasser "la patate chaude" à un
autre! Mais l' "étiquette" peut
être dévalorisante, et un
handicap pour une recherche de l'aide
à la personne qui est en face de
nous et qui souffre . Cette
souffrance peut avoir pour origines
l'histoire du sujet ou les conditions
sociales de son environnement. Un
professeur qui enseigne en ZEP ou dans un
grand lycée parisien n'ont pas les
mêmes difficultés, le
même environnement par
exemple! L'attention
à la
souffrance
Nous sommes, me
semble-t-il, à une
époque où "la
souffrance" prend un sens
nouveau. Elle avait
autrefois un coté
"rédempteur"; <<le
Christ a souffert pour nos
péchés>>. Il
y a un certain nombre
d'années une
méfiance existait à
propos de l'accouchement "sans
douleur" , le
précédent Pape nous
"exposait" encore sa souffrance
(comme un
modèle?).
Elle devient maintenant de
plus en plus comme un aspect de
la condition humaine à
diminuer ou à suprimer et
cela me paraît un
progrès. ..comment
la société
entend-elle prendre en charge la
soufrance psychique, là
où elle existe vraiment?
Est-il besoin de souligner que
toute conduite jugée
anormale ne débouche pas
nécessairement sur la
délinquance. Sur le
terrain du psychosocial, avant
d'appeler au dépistage
précoce du "trouble des
conduites", il conviendrait
probablement de mieux coordonner
les approches
(comportementalistes, analytique)
et si possible d'en promouvoir la
complémentarité.>>
Editorial du Monde
23/09/05 -La
souffrance physique est de plus en
plus prise en charge par la
médecine.Depuis peu on enseigne
dans les études médicales
comment la combattre; dans les services
médicaux on accepte de plus en plus
l'utilisation de la morphine.....On
crée des services de "soins
palliatifs" pour combattre la souffrance
de la mort. -De
même on commence à se
préocuper également de la
souffrance "psychique". Pour
chaque catastrophe, il y a création
d'une "cellule d'aide
psychologique".
On
utilise le terme "mental":
handicapés mentaux, le mental en
sport, ou le terme "psychique":
handicapé psychique, le psychisme
des élèves etc...
Le
premier renvoie aux facultés
intéllectuelles ou à
l'esprit en ce qui concerne sa
santé ou son aspect pathologique.
Le
second est plus global et renvoie aux
aspects personnels, groupaux, sociaux et
culturels. Les
difficultés humaines ne se réduisent
pas uniquement à du
médical
Bien sûr certains confondent encore
"difficultés psychologiques" avec "maladie
mentale"; "faire une psychothérapie" avec
"se faire soigner"; "être différent"
avec "être fou", une personne qui a un
handicap" avec "un handicapé"; dans tous ces
cas, il y a glissement du psychique au
médical ou réduction au
médical pur, autrement dit
médicalisation des difficultés
humaines. Le médical fait scientifique,
fait sérieux!(voir
dossier sciences) <<L'Académie
de médecine recommande la
systématisation de l'enseignement
et de la formation à la
psychothérapie pendant l'ensemble
du cursus médical, les
médecins français
étant à l'heure actuelle
très peu et mal formés
à la «souffrance
psychique».>> Rapport de
l'Académie de
médecine La souffrance
psychique et notre fonction
d'enseignant
Il serait temps peut-être que les
enseignants s'en préoccupent
également. La souffrance psychique
de certains élèves, de certains
collègues est
évidente.(voir
coping opposé au manque de
soutien) Nous ne sommes ni
médecin ni psychologue, cela ne veut pas
dire que nous n'avons pas à tenir compte de
cette souffrance psychique (des
élèves, des collègues, de
notre chef d'établissement...).Cette
souffrance peut se traduire de bien des
façons et en particulier par ce sentiment
d'insécurité dont on parle en ce
moment. Notre attitude à l'égard
des autres peut avoir des effets sur les personnes
en souffrance.
Isoler ces personnes, les
classer, les juger, leur dire d'aller se
faire soigner, les poursuivre de notre
attention inlassablement, faire pression
sur elles pour obtenir ce qui nous
paraît bon pour elles, pleurer avec
elles, ne diminuera sûrement pas
leur soufrance. Mais
savoir accueillir, écouter, ne pas
juger, ne pas étiqueter, ne pas se
laisser envahir par l'émotion de
l'autre, garder notre
sécurité intérieure,
savoir être passeur en donnant
l'adresse de quelqu'un de compétent
tout en restant en contact, sont des
moyens efficaces d'aide qui sont de notre
ressort. Ce qui est en
jeu, c'est la conception que l'on a de la
personne
Qu'il s'agisse de la "transmission des
connaissances" conçue comme "instruction" ou
comme "construction", qu'il s'agisse de la prise en
compte de la souffrance psychique à
l'école, de la place des enfants ayant un
handicap dans l'école, de la formation
purement disciplinaire ou professionnelle des
enseignants, dans tous les cas, cela dépend
de la conception plus ou moins complexe que l'on a
du fonctionnement des personnes. (voir:
nouvelle conception de la
personne)
La réglementation des
psychothérapeutes en est un nouvel
exemple. Ce qui différencie les positions
à son égard, au delà de
défenses d'intérêts
corporatistes ou de la décision possible du
remboursement de "certaines" (?)
psychothérapies par la
sécurité sociale, c'est la vision
de l'humain qui est sous-jacente:
L'humain est-il un pur produit
biologique dont les "troubles" relèvent
de la seule médecine, ou est-il
également le produit d'une histoire, d'un
groupe, d'une société, d'une
culture?
Dans le premier cas, la
psychothérapie est un "traitement des
maladies mentales" relevant du médical, dans
l'autre, elle est une aide pour trouver des
solutions nouvelles devant les difficultés
de la vie, comme le dit si bien Marie
Petit.
La nouvelle réglementation des
psychothérapeutes veut sortir de cette
exclusivité médicale mais il en
devient incohérent ! Il y aura
sûrement des gens incompétents parmi
ceux qui seront appelés "thérapeutes"
(des "psychologues" expérimentaux n'ayant
travaillé que sur des rats...! des
médecin radiologues etc...) et des gens
compétents parmi les "coachs", "conseillers
conjugaux", "médiateurs"
,"gestalt-thérapeutes",
"hypnothérapeutes", "analystes
transactionnels," "sophrologues", ou tout autre
titre qui seront inventés!! ! ! par Marie
PETIT par
Serge
GINGER sur
les
psychothérapies «
Psychothérapie. Trois approches
évaluées » Réaction <<Actuellement
en congé longue maladie pour
dépression non, maladie mentale,
puisque la dépression ne fait pas partie de
la liste des maladies pouvant donner lieu à
CLM) je tiens à témoigner que
ladministration ne fait rien pour tous les
profs en mal-être dans notre
société ... On parle de France
Télécom et nous ? Jai 30 ans
dancienneté et de volontariat dans des
classes délèves en
difficulté et je me retrouve pratiquement
seule face à mes problèmes ... La
demande de prolongation de longue maladie ayant
été raccourci par le comité
départemental jai du faire appel
auprès du comité national qui me
promet une réponse mais pas avant 6 mois !
Je suis lasse et en même temps très
révoltée , moi qui ai tant
donné pour ces enfants à la
dérive qui moffrent encore
aujourdhui leurs témoignages
affectueux ! Que deviendra lEducation
Nationale avec ces jeunes profs qui ont compris
bien avant moi que trop donner sans retour aura
raison de leur vie ! Merci cependant à mes
anciens élèves et à mon groupe
danciennes collègues qui mont
soutenue et qui me soutiennent encore
aujourdhui sans oublier ma petite famille
!>> <<Intéressant,
comme c'est très souvent le cas sur le site;
une remarque cependant : les cas cités dans
la thèse de Anne Joly ont l'air de tous
être des "cas" - en tout cas des cas de profs
anti-élèves, qui vivent leur relation
professionnelle dans la confrontation et la
rigidité, à lire les extraits. Les
circonstances sont telles qu'il y a bien des
enseignants (et pas seulement : personnels de
service etc) qui vivent des épisodes de
souffrance sans être des psycho-rigides ni
des naïfs débordés. Il y a aussi
des réactions autres que la fuite dans
l'arrêt-maladie, ou la (nécessaire
à mon avis de toute façon, souffrance
ou pas) psychothérapie : des réponses
pédagogiques, des réponses
collectives.Bien cordialement.>> Jean
Pierre
Ce n'est donc pas
étonnant que certains cherchent
à limiter la pratique des
psychothérapies aux
médecins, psychiatres et
psychologues qui paradoxalement ne sont
pas formés pour cette pratique!
(dans leur cursus classique)
La difficulté est dans une
vision complexe qui tiendrait compte des
différents plans: biologique,
psychique, social. L'étude des
maladies psychosomatiques, l'accompagnement
psychothérapique de personnes
souffrant de maladies graves (cancers etc..)
montrent que la question est à l'ordre
du jour. Les recherches sur le
stress
et ses conséquences biologiques
confirment cette interaction continuelle
entre le biologique, le psychique et le
social.