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LES STRATEGIES DE COPING

OPPOSEES AU MANQUE DE SOUTIEN REÇU

http://www.anne-jolly.com

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             Le manque de soutien issu de la hiérarchie, des collègues ou plus généralement de la société elle-même est très mal ressenti par l'enseignant. En tant que professionnel et en tant que victime, il se sent doublement déconsidéré.

Des stratégies de coping sont opposées à cette attitude qui déçoit, scandalise et outrage celui qui en est la victime.

             Les attitudes de soumission à cet état de fait sont assez rares. Aude par exemple, a renoncé à mobiliser ses collègues et s'est habituée à leur propension à la distraction :

« J'en parle de moins en moins. Au début quand j'avais commencé à en parler à quelqu'un et que le quelqu'un me parlait d'autre chose, je le remettais sur le sujet. Parce que pour moi, c'était une chose qui me préoccupait tout le temps et je me voyais pas en train de parler d'autre chose, de donner le change. Après, j'ai pris l'habitude de ne pas en parler tout le temps. C'est un petit peu sur les conseils de la thérapeute aussi. Elle m'a dit "Mais vous les embêtez avec votre problème. C'est normal qu'ils prennent leurs distances" ».

             Marc de son côté n'a pas voulu affronter son proviseur lorsque celui-ci lui a annoncé qu'il n'était pas fait pour le métier d'enseignant après s'être pris le poing d'un élève en pleine figure :

« Je ne lui ai rien répondu parce que je ne voulais pas avoir encore plus de problèmes. On sait jamais ce qu'ils peuvent vous faire ».

             Dans une situation présentant des risques similaires, Gilles cohabite à distance avec son proviseur qu'il qualifie de « parano et pervers ». « "On va subir le moins mal possible", se dit-il. "Tu t'es fait avoir, on va faire le gros dos en attendant que ça décante". Le Proviseur, moi je l'évite. Je lui dis bonjour ».

             Néanmoins, lorsqu'elle existe cette soumission n'est jamais isolée et s'accompagne d'actions visant en parallèle à prendre pour cible le stresseur. Si l'enseignant accepte de subir d'un côté, il se bat de l'autre. Il revendique, menace, s'oppose ou fait appel à une tierce personne susceptible de prendre les décisions que sa hiérarchie directe n'a pas prises.

             La fuite est une autre stratégie particulièrement peu représentée, qui succède cette fois à des stratégies de confrontation au stresseur avérées inutiles. Chacun à leur manière Renaud, Hervé et Ingrid fuient un mode de gestion laxiste de leur établissement qui s'oppose à leurs valeurs en matière éducative. En conflit ouvert depuis des mois avec son principal, Renaud décide de quitter ce collège qui « ne le mérite pas » à la suite des nouvelles critiques qui pleuvent sur lui depuis son altercation avec un élève. Aussi, il se fait délivrer par son médecin traitant un arrêt maladie de complaisance jusqu'à la fin de l'année (une quinzaine de jours) et réclame « dans une crise de larmes » une mutation pour l'année suivante au rectorat dont il dépend.

             Davantage motivé par la fatigue que par la colère, Hervé qui a rarement bénéficié de l'assentiment de ses supérieurs au cours de ses trente années d'enseignement ne supporte plus d'être désavoué par sa hiérarchie qui voit en lui un enseignant qui n'a pas su s'adapter à l'évolution de son public. Epuisé par les provocations incessantes d'un élève et l'absence de soutien de son principal, il est arrêté jusqu'aux grandes vacances (deux mois) par son psychiatre et sollicite un aménagement qui aboutit l'année suivante à un poste à mi-temps accompagné de stages de formation. Inquiet sur la manière dont il pourra gérer les quelques années qui lui restent à faire avant la retraite, son psychiatre lui a répondu « Faut pas vous faire de soucis. Quand ça deviendra intolérable, on vous mettra en arrêt de travail ». Sans approuver cette solution, il ne voit pas véritablement d'autre échappatoire possible.

             Pour Ingrid, la fuite est plus douloureuse puisqu'elle se fait dans la maladie. Pressée par sa hiérarchie de reprendre en cours des élèves qu'elle s'obstine à refuser tant qu'ils ne lui auront pas présenté d'excuses, elle s'épuise en luttes intestines et est hospitalisée d'urgence. Après une année d'arrêts maladie successifs, elle échoue dans sa tentative de reprise en mi-temps thérapeutique.

« Je prendrai ce qu'il faudra comme temps pour me soigner. Puisque le système veut ça, je m'arrangerai avec le système. Je m'en accommoderai. C'est fini ! C'est fini, il ne faudra plus me demander quoi que ce soit. C'est fini, terminé ! On a trop tiré sur la corde », dit-elle.

             Les stratégies de confrontation sont les plus nombreuses et sont quasiment toutes dirigées vers le chef d'établissement. L'enseignant n'a pas forcément beaucoup d'espoir mais s'attend à un minimum d'initiative de la part de son supérieur hiérarchique. D'une manière plus ou moins frontale, le chef d'établissement doit donc lui-même faire face aux exigences de ses enseignants. II peut être pressé d'agir ou menacé lorsque son soutien ne semble pas suffisamment net :

« Je vous préviens, si elle n'est pas renvoyée de l'établissement, à ce moment là, je porte plainte et je fais un scandale » (Martine) ; ...

           II peut être l'objet de petites malveillances, qui en l'occurrence portent davantage préjudice aux élèves qu'à luimême :

« Je me suis rendu compte qu'être absent dix jours, ce n'était pas beaucoup. J'ai fait renouveler [mon arrêt]. J'avais dans l'intention d'embêter tout le monde au bahut. Surtout l'Administration. Quand je dis l'Administration, c'était surtout le Proviseur » (Florient).

          Il peut également être l'objet d'une attaque en règle. Ainsi, outrée par ses négligences et son mépris, Ingrid a-t-elle dénoncé le laxisme de son proviseur dans un courrier adressé au Recteur. Il peut être pris à revers lorsque l'enseignant s'adresse à une tierce personne capable de prendre la décision de sanctionner l'élève à sa place. Lorsque le chef d'établissement ne joue pas son rôle, l'enseignant se tourne vers le Recteur ou la police pour obtenir la réparation symbolique attendue :

<<J'ai porté plainte parce que sinon ça partait aux oubliettes. C'est vite oublié » (Daniel) ; « J'ai écris au Recteur et je lui ai envoyé les cinq rapports que j'avais faits sur l'élève » (Hervé).

             Face aux supérieurs hiérarchiques, lorsque s'installe une amertume liée à l'indifférence que suscite l'agression subie et ses conséquences, les exigences redoublent avec le temps. C'était le cas d'Ingrid. C'est le cas d'Eric. Dépossédé des conséquences de sa plainte par son ignorance des lois pénales en vigueur, il tente de conserver un contrôle maximal sur ce que l'Administration entend faire de lui :

« J'ai déposé un recours en excès de pouvoir au tribunal administratif sur les vices de formes de la commission de réforme. Je suis plongé dans les textes, dans les lois... Etre dans son bon droit. Une recherche de la vérité, une recherche de son bon droit. C'est quoi être dans son bon droit ? ».

             Les collègues font rarement partie des personnes auxquelles on s'affronte parce que le soutien est globalement bon, même si de temps en temps de petites phrases ou attitudes blessent. Renaud, par exemple, fulmine comme à son habitude contre ses collègues qui lui reprochent d'être incorrect avec ses élèves et de s'attirer dès lors très logiquement leurs foudres :

« Je fais des réflexions, ouais ! Je fais mon boulot ! Vous leur faites pas des réflexions vous ? Ben, vous avez tort ! Ca veut dire que vous faites pas bien votre boulot non plus. Pas de réflexion : ça veut dire que tout va bien. Et vous croyez que tout va bien ? ». (p. 252-254)

LES STRATEGIES DE COPING OPPOSEES A LA SYMPTOMATOLOGIE TRAUMATIQUE

Ces textes sont tirés de la thèse d'Anne JOLLY soutenue le 11 Décembre 2002 à l'Université de Reims. Les choix des parties et les découpages nécessaires sont de ma responsabilité.

PLAN des parties de la thèse
L'agression : du stress au traumatisme
LE SOUTIEN SOCIAL
Le coping
Jugements et évaluations
Les réactions Symptomatiques
Le vécu attaché à l'agression
Du milieu professionnel
Des proches
De la société
combattre, fuir ou pâtir
Image de l'élève agresseur
Portrait-robot de
l'élève agresseur
l'enseignant qui a le plus de risque

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