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Portrait-robot de l 'enseignant

qui encourt le plus de risques d'être agressé

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             Dans la description de l'enseignant qui encourt le plus de risque d'être agressé, deux grandes tendances s'opposent. Il y a les enseignants pour lesquels l'autorité fait défaut et ceux chez lesquels cette autorité est excessive.

             L'enseignant intimidé qui manque de confiance en lui ou l'enseignant trop gentil qui tolère tout de ses élèves sont plus susceptibles que d'autres d'être agressés.

« C'est quelqu'un qui se fait pas respecter. C'est des gens qui de toute façon même s'ils étaient dans n'importe quel autre boulot, ce serait la même chose parce qu'ils n'ont pas assez confiance en eux. Je ne sais pas. Je crois que c'est ça, cette idée de ne pas réussir à se faire respecter. [...] Faut pas avoir peur, parce que des élèves qui se mettent à applaudir ou à siffler parce que vous avez dit que vous allez être absente, ça fait un boucan d'enfer. Ils le font exprès. Ils tapent de plus en plus fort. Ca peut faire peur. Et les élèves peuvent voir que ça fait peur et en rajouter » (Adeline) ; « Un professeur qui n'est pas sûr de lui, d'elle. Un professeur qui a le regard fuyant. Le manque d'assurance, c'est important ça » (Andrée) ; « Je vois une femme qui est timide, fragile » (Catherine-1) ; « Quelqu'un qui n'a pas trop d'autorité. Quelqu'un qui ne met pas de limites aux élèves, qui se laisse marcher sur les pieds » (Martine) ;...; « Peut-être quelqu'un qui est trop gentil. Dans le sens qui essaye de parler avec les élèves, qui essaye de dialoguer. Parée qu'ils ne sont pas habitués au dialogue, j'ai l'impression, ces enfants qui posent problème. Dès qu'on essaye de dialoguer, pour certains, ça les déstabilise. Et puis, du moment qu'on essaye de dialoguer c'est qu'on est faible. Dès qu'on essaye de parler, ça coince » (Sabine) ; « Si on donne de trop, si on est trop gentil, on en profite. Celui qui se fait agresser, je pense que c'est celui qui est trop laxiste, qui tolère tout, qu'est trop copain » (Solange).

 

             Justifiant ainsi un juste milieu, les enseignants estiment qu'un collègue trop autoritaire, voire agressif et irrespectueux envers les élèves, encourt également plus de risque qu'un autre.

             « Le prof un peu autoritaire qui dirige sa classe, qui fait trimer ses élèves, qui veut avancer, qui va présenter des limites. Et, si l'élève veut tester ces limites, là il va y avoir conflit. Donc, il risque d'y avoir agression » (Agnès) ; « Faut être ferme mais pas trop quand même. Faut pas être trop sévère » (Solange) ; « C'est peut-être ceux qui essayent de résister et ceux qui expriment leurs idées, qui osent revendiquer leurs idées » (Hervé) , « Un prof qui réagit ou bien un prof très macho qui est vraiment directif, qui rentre dedans. C'est le prof pas coulant du tout. Le prof qui ne respecte pas les élèves. Parce qu'il y a ça aussi. Manque de respect, insulter les élèves... » (Daniel) ; « Qui se moquerait d'eux d'une manière toute triviale, toute simple. C'est une histoire de respect. [...] Celui qui serait trop flic. Celui qui serait trop près de la loi, en fait. Qui n'a pas de patience, qui punit trop sévèrement ou qui ne respecte pas l'élève » (Florient) ; « Quelqu'un qui suscite l'agressivité d'une façon générale. Quelqu'un qui n'a pas d'aptitude à la négociation. Quelqu'un qui a des opinions très tranchées, très arrêtées. Quelqu'un qui agresse verbalement les élèves » (Odile) ; « Il y a aussi des enseignants qui insultent facilement les élèves ou qui les frappent, etc. Ca me paraît très dangereux. Ici, ça peut aller loin, s'il y a ça. C'est pas le genre de truc qu'il faut faire, ici. Vraiment. Même insulter. Ils sont très exigeants. Ils ont énormément besoin que le prof soit idéal, ici. Enormément. » (Catherine-1).

 

             Il est important pour l'enseignant de connaître le public auquel il a affaire et d'être à l'écoute de ses besoins.

             Il s'agit, pour reprendre les termes de Solange d'être « doux et ferme » à la fois. « Peut-être aussi de pas comprendre ce qu'est un gamin et ce qu'est une classe, de pas se souvenir de ce qu'on était quand on était môme » (Adeline) , « Quelqu'un qui n'est pas à l'écoute des élèves, qui ne parle pas avec les élèves. Qui considère que les profs sont dans un monde, les élèves dans un autre monde. Deux mondes différents. Quand il n'y a pas de compréhension entre les deux » (Martine) ; « Un individu qui ne sait pas être à l'écoute des autres. Quelqu'un qui manque d'humour. C'est celui qui n'a pas de facultés d'adaptation. Parce qu'il faut s'adapter au public qu'on a. Ca, ça demande beaucoup d'écoute et d'attention des jeunes que l'on a en face » (Odile).

 

             Les femmes, parce qu'elles sont moins imposantes physiquement et parce qu'elles affirment avec plus de difficulté leur autorité auprès d'un public de jeunes d'origine étrangère, sont perçues comme une cible plus facile lorsque la question du sexe de l'enseignant est évoquée.

             « Je pense que le fait d'être une femme... C'est toujours lié à ce rapport affectif, des problèmes de mère ou des problèmes de culture, où parfois la femme n'est pas toujours considérée » (Sabine) ; « Quand on est femme, ça c'est clair. Femme, fatiguée, pour des raisons que tout le monde connaît. Quand on est une femme, on est peut-être plus sensible aussi aux agressions verbales. Je sais pas. Est-ce qu'on a une autre manière de voir les choses ? » (Ingrid).

 

             Viennent ensuite les enseignants qui manquent de motivation et ne s'impliquent pas correctement dans leur travail.

             Si les enseignants doivent être parfaits dans leur attitude à l'égard des élèves, ils doivent aussi l'être dans leurs enseignements.

             « Qui n'est pas entré dans l'enseignement avec un minimum d'idées de ce qu'il allait faire, de la manière dont il voulait faire acquérir à ses élèves des choses. Le type qui vient là pour la soupe, quoi !>> (Renaud) ; « Quelqu'un qui n'aime pas son boulot, déjà » (Florient) ; « Quelqu'un qui ne fait pas son travail consciencieusement. Parce qu'il faut quand même qu'on soit crédible » (Odile) , « Un professeur qui propose de la soupe au lieu de proposer un bon potage, c'est forcément un professeur qui un jour ou l'autre va se faire agresser. Faut bosser pour être crédible. Si on n'est pas crédible, c'est sûr que les élèves ont envie de déverser de l'agressivité » (Andrée).

 

             Les jeunes enseignants seraient également des cibles privilégiées. Non pas tellement parce qu'ils sont jeunes mais parce qu'ils n'ont pas encore l'assurance et le professionnalisme des plus anciens, et parce qu'ils ne parviennent pas à adapter ce qu'on leur a appris à l'IUFM au public auquel ils sont confrontés :

             « Ils aiment pas les jeunes profs. Ils sont durs avec eux. Puis, ils leur disent même. Parce qu'ils pensent qu'ils sont pas assez matures pour être profs, qu'ils sont pas assez distanciés, ils ont pas assez de recul par rapport à leur métier. Faut quelqu'un de mûr en plus » (Catherine-1) ; « A l'IUFM, il y a eu des progrès mais les profs ne sont pas formés. Ils sont formés pour être les professionnels d'une matière, ils sont formés pour être les professionnels de l'enseignement. C'est sûr que ça ne s'apprend pas non plus dans les livres mais il y a quand même quelques règles, un peu de psychologie, de sociologie... On sait maintenant comment les gamins se comportent. La résolution de conflit, ça existe ! On devrait donner quelques rudiments aux jeunes profs qui sortent de l'IUFM. Ce n'est pas fait. C'est de la folie. On forme les gens pour un métier qui n'existe plus. Avant, les élèves étaient bien cadrés, sérieux, appliqués, silencieux, attentifs. On n'a plus ça » (Gilles).

 

             Enfin, sont également montrés du doigt les enseignants mal dans leur peau et dépressifs ou simplement fatigués, qui n'ont pas la disponibilité d'esprit nécessaire. Selon eux, la fragilité intrinsèque favorise l'animosité des élèves qui s'empressent alors de s'engouffrer dans la faille perçue.

             « Il y a le prof en dépression, complètement inhibé, qui va se laisser martyriser » (Agnès) ; « Il y a l'autre type de prof... qu'est un peu fragile » (Daniel) ; « Quelqu'un qui n'est pas bien dans ses baskets. Quand on n'est pas bien dans sa peau, quand on est face à un groupe d'adolescents qui cherchent la faille, c'est difficile » (Odile).

 

             Deux ou trois enseignants ont estimé qu'il leur était impossible de dresser ces portraits-robots, tant les circonstances qui amènent l'agression sont aléatoires.

             « Je pense que c'est lié à un truc particulier entre un élève et un prof. Un élève va avoir envie d'agresser un prof mais un autre élève aura pas du tout envie d'agresser le même prof. Il y a plein de comportements différents qui amènent à un moment donné à une agression. Je ne vois pas qu'il puisse y avoir de portrait-robot » (Sylvie) ; ...« Je crois que tout le monde... Comme ça m'est arrivé, tout le monde peut être agressé. Je ne sais pas qui pourrait ne pas être agressé. Quand on est agressé, c'est parce qu'un élève pète les plombs. Tous les élèves sont susceptibles... On est tous à un moment donné dans la vie capable de péter un plomb » (Marc)....

 

             Les portraits-robots des élèves sont très empreints des caractéristiques réelles de l'agression vécue par ces enseignants.

             Les caractéristiques des élèves débordent sur cette vision plus abstraite du portrait, qui n'a pour autant pas la prétention de se vouloir universelle. C'est une vision qui dépend de l'expérience de chacun, notamment du public qu'accueille leur établissement. En revanche, il y a généralement peu de liens lorsqu'ils confrontent leur portrait-robot de l'enseignant qui encourt le plus de risque d'être agressé avec leur propre histoire.

          Il y a un décalage entre l'image que ces enseignants ont d'eux-mêmes et leurs représentations du « prof à risques ».

             Globalement, ils se sentent loin de ces enseignants autoritaires, irrespectueux, fragiles, sans enthousiasme, ou encore, peu à l'écoute des élèves. S'ils estiment que leur détermination à rester maître de la situation en usant de leur autorité a sans doute contribuée à attiser la colère de l'élève lors de la confrontation, ils considèrent que c'est dans leur rôle de poser des limites claires à leurs élèves.

             Ce décalage est néanmoins cohérent avec leur vision d'un élève sans maîtrise qui subitement « pète les plombs ». Le caractère imprévisible de l'agression subie rend leur propre expérience incompatible avec ces différents déterminismes.

             Pour autant, ce n'est pas une façon de se dédouaner. Ces enseignants s'adressent des reproches (cf. chapitres sur l'agression et le coping), mais plus vis-à-vis de leur gestion de cette relation particulière avec un élève que vis-à-vis d'une attitude générale qu'ils adopteraient envers leurs élèves. (p. 266-269)

             Ces textes sont tirés de la thèse d'Anne JOLLY soutenue le 11 Décembre 2002 à l'Université de Reims. Les choix des parties et les découpages nécessaires sont de ma responsabilité.

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Commentaire

Réaction
<< je suis tout simplement sidéré de lire autant d'ineptie et de manque de connaissances sur le sujet.....allez donc faire un tour sur le site de AJC sur les violences morales.Sil, prof public ayant travaillé plus de 10 ans dans le privé en france et à l'étranger en tant qu'employé.>>
PLAN des parties de la thèse Anne Jolly
L'agression : du stress au traumatisme
LE SOUTIEN SOCIAL
Le coping
Jugements et évaluations
Les réactions Symptomatiques
Le vécu attaché à l'agression
Du milieu professionnel
Des proches
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l'enseignant qui a le plus de risque

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