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LE SOUTIEN SOCIAL ISSU DE LA SOCIETE

Anne Jolly

http://www.anne-jolly.com

Hypothèses de cette recherche

 

Corpus et méthodologie

             Dans ce cadre, la société renvoie à l'élève agresseur et à ses parents, aux élèves de l'établissement et éventuellement à leurs parents, à la police et la justice, à l'Autonome de solidarité, à la Mutuelle Générale de l'Education Nationale, aux médecins, aux médias, etc.

L'élève agresseur et ses parents

             Les excuses sont rares. Effrontément, certains élèves vont jusqu'à nier les faits qu'on leur reproche et exiger des excuses pour eux-mêmes. « Devant le conseil de discipline, elle a demandé "Je veux bien retirer ma plainte si Madame X., me fait des excuses publiques". Quand le proviseur lui a dit "Mais vous avez quand même attrapé Madame X., par son écharpe", "Non, ce n'est pas vrai. Elle n'avait pas d'écharpe" » (Martine).

             Le sentiment de toute puissance est plus fort encore lorsque l'enseignant agressé ne bénéficie pas du soutien de son chef d'établissement. Avec le bras de fer qui oppose les adultes, les élèves disposent d'un avantage qui leur donne l'assurance nécessaire pour narguer en toute impunité l'enseignant. Ingrid a été soumise à cette pression psychologique lorsque, la croisant dans la rue alors qu'elle est en arrêt maladie depuis de longs mois, les élèves en question lancent à la cantonade « Elle est au chômage ». Comme elle leur répond qu'elle n'est pas au chômage mais que eux risquent d'avoir des difficultés à trouver un emploi avec les propos qu'ils tiennent, ils rétorquent fièrement « Oui, mais nous, on est toujours dans l'établissement. On est toujours là ! ».

             Dans leur attitude, ces adolescents restent néanmoins beaucoup plus modérés que leurs parents qui sont leurs plus fervents défenseurs. D'une manière quasiment inconditionnelle, ils défendent leur progéniture sans s'interroger un seul instant sur la véracité des accusations qu'ils peuvent porter à l'encontre des enseignants. Ainsi, ces derniers passent-ils de la position de victime à celle d'accusé sans que les faits ne soient pris en considération. Le cas extrême concerne Monique qui, poignardée par une de ses élèves, entend la mère dire qu'il s'agit d'un « geste d'inattention » et le père affirmer que sa fille n'a jamais possédé d'arme. Ces parents n'ont d'ailleurs jamais compris pourquoi leur fille avait été exclue de l'établissement. Trois plaintes ont été déposées par des élèves qui avaient agressé physiquement leur enseignant. Bêtise ou provocation ? Certains enseignants n'hésitent pas à invoquer la bêtise mais la plupart restent à un niveau de sidération et d'étonnement face à ce parti pris injuste.

« Comment peut-on être assez stupide pour croire un enfant qui vous dit "Le prof c'est un ogre, il nous terrorise" ? Alors qu'ils ne sont pas du tout terrorisés ! Comment peut-on être assez stupide pour croire des enfants sans avoir envie d'avoir une autre... Je me pose des questions. Comment peut-il y avoir des gens aussi naïfs qui croient tout ce que dit leur enfant ? Ca, ça me révolte » (Hervé) ;

« Quand je l'ai quittée, elle était encore convaincue que je ne disais pas la vérité. "Je crois ma fille" disait-elle. C'était choquant de voir que les parents peuvent soutenir les enfants à ce point » (Andrée) ;...;

« Le père est venu au collège pour faire pression. Il est venu pour que je retire ma plainte. Il voulait que le Principal me convoque » (Catherine-2).

             En tout, deux enseignants ont reçu des excuses. Celles-ci sont le fait des enfants et de leurs parents, c'est-à-dire que soit les excuses sont conjointes, soit les parents exigent de leur enfant qu'il s'excuse auprès de l'enseignant.

Les élèves et les parents d'élèves

             La plupart des élèves ont une attitude bienveillante à l'égard de l'enseignant agressé. Ils le rassurent, prennent de ses nouvelles et s'enquièrent de savoir s'il va bientôt revenir leur faire cours lorsqu'il est en arrêt maladie.

« J'ai eu un message sur mon e-mail quand je suis partie. Deux élèves qui me disaient "Mais pourquoi vous êtes parti Mozart ?". C'était rigolo. C'était sympa » (Renaud) ;... « Elles m'ont dit que je ne méritais pas ça "Madame, vous êtes gentille. Elle ne devrait pas vous faire ça. Ca vous fait du mal" » (Solange) ;...

« J'ai eu beaucoup de sympathie de la part d'élèves. J'en ai qui m'ont envoyé des fleurs. J'ai plein de petits élèves de sixième qui m'ont dit "Madame, quand est-ce que vous revenez ?". Tous gentils. Ca fait plaisir. Les élèves étaient quand même assez choqués. Il paraît qu'ils en ont beaucoup parlé pendant les cours » (Martine) ...

             En matière de discipline, ils ne s'encombrent pas des mêmes principes et réagissent comme l'ont fait certains des propres enfants des enseignants.

« Il y en a un qui n'arrêtait pas de bougonner dans son coin en disant "De toute façon, vous vous laissez faire, vous vous laissez toujours faire". J'étais vexée » (Ela) ; « Vous auriez dû lui mettre une baffe, ça l'aurait calmée » (Adeline) ;....

             Dans une attitude de surcompensation, qui s'oppose aux craintes des enseignants de voir se mettre en place un effet boule de neige, ils sont parfois plus sympathiques après qu'avant l'agression.

« Un élève que j'avais l'an dernier, qui était une terreur, il a dit à sa prof "Ah Madame, moi je ferai jamais ça. J'irai jamais dire ça". Et maintenant, quand il me voit, il vient me dire bonjour. C'est rigolo. Pour certains, il s'est passé quelque chose donc on a une certaine complicité. Des fois, "Alors ça va, Madame ?". On sent qu'il y en a qui viennent voir si ça va, quoi ! Ils ont du mal à le dire parce que nous on est des adultes, eux sont les élèves, mais ça a peut-être resserré des liens avec certains élèves » (Sabine) ,...

             Néanmoins, la réaction n'est pas unanime. Il y a généralement une petite poignée d'élèves, souvent les plus proches amis de l'agresseur, qui défendent leur camarade voire prennent parti contre l'enseignant. Alors que certains réconfortent leurs enseignants, d'autres ont l'idée de faire des pétitions en demandant à chacun d'indiquer tous les griefs qu'ils peuvent avoir à formuler à son encontre, de répandre des rumeurs ou encore de se cotiser pour payer l'avocat de leur camarade.

« C'est triste mais certains prenaient presque parti avec lui ou étaient ravis de voir une scène comme ça où j'avais le dessous » (Daniel) ; « J'ai eu des abrutis qui sont venus me dire "T'es vraiment une grosse tapette. Tu t'es laissé taper par un gamin de 18 ans. T'as pas de couilles". Souvent des copains du gars. Pour te dire le chantage psychologique que c'est » (Florient) ...

             Sans réelle hostilité à l'égard de l'enseignant, certains ne comprennent pas pourquoi celui-ci porte plainte, notamment s'il n'y a pas eu d'agression physique. Seuls les coups, voire la mort, semblent justifier une telle extrémité judiciaire pour certains élèves .

« Une élève a dit qu'après tout ce n'était pas si grave [coup de couteau] puisque je n'étais pas morte » (Monique).

             Les parents d'élèves sont rarement présents dans le discours des enseignants, à moins d'avoir adopté une conduite particulièrement réconfortante ou particulièrement choquante. «L'agression, c'est aujourd'hui qu'elle a eu lieu » annonce Monique à la sortie du conseil de discipline qui statue sur l'exclusion définitive de l'adolescente qui lui a pourtant donné un coup de couteau dans le ventre. Les représentants des associations de parents d'élèves ont refusé de siéger, ne voulant pas charger la jeune fille. Un seul représentant de parents était présent, pour souligner tout au long du conseil que si l'enseignante avait été plus laxiste dans l'application du règlement intérieur de l'établissement la situation ne se serait pas envenimée. Autrement dit, si elle n'avait pas exigé un billet de retard et si elle ne s'était pas opposée au départ de l'élève en plein milieu du cours, il ne serait rien arrivé. Le même discours était tenu par les parents de l'adolescente et par la représentante des élèves, mais cela peut davantage se comprendre.

« Je dis que c'est ce jour là où je me suis sentie agressée parce qu'on voulait tellement excuser l'élève, alors que moi je ne cherchais pas à l'enfoncer... Il y a des profs et des parents d'élèves prêts à démissionner de l'association à la suite de cette histoire. Ils sont scandalisés que le représentant ait pu avoir cette position. Je suis sortie en disant que j'avais honte d'avoir appartenu à l'association ».

La police et la justice

-Dépôt de plainte et instruction

             En ce qui concerne l'accueil fait aux victimes par les commissaires de police et les officiers de la police judiciaire, tous les cas de figure sont possibles. Du style le plus sympathique et réconfortant au style le plus hostile et déstabilisant, aucun ne domine véritablement. Lorsque l'on a été agressé, devoir attendre quelques heures ou quelques jours pour pouvoir déposer plainte est vécu avec une certaine difficulté chez les enseignants. Une relation avec le temps parfois très bien transcrite :

« Ca a été très très long. Le temps passe, et puis vous attendez. Faut attendre. "Vous êtes la victime, vous n'avez qu'à attendre". C'était déjà la première étape. Il fallait attendre » (Eric).

             Ensuite, sans témoigner d'une hostilité particulière, l'officier qui reçoit la plainte manque parfois du tact et de la disponibilité nécessaires à une personne déjà fragilisée qui procède à une démarche qui lui est généralement totalement étrangère.

« Ils s'embarrassent pas à y mettre des gants. On n'est pas pris en charge comme victime. On n'est pas respecté comme telle. On les dérange. Il vous dit "Vous savez des histoires comme ça, on en a. Il y en a plein". C'est banal ! Je regrette, c'est quand même une violence morale » (Catherine-2).

             Ce qui est banal pour le policier est exceptionnel pour l'enseignant. Si l'officier n'a pas la délicatesse de montrer un peu d'humanité dans sa manière de traiter ce qui n'est pour lui qu'un dossier supplémentaire, l'enseignant se sent encore davantage déconsidéré.

             Les procédures elles-mêmes sont dures lorsqu'elles sont mal ou insuffisamment expliquées. C'est le cas, par exemple, lorsqu'il s'agit de confronter seulement quelques heures après les faits les agresseurs à leur victime pour une séance d'identification.

« J'ai trouvé inadmissible qu'on confronte un agresseur à sa victime sous je ne sais quel prétexte juridique, judiciaire ou administratif. Alors que c'est un traumatisme énorme, tout de suite, on voudrait te remettre avec le gars qui vient de foutre en l'air une partie de ta vie » (Florient).

             La franche agressivité qu'a eu à subir Martine constitue une exception. L'enquêtrice qui la reçoit s'adresse à elle de manière si grossière et témoigne d'une telle hargne qu'elle est davantage affectée par cet accueil que par l'agression elle-même. De victime, elle devient accusée. Le parti pris pour l'élève est si manifeste qu'elle vit depuis cette rencontre dans une expectative anxieuse le jour du jugement.

L'information judiciaire

             Elle est relativement mal vécue par les enseignants. D'abord, il faut attendre des mois avant que le procès ait lieu. L'impatience marque cette période.

« Ca a traîné un petit peu et ça traîne encore parce qu'au bout de quatre ans je n'ai toujours touché aucun dédommagement financier. Je ne cours pas après l'argent mais par rapport au préjudice moral, c'est quand même important. Donc, ils s'en contrefoutent pas mal » (Florient).

             Porter plainte est une démarche dont à priori on n'imagine pas forcément la complexité et la lourdeur. Déjà, savoir que le type de plainte déposée va dépendre du nombre de jours d'ITT fournis par le médecin, n'est pas donné à tout le monde. Certains enseignants ont ainsi eu la surprise d'apprendre que leur certificat médical ne convenait pas ou qu'au contraire ils allaient devoir s'arrêter quelques jours alors qu'ils n'en avaient aucune envie. Cette méconnaissance du monde judiciaire se retrouve à tous les niveaux : celui des conséquences pénales pour l'agresseur, celui des multiples expertises médicales, celui des formulaires administratifs abscons, etc.

             Une fois la procédure enclenchée, l'enseignant ne maîtrise plus rien. Aussi, Eric se dit-il « victime des propres lois de la République, qui veut que quand on porte plainte ça aboutisse quelque part. Quand j'ai porté plainte, je ne pensais pas aboutir à des conclusions définies par un code pénal avec des sanctions lourdes ».

             Déposer une plainte était pour lui une façon de porter témoignage simplement de ce qu'il avait vécu. Ignorant des conséquences que son geste pouvait avoir il n'imaginait pas que ses agresseurs pourtant mineurs pourraient se retrouver en prison. Ce n'était pas dans sa volonté de leur infliger une telle sanction. Il a le sentiment de ne pas avoir pu contrôler cet enchaînement de faits juridiques et souffre de ses conséquences. Les démarches qui succèdent à un dépôt de plainte ne sont pas propres à la victime. La lourdeur administrative est telle qu'il faut parfois à l'enseignant beaucoup de volonté pour ne pas retirer sa plainte.

« L'appréhension de voir encore un courrier du tribunal, une convocation du tribunal, de l'avocat ou du commissariat, et répéter x fois la même chose. Répéter toujours la même chose, la même version, toujours toujours. Je comprends vraiment que des gens abandonnent leur plainte. Si je n'avais pas été soutenue par le Proviseur et les collègues qui vraiment tenaient à ce que ça ne reste pas impuni, j'aurais abandonné. Pour la victime, c'est trop lourd. C'était très dur » (Monique).

• Procès et jugement

             Le procès est réputé pour être un moment difficile pour les victimes. Par son déroulement, mais aussi les jugements et les soupçons qu'il génère, il est une épreuve. Les attentes sont immenses à l'égard du magistrat qui doit désigner la victime et le coupable. Florient décrit pas à pas la manière dont il a vécu ce procès qui lui a permis peut-être de se détacher progressivement du sentiment de vengeance qui le dominait depuis son agression.

« Alors la plaidoirie, j'ai cru que je devenais maboul ! Ils ont un art, une rhétorique, c'est impressionnant. Ca m'a foutu hors de moi. Ils ont dit plein de fausses vérités, de vrais mensonges. Qu'ils avaient déjà fait une enquête sur moi, que j'avais déjà eu des ennuis... Et ça, on ne leur demande pas de prouver. Ils parlent et les gens écoutent. Et tu en prends plein les dents. Tu es dégoûté. Tu as à nouveau des envies de meurtre. Tu te dis "Mais qu'est-ce que c'est que ça ? C'est la justice ça ?". Ensuite, arrive l'avocat général. Là, tu retombes un petit peu sur tes pieds. "tu te dis "Ah, enfin ! On m'a compris" ».

             Lorsque la victime n'est pas reconnue comme telle et que la justice néglige de sanctionner l'agresseur, le sentiment de désaveu est profond. ...

« Ca a été classé sans poursuites pénales. Le Procureur, je lui en veux plus qu'à l'élève. Ah oui ! Je trouve qu'il fait ça très malproprement. Franchement. Ah oui, ça je lui en veux ! » (Catherine-2).

             La justice a un pouvoir de réparation indéniable qu'elle néglige parfois à un point tel qu'elle crée plus de dégâts qu'elle n'en répare :

« Je ne me sens pas en sécurité parce que je ne me suis pas sentie protégée. Je n'ai plus confiance dans la société toute entière, ni dans la police, ni dans la justice, ni dans sa capacité à représenter l'état de droit » (Catherine-2).

             La reconnaissance du préjudice est essentielle, même si elle ne passe pas nécessairement par des sanctions lourdes à l'égard des adolescents. Pourtant gravement agressés, Eric et Monique ont du mal à se détacher de la vie de leur agresseur et témoignent ainsi de leur désir que des mesures plus éducatives que répressives soient mises en oeuvre....

 

Les médecins traitants, les psychiatres et les psychologues

             L'accueil des médecins de famille est généralement bienveillant. Ils sont attentifs à la détresse psychique de leur patient et soucieux de leur bien-être. Ils n'hésitent pas à mettre en arrêt maladie les enseignants lorsqu'ils l'estiment nécessaire et ne rechignent pas davantage à répondre à leurs demandes explicites ou implicites. Les qualités humaines d'écoute et de compréhension du médecin sont essentielles, elles déterminent le jugement des enseignants.

            II leur arrive pourtant d'être maladroits et de mettre en cause la responsabilité de l'enseignant dans ce qui lui est arrivé. Ils prennent alors le risque pur et simple de perdre un patient.

« Le premier médecin que j'ai vu, il m'a enfoncée. Il a été nul. II m'a dit que c'était peut-être parce qu'au niveau pédagogique j'étais pas à la hauteur. Il m'a accablée en quelque sorte. Et comme solution, il me proposait de me mettre sous Prozac ! Le discours qu'il a tenu d'un point de vue humain et médical, j'ai trouvé cela vraiment lamentable. Un abruti ! Il ne me reverra plus » (Agnès) ...

             Les médecins sont le plus souvent informés des modalités d'application d'une Incapacité Temporaire Totale (ITT) de travail, et prennent le temps d'expliquer à leur patient ce qu'elle recouvre en terme de dépôt de plainte....

« A partir de huit jours en fait ça passe en correctionnelle. Et je me souviens que j'avais dit au médecin aux urgences "10 jours ! Vous allez pas me mettre 10 jours quand même !". Il m'a dit "Attendez, attendez ! Réfléchissez un petit peu...". Après, je lui ai dit "Ah bon ? Mettez-moi plus alors. Mettez-moi 30 jours. J'aimerais bien avoir 30 jours". Il m'a dit "Non, malheureusement c'est très précis et selon les traumatismes, il ne faut pas exagérer. Parce qu'on va vous demander des comptes » (Florient).

             La consultation auprès d'un psychologue ou d'un psychiatre n'est pas rare, elle est parfois fortement suggérée par un médecin traitant ou un médecin expert. Uniques ou régulières, ces rencontres leur apportent une aide non négligeable. ...

« Ca m'a soulagé de parler à quelqu'un. De parler un petit peu de tout. Ca, ça me faisait du bien. On parle un peu, ça libère. Ca libère de parler. Et puis dans les derniers temps où je l'ai vu... comme lui son jeu c'était de rien dire, on tournait un peu en rond. Ca m'apportait plus rien. Donc, je n'y suis plus allé » (Marc) ; « Je crois que l'aide qu'il a apportée, c'est qu'il a mis des mots sur des choses que je ressentais et pourquoi. Pourquoi j'avais pas envie de faire telle ou telle chose. C'est plus ça qui m'a aidée » (Monique).

             Pouvoir mettre des mots sur des émotions ou sur des conduites inhabituelles rassure. Si on ne se reconnaissait plus ou si on pensait devenir fou, les mots posés sur les symptômes ramènent paradoxalement à la normalité.

« Je suis allée voir un psychiatre à la MGEN. Ca m'a fait un bien énorme. Ce dont j'ai le plus souffert, c'est de ne pas être reconnue comme victime. Et j'en ai souffert énormément jusqu'à ce que la thérapeute me donne un livre qui parle du harcèlement en milieu scolaire. Je me suis sentie beaucoup mieux parce que tout d'un coup je me suis dit "Ca existe. C'est pas moi qui délire. C'est pas moi qui donne de l'importance à une chose qui n'en a pas. Il y a d'autres gens qui ont vécu ça et ça existe". Là, ça m'a un petit peu rassérénée » (Aude).

             Malheureusement, si on ne prend pas garde, l'action thérapeutique peut avoir plus d'inconvénients que d'avantages. Un blessé psychique a besoin d'une disponibilité d'écoute qui s'accorde mal avec un cours accusateur sur la gestion des conflits.

« J'ai vu le psychologue attaché au rectorat. J'en suis ressorti complètement démonté parce qu'il m'a montré par A+B... Il a disséqué les séquences : "Là, vous auriez dû évoquer les problèmes de responsabilité, vous auriez dû évoquer le règlement intérieur. Ils ne sont pas de l'établissement alors vous auriez dû évoquer le respect des lois...". Et je dis quoi, moi "Allez-y ! Allez-y ! Mettez-en une tartine comme ça. Déroulez le tapis rouge". Je remets pas en cause ce qu'il fait, hein ! Je dis qu'il faut faire très très attention. Quand j'ai entendu ça... ma seule envie c'était de me foutre en l'air » (Eric).

             Lorsque le temps de la détresse est dépassé, cette forme de soutien peut alors prendre toute sa pertinence :

« J'ai parlé trois heures avec le médecin du rectorat. On a eu une discussion très très intéressante. Il m'a appris plein de choses sur les conflits justement. Et l'entretien avec lui, pour moi, a été très profitable » (Agnès).

Les médias

             Les médias se sont emparés de trois des cas présentés. Ce qui domine dans le discours des enseignants concernés, c'est la capacité d'intrusion des journalistes et leurs dons pour déformer la réalité des faits ou des propos tenus.

             Chaque fois, la démarche d'informer la presse échappe à l'enseignant qui reste parfois dans l'ignorance de la personne responsable de cette fuite d'informations. Ils sont pressés jusqu'à leur domicile de répondre aux questions et doivent parfois ruser pour échapper aux harcèlements :

« J'ai été pris d'assaut par la presse » (Eric) ; « Ca a défilé toute la journée. J'avais des coups de fils sans arrêt, des photographes... C'était impressionnant » (Florient) ; « Ca été un défilé permanent. A l'hôpital, il fallait que les infirmières fassent le guet » (Monique).

             L'intrusion est diversement appréciée, pour des raisons très différentes à chaque fois :

« Là aussi, j'étais contraint. J'étais contraint d'accepter cet état de fait. A la rigueur, je l'aurais bien vécu si ça venait de moi » (Eric) ... ; « Il y a des gens qui se sont fait passer pour des profs. Il y en a un de FR3, il voulait me filmer sur mon lit d'hôpital : "Moi, il me faut des images, hein!". Ca a été très dur » (Monique).

             Le défaut d'informations ne surprend pas outre mesure et laisse de fait l'enseignant assez indifférent

« Ils ont raconté tout et n'importe quoi. Le premier article qui est paru, je n'avais pas du tout dit ce qu'ils ont retranscrit. C'est classique ! Mais là, des fois, c'était rigolo ! Je m'en fichais un petit peu. A la limite ça m'avait amusé » (Florient) ...

 pp. 223-232

             Ces textes sont tirés de la thése d'Anne JOLLY soutenue le 11 Décembre 2002 à l'Université de Reims. Les choix des parties et les découpages nécessaires sont de ma responsabilité.

PLAN des parties de la thèse

Anne Jolly

L'agression : du stress au traumatisme
LE SOUTIEN SOCIAL
Le coping
Jugements et évaluations
Les réactions Symptomatiques
Le vécu attaché à l'agression
Du milieu professionnel
Des proches
De la société
combattre, fuir ou pâtir
Image de l'élève agresseur
Portrait-robot de
l'élève agresseur

l'enseignant qui a le plus de risque

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