Il
a été demandé aux enseignants
de dresser deux portraits-robots : l'un de
l'élève agresseur type, l'autre de
l'enseignant qui encoure le plus de risque
d'être agressé par un
élève. Ces portraits s'avèrent
relativement homogènes d'une description
à l'autre, notamment celui concernant
l'élève pour lequel les attributs
cités sont toujours à peu près
les mêmes.
Portrait-robot
de l'élève
Le premier
attribut concerne la
pauvreté des repères inculqués
à l'enfant, par les
parents notamment. Ce
sont des enfants sans valeurs morales et qui n'ont
pas intégré les règles de la
vie en communauté.
« Sans
repères. Sans famille qui tienne la route.
Qui respecte ni les biens ni les personnes. Aucun
respect, ni d'un statut ni de rien »
(Agnès)
; ...; « Quelqu'un qui n'a pas le respect
de la vie. Je crois qu'on ne peut pas agresser
physiquement quelqu'un si on respecte la vie d'une
façon générale, si ça a
de l'importance. On rencontre de plus en plus de
jeunes qui n'ont même pas le respect de leur
propre vie » (Odile)
; « Les parents partent tôt le matin
et rentrent tard le soir. Les enfants sont
livrés à eux-mêmes. C'est
sympathique, hein ! Ils font la pluie et le beau
temps » (Hervé)....
« Ils vivent une situation de violence
aussi, soit chez eux soit dans leur quartier
» (Sabine)
; ...«Quelqu'un qui a déjà
l'habitude de se battre dans son quartier. Il faut
qu'il ait l'habitude de voir de la violence autour
de lui. On ne devient pas agresseur comme
ça » (Odile).
Viennent ensuite
l'origine
sociale et culturelle des
enfants. Les enfants
d'origine étrangère et, ce qui n'est
pas sans rapport, les enfant issus d'un milieu
socio-économique défavorisé
sont pointés du doigt.
« Avant,
j'aurais pu vous dire un gamin d'origine sociale
extrêmement basse. Et même j'aurais pu
dire d'origine maghrébine. Et puis en fait,
maintenant, je ne pourrai pas donner de portrait
»
(Adeline) ; «
Un élève qui provient entre
quart-monde et prolétariat, sous
prolétariat, quoi ! A partir de ce moment
là, ça implique un certain nombre de
choses : désintérêt pour les
choses intellectuelles et culturelles, manque de
revenus. Sans compter, qu'il y a aussi les petits
beurs des banlieues. Parce que les cultures sont
tellement fortes... La culture, on dira musulmane
pour faire rapide, et la nôtre sont tellement
antagonistes et tellement en opposition, ces
mômes là ils ont tellement le cul
entre deux chaises que alors là, les
références, les
références morales, ça leur
échappe complètement.
Complètement ! Donc, il y a des choses qu'on
peut faire chez eux, qui correspondent à une
manière de fonctionner en Afrique du Nord,
ici qui passent pas du tout. Le fait de
considérer mektoub, c'est le destin.
Finalement, le quotidien, il a peu d'importance et
la manière de raisonner cartésienne
ça a peu d'importance. Toute façon,
Allah est là et ton destin est tout
tracé. Alors ça, ça induit
beaucoup de choses évidemment
»
(Renaud) , «
Souvent dans des couches sociales
défavorisées, je dirais. Des enfants
maghrébins ou des enfants noirs »
(Sabine)
; « Je vois un garçon
maghrébin. C'est de plus en plus. Ca
m'embête de dire ça. Vraiment. Parce
que j'ai toujours voulu ne pas les
démarquer. Et encore moins par le
négatif. J'ai toujours défendu... et
je continue à le faire par rapport à
l'extérieur, mais je suis de moins en moins
à l'aise. J'ai des problèmes
relationnels avec certains d'entre eux qui sont
quand même remontés un peu par des
intégristes. C'est des garçons
maghrébins qui n'acceptent pas mon
autorité de femme. Ca, je crois que c'est
vrai quand même. Puis, en même temps,
qui sont très attirés parce que sur
le plan sexuel ils sont en plein éveil. Il y
a tout ça qui s'emmêle. Ca me
paraît très explosif. Il y a aussi des
filles maghrébines qui ont un petit peu
aussi ce côté hystérique. Des
gamines qui sont muselées à la
maison, qui commencent à avoir des
désirs par rapport aux garçons, qui
sont complètement bouclées à
la maison et qui ne le supportent pas. Et elles
explosent » (Catherine-1)
; « Ces dernières années,
j'ai remarqué que les enfants, les
garçons d'origine maghrébine
étaient devenus assez arrogants et
pénibles. Un certain nombre, pas tous. Et
qu'ils revendiquaient avec une insolence des droits
sans jamais accepter des devoirs
»(Hervé
) ; «
Malheureusement, c'est un gamin de banlieue. Ca
veut dire souvent quelqu'un d'origine
étrangère
»
(Florient).
Sans être
indépendantes des critères
précédents,
les
difficultés scolaires sont perçues
comme une variable définitoire
du portrait-robot de
l'élève agresseur. En marge du
système scolaire, déçu par lui
ou refusant de s'y insérer,
l'élève en échec est plus
susceptible qu'un autre d'agresser un enseignant.
« C'est
souvent des enfants qui sont en échec
scolaire. En échec. Souvent en échec
ou en difficulté. Refusant d'être
aidés »
(Sabine)
; « C'est
quelqu'un qui n'est pas intégré
à l'éducation, au système
éducatif classique, qui est en échec
scolaire »
(Florient) ;
Ces
élèves sont présentés
comme des rebelles, ayant éventuellement des
comptes à rendre à la
société et refusant de jouer le jeu
de l'Education Nationale.
« C'est
quand même l'élève qui n'est
pas dans le moule du système, qui est
révolté »
(Daniel)
; « Un
élève qui est en rébellion
contre l'autorité générale
»
(Martine) ; «
Celui qui se sent constamment mis sur la touche,
en cause, agressé, peut devenir agressif.
S'il se sent coupable de quelque chose, aussi. Ou
si on l'accuse à tort »
(Odile)
; « Les élèves qui veulent se
venger de la société »
(Andrée)
; « C'est le même rebelle dont
parlait Balavoine dans sa chanson quand on sort en
ville, on va casser des gens dans leur jaguar.
C'est des rebelles, quoi ! Des gens qui sont
dégoûtés de leurs conditions,
qui s'estiment des victimes. C'est un rebelle, qui
exprime ça comme ça »
(Florient).
Les
garçons sont plus souvent
désignés que les
filles. Enfin, avec une
force moindre, ces enfants sont également
perçus comme déstabilisés
par les problèmes qui affectent leur milieu
familial
et
par des problèmes plus individuels d'ordre
psychologique.
« Ce sont
des enfants qui ont des problèmes à
la maison, généralement des
problèmes familiaux, qui engendrent des
problèmes psychologiques. Des
problèmes familiaux. De graves
problèmes familiaux. Souvent, ça
joue, hein ! Toute façon, il n'y a pas de
secret je pense, hein !
»
(Sabine) ; « Qui
a des problèmes. Des problèmes chez
lui, des problèmes parce qu'il n'a plus rien
à perdre. Un élève faible,
faible au point de vue caractère, hein ! Un
élève qui a des difficultés
pour vivre, qui n'a plus rien à perdre, qui
a tellement de problèmes, qui les a
cumulés...
»
(Andrée) ; «
Echec familial souvent. Problèmes
familiaux »
(Florient) , «
Problèmes familiaux, problèmes de
relation avec ses parents. Autorité
parentale. A mon avis, ils transfèrent
l'autorité parentale sur l'autorité
des profs » (Martine)
; «
Peut-être quelqu'un en crise dans sa
vie »
(Odile).
(p. 263-265)
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