<<Les
objectifs liés à la
problématique de cette recherche et les
connaissances associées aux domaines
d'étude du stress psychologique et du
traumatisme psychique amènent à
formuler les hypothèses suivantes
Les agressions sont
vécues par les enseignants comme des
situations excédant ou risquant
d'excéder leurs ressources adaptatives en
tant qu'individu et professionnel. (C'est
l'identité de la personne et celle de l'
enseignant qui sont atteintes ou
menacées.
L'agression d'un enseignant par un
élève n'est pas innocente.
Comparativement à d'autres formes
d'agressions, l'originalité de l'acte
réside dans le fait qu'il a
été délibérément
induit par un être auquel l'enseignant se
consacre directement ou indirectement, et ce,
souvent par vocation. A ce titre, les liens qui
unissent l'enseignant à son métier et
les représentations qui lui sont
associées semblent devoir être pris en
compte. Mais d'autres variables entrent en
considération dans l'évaluation de
l'agression.
L'évaluation de
l'agression est sous l'influence de variables
personnelles stables ou conjoncturelles et de
variables situationnelles (Lazarus & al., 198-1
; Paulhan & al., 1995.
Des variables,
telles que l'estime de soi, le lieu de
contrôle, l'anxiété-trait, les
valeurs, les croyances, mais encore les
modalités de l'agression, la
personnalité de l'élève ou
l'expérience d'agressions
antérieures, vont influencer l'analyse
cognitivo-émotionnelle des enseignants. On
s'accorde par exemple à reconnaître le
rôle protecteur du lieu de contrôle
interne et le rôle au contraire oppressif
d'une anxiété-trait marquée
(Paulhan & al., 1995).
Les stratégies de
coping
sont riches et variées. Elles
débutent dès la phase de
confrontation, si ce n'est avant, lorsque
l'enseignant sent un danger potentiel. Les
stratégies centrées sur le
problème sont plus fréquentes que les
stratégies centrées sur
l'émotion. En revanche, au cours du coping
subséquent à l'agression, les
stratégies centrées sur
l'émotion augmentent, notamment chez les
sujets qui ont développé un
PTSD.
Bien que les conclusions des études
soient contradictoires concernant les choix
stratégiques des enseignants pour faire face
aux mauvaises conduites des élèves
(Blase, 1986 ; Salo, 1995), nous formulons cette
dernière série d'hypothèses
pour deux raisons. La première tient aux
résultats recueillis lors de notre
étude exploratoire, qui concluaient
notamment à une nette
préférence pour des stratégies
du type résolution de problème. La
seconde est liée aux études
d'investigation sur la symptomatologie traumatique
et les stratégies de coping, qui concluent
à une corrélation positive entre
PTSD
et
stratégies centrées sur
l'émotion (Solomon & al., 1988 ;
Valentiner & al., 1996).
Le soutien professionnel joue
un rôle essentiel dans les processus de
stress et de traumatisme. La cohésion de
l'équipe éducative, s'appuyant sur un
sentiment d'appartenance pour l'enseignant victime,
réduit le stress et , favorise l'adaptation.
En revanche, l'indifférence ou
l'hostilité manifestées à la
victime augmente le stress et le risque de
développer unPTSD.
Le soutien social est un modérateur
essentiel du stress chez les enseignants (Boyle
& al., 1995 ; Griffith & al., 1999),
notamment lorsqu'il vient des partenaires
professionnels (Greenglass & al., 1997). On
peut supposer qu'un soutien rassurant et concret
aidera l'enseignant à affronter l'agression
et ses effets, tandis qu'une conduite
indifférente ou hostile contribuera à
développer ce que C. Barrois (1998) a
nommé « traumatisme second
».
Le traumatisme psychique
relève du même processus
transactionnel que le stress, en termes
d'évaluation, de coping et de variables
modératrices. En revanche, le traumatisme
renferme une dimension existentielle qui n'existe
pas dans le stress. De nouvelles données du
réel viennent bouleverser fondamentalement
l'individu dans ses rapports avec lui-même et
avec le monde.
A l'origine, l'événement
stressant et l'événement traumatique
ne font qu'un. Cependant, dans le traumatisme
l'évaluation de l'événement
intègre non seulement une
inadéquation entre les demandes et les
capacités perçues, mais aussi une
incapacité à assimiler une
information nouvelle incompatible avec
l'être-au-monde antérieur de
l'individu. Aussi, les sujets qui ne
développent pas de PTSD
ou
ceux qui récupèrent d'un traumatisme
psychique sont-ils parvenus à assimiler
cette information, à lui donner un sens. Ce
ne sont donc pas les réactions
émotionnelles immédiates qui vont
conditionner la façon dont le sujet
s'adaptera à long terme, mais le non-sens de
l'agression. Dans une perspective
phénoménologique, C. Barrois et L.
Crocq soulèvent la question du non-sens
qu'implique le traumatisme psychique (Barrois, 1988
; Crocq, 1999).>> p. 154-156
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