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LES STRATEGIES DE COPING OPPOSEES

A LA SYMPTOMATOLOGIE TRAUMATIQUE

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             Les conduites d'évitement vis-à-vis des stimuli évocateurs de l'agression, qui sont présentées comme une manifestation des symptômes psychotraumatiques, peuvent être considérées comme des stratégies de coping opposées au syndrome lui-même lorsque l'enseignant prend conscience des modifications qui se sont opérées en lui et qu'il s'oppose à les laisser s'installer davantage (Voir le chapitre sur l'agression).

             Néanmoins, les réminiscences ne sont pas les seuls troubles qui soient combattus. Face aux adolescents qui le raillent de s'être fait agresser, Florient cadenasse les pulsions qui l'invitent à la violence par l'image qu'il aurait de lui s'il avait le malheur d'y céder :

« Je me suis dit "Je vais m'arrêter, je vais le tuer, je vais lui éclater la tête", et après "T'es fou, ça va pas ! T'es pas dans le même monde. T'as pas le droit d'être dans le même monde" ».

             Face à la tentation d'éviter toute sortie pour s'épargner toute remarque désobligeante de la part d'adolescents, Aude s'astreint au contraire à affronter la situation :

« Je me suis dit "Si je me laisse avoir comme ça, bientôt effectivement je ne sortirais plus de chez moi". Donc la réaction c'est au contraire de sortir, d'aller au centre ville, d'aller à pied au collège tous les matins, de traverser la cité quand ça me plaît... ».

             Ayant également le sentiment que des éléments essentiels lui échappent, elle aide sa mémoire défaillante en développant une hyper-vigilance et remplace ainsi un symptôme par un autre

«J'ai pris des notes. A chaque fois qu'il s'est passé un incident, je l'ai écrit. Parce que je m'étais rendu compte que j'oubliais très vite et qu'il y avait tout un puzzle qui se refaisait pas dans ma tête, et qui faisait qu'après je pouvais pas me défendre bien parce que j'avais oublié tout un tas d'éléments qui se recoupent quand on les met sur le papier. Et j'arrive pas toujours à faire le rapprochement parce que j'ai vraiment des problèmes de mémoire en ce moment. Donc, j'ai commencé à écrire et à écouter mieux, à écouter le mieux possible ».

             Lorsque seuls ils ne parviennent pas à faire front ils se tournent vers un spécialiste.

             Treize des vingt enseignants rencontrés ont éprouvé le besoin de confier leurs difficultés à un psychiatre ou à un psychologue. Hormis les six enseignants qui consultaient déjà un psychiatre avant d'être agressés, les rendez-vous sont le plus souvent pris après un délai de quelques mois, lorsque les enseignants éprouvent le besoin de faire le point ou constatent des difficultés d'adaptation persistantes.

« J'ai pris un rendez-vous avec une psychologue à l'hôpital [à 2 mois]. On a un petit peu fait l'état des choses. Je lui ai exposé ce qui s'était passé, comment je me sentais. Je lui ai parlé de mes deux agressions. On a fait un petit peu un bilan. J'avais peur par rapport à ma première agression qu'il y ait des séquelles par la suite qui resurgissent : dépression... Donc je trouvais que c'était bien de voir avec quelqu'un qui est spécialiste un petit peu où j'en étais quoi. C'était à la fois curatif et préventif. Pour tourner la page. Et puis pour éviter peut-être des choses qui resurgissent après. J'en sais rien, on dit que les gens somatisent, des cancers... Donc, je trouvais que c'était une bonne démarche. J'en avais besoin. D'avoir un avis extérieur » (Agnès) ; ...« Quand j'ai vu quand même que je ne faisais plus rien, là, je me suis dit que c'était peut-être un signe plus de dépression. J'avais même pas envie de sortir, même pour les courses, rien. Alors ce qui a été l'élément déclenchant aussi, j'ai pris conscience que je ne lisais plus. J'avais arrêté de lire complètement. Donc, j'ai pris rendezvous [à 3 mois] » (Monique).

           Il est rare qu'un rendez-vous pris à la suite d'une agression reste isolé. Généralement une prise en charge s'installe, avec des visites à cadence variée : hebdomadaire, bimensuelle ou mensuelle selon les enseignants. La décision de consulter émane le plus souvent des enseignants eux-mêmes, plus rarement de leur médecin traitant ou du rectorat qui les encouragent à faire la démarche. Le lieu de consultation n'est que dans un tiers des cas lié à l'Education Nationale: centres de MGEN ou du Rectorat. Les motifs de consultation relèvent autant des symptômes subséquents à l'agression (phobie, attaque de panique, agressivité, repli sur soi, désintérêt pour des activités antérieurement appréciées, ou encore anxiété) que d'une blessure morale plus profonde et moins visible liée à un sentiment de rupture identitaire. Bien que pathognomoniques du traumatisme psychique, les réminiscences ne semblent pas être un motif de consultation. Elles sont perçues comme une étape incontournable et naturelle par laquelle il faut passer pour oublier. Les demandes sont parfois nettement moins explicites et liées à un malaise préexistant que l'agression n'a fait qu'accentuer :

« Qu'elle m'aide. Je ne sais pas. Qu'elle m'aide pour mon travail. Je ne sais pas. [...] Pour moi, c'était un peu le rêve. Je pensais comme ça la voir, que ça allait changer comme ça et tout » (Daniel).

             Lorsque des bouleversements affectent la personnalité de l'enseignant, celui-ci éprouve le besoin de comprendre ce qui se passe. Les psychiatres et les psychologues font partie de ces sources d'informations susceptibles de les éclairer sur les altérations observées.

« J'ai bouquiné un petit peu sur les gens agressés qui ont eu un traumatisme. Je suis tombé parfois sur des articles dans L'Express, dans Le Monde... Il y avait des trucs » (Florient) ; « Je crois que l'aide qu'il a apporté, c'est qu'il a mis des mots sur des choses que je ressentais et pourquoi. Pourquoi j'avais pas envie de faire telle ou telle chose. Voilà. C'est plus ça qui m'a aidée » (Monique). (p. 254-256)

 

             Ces textes sont tirés de la thèse d'Anne JOLLY soutenue le 11 Décembre 2002 à l'Université de Reims. Les choix des parties et les découpages nécessaires sont de ma responsabilité.

PLAN des parties de la thèse
L'agression : du stress au traumatisme
LE SOUTIEN SOCIAL
Le coping
Jugements et évaluations
Les réactions Symptomatiques
Le vécu attaché à l'agression
Du milieu professionnel
Des proches
De la société
combattre, fuir ou pâtir
Image de l'élève agresseur
Portrait-robot de
l'élève agresseur
l'enseignant qui a le plus de risque

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