Si
bien sûr, il faut prendre en compte les
victimes des drames soudains qui parfois accablent
l'actualité, il n'en reste pas moins que
la violence extrême est rare dans les
écoles. C'est la conclusion de toutes
les enquêtes sérieuses.
Ne
guidez pas votre politique sur cette
violence extrême : ce serait vous
condamner à courir
derrière les illusions du
fait-divers.
Ce qui est
fréquent, et qui pourrit
littéralement la vie de certains
établissements est une violence moins
spectaculaire, mais quotidienne, usante et
répétitive. Les
conséquences de cette violence sur la
santé mentale et les performances scolaires
des élèves (comme des enseignants)
sont considérables : décrochage
scolaire, dépression,
stress...
Savez-vous par exemple que le risque de faire
une
tentative de suicide
est quatre fois plus important chez les adolescents
soumis au harcèlement entre pairs ?
Cette violence a des
causes multiples et aucun simplisme n'est de
mise. Elle peut être une violence de
groupe liée à la délinquance
d'exclusion, tournée contre l'institution et
ses représentants, elle est dans ce cas
très marquée socialement. Elle peut
être aussi liée à des troubles
du comportement dont la recherche a depuis
longtemps montré qu'aucune cause à
elle seule n'était une explication
suffisante : ni " mai 68 ", ni le chômage, ni
la monoparentalité ne suffisent à en
rendre compte, encore moins l'immigration ou la
télévision!
Au-delà
de cette querelle sur les causes, il
est des voies plus sûres et moins
idéologiques qui peuvent
inspirer l'action. C'est le chemin des
réformes à mener
d'urgence ; ce sont des conditions
indispensables à la
prévention de la violence.
Les
établissements les plus en danger sont les
établissements où
l'instabilité des équipes
éducatives est la plus grande. Cela
signifie d'abord une réforme du mode de
nomination national des enseignants dans le second
degré, qui est un des facteurs majeurs de
cette instabilité dans les zones sensibles.
Les jeunes enseignants nommés pour leur
premier poste y sont deux fois plus à risque
de se faire agresser - et à risque d'abandon
du métier.
La recherche
internationale montre que des enseignants
formés à connaître les
phénomènes de violence, à
gérer leur stress, à animer
un groupe encourent
deux fois moins de risque de se faire agresser, et
savent diminuer les tensions dans leur classe.
C'est sans doute la
réforme majeure à introduire :
une
révolution de la formation
initiale et permanente incluant
à égale dignité
les savoirs disciplinaires ET la
pédagogie. Professionnaliser les
enseignants par une formation initiale
et continue de haut niveau est une
condition absolue pour lutter contre la
violence à l'école.
Loin des
idéologies " antipédagogistes ", la
criminologie spécialisée montre avec
insistance que ce sont les stratégies
basées sur l'école elle-même
qui sont les plus efficaces dans la
prévention de la violence et de la
délinquance.
Bien entendu cela doit se
doubler d'un travail partenarial avec les
travailleurs sociaux, avec la police et la justice.
Bien entendu cela implique de savoir aider les
parents et le milieu social, plutôt que de
les stigmatiser, mais encore une fois il y a des
réformes d'urgence à réaliser
et elles concernent notre éducation
nationale. Ces réformes seront
difficiles à mener, elles deviendront
possibles en substituant le courage politique
à la facilité démagogique.
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