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La peur du déclassement

Une sociologie des récessions

Eric Maurin

 

Editions du Seuil. (La république des idées) ISBN: 978-2-02-100240-9 (2009) 10,50 €

 

Dernière de couverture

Déclassement: le mot est aujourd'hui sur toutes les lèvres et sous toutes les plumes. Mais, au-delà de son caractère incontournable, il recouvre deux réalités bien distinctes. La plus évidente a trait aux ruptures qui conduisent des individus à voir leur position se dégrader. La deuxième est encore plus décisive: c'est la peur du déclassement. Cette angoisse sourde, qui taraude un nombre croissant de Français, repose sur la conviction que personne n'est «à l'abri», que tout un chacun risque à tout moment de perdre son emploi, son salaire, ses prérogatives, en un mot son statut. En rendant la menace plus tangible, les crises portent cette anxiété à son paroxysme. Source de concurrence généralisée et de frustrations, la peur du déclassement est en train de devenir l'énergie négative de notre société. À partir de ce constat, Éric Maurin fonde une sociologie des récessions et propose une lecture radicalement neuve de la société française, tout en aidant à repenser les conditions de sa réforme.

Eric Maurin est directeur d'études à I'EHESS et professeur à l'Ecole d'économie de Paris. Il a publié aux Éditions du Seuil l'égalité des possibles (2002) - Le Ghetto français (2005) et La nouvelle Question scolaire (2007)

Table des matières

Introduction

Chapitre premier L'émergence d'une société à statut

La protection des emplois face à la montée du chômage (1945-1974)

Des garanties de progression salariale

Un modèle pris à revers (1974-1979)

L'émergence de nouveaux statuts

La peur de tout perdre

Les inégalités de statut face aux récessions

La relégation de la jeunesse

Une peur à part

Chapitre II Anatomie d'une récession : le choc de 1993

Les désillusions de la démocratisation scolaire

La fonction publique comme refuge

Au fondement de la fracture entre public et privé

Une analogie avec les années 1930

Le refus du déclassement

Essor d'un syndicalisme de résistance

Le rejet de l'Europe et du réformisme libéral

Anatomie du « non» au traité constitutionnel

Chapitre III La valeur des diplômes en question

Diplômes et risque de chômage

Diplômes et précarité

Diplômes et accès au statut de cadre

Les mécomptes de la fluidité sociale

Origine sociale et accès aux emplois qualifiés

Chapitre IV Les enjeux de la récession actuelle

Protéger les protégés ?

Protection des emplois et polarisation sociale

Réformer la protection de l'emploi

La polarisation sociale et l'anxiété des salariés protégés

Réduire les inégalités de statut

Conclusion

Un passage

<<. De fait, on se représente souvent les nouvelles générations de diplômés comme des «générations précaires» qui, incapables de se stabiliser, vivent aux crochets de leurs parents longtemps après la sortie de l'école. Les diplômés bénéficient d'un a priori positif au moment des premières embauches et peut-être l'effet de cet a priori augmente-t-il à mesure qu'il devient plus stigmatisant, pour les non-diplômés, d'avoir échoué à l'école. Mais peut-être également n'est-ce qu'un avantage temporaire, vite dissipé après que les employeurs ont vu leurs nouveaux employés à l'oeuvre.

Ces hypothèses sont démenties par les données d'observation. Quand on analyse sur la période 1975-2008 l'exposition au chômage des personnes sorties depuis 5 à 10 ans de l'école, on constate de nouveau un accroissement de plus de 30 points de l'avantage des diplômés sur les non-diplômés ; cette augmentation est aussi importante que celle qu'on observe dans les 5 années qui suivent immédiatement la sortie de l'école. Aujourd'hui comme il y a trente ans, le taux de chômage des diplômés devient rapidement résiduel après quelques années de carrière, alors que c'est de moins en moins le cas pour les personnes les moins diplômées. L'avantage croissant des diplômés face au chômage se manifeste non seulement dans les premières années de la vie active, mais tout au long de la carrière. Il ne s'agit pas d'un crédit accordé provisoirement aux lauréats des meilleurs titres, mais d'une confiance qui résiste à l'épreuve du temps.

Si l'avantage conféré par le diplôme d'entrée de jeu perdure tout au long de la carrière, c'est que les jeunes diplômés n'ont pas seulement un accès beaucoup plus rapide à l'emploi ; ils conquièrent également beaucoup plus vite un emploi à statut, avec les effets de protection que cela implique.>> p. 60

Commentaire

Un livre qui peut faire tomber bien des préjugés. Très intéressant à lire.

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