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Les changements de posture du formateur 

dans la lutte contre l'illettrisme

Extrait d'un mémoire de Marie Liesse Nimier

             Nous retiendrons ici les valeurs de la démarche rogérienne qui peuvent influencer la posture d'un formateur. Le postulat de la démarche de Rogers qui stipule que " l'homme a en germination tout ce qu'il faut pour évoluer ; un éventail de possibilités potentielles " nécessite d'abord d'admettre que tout apprenant possède en lui des richesses et qu'il s'agit, par conséquent, de les repérer.

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             Dans cette optique, la notion de compétence doit amener à considérer le potentiel d'un individu sous un autre angle que celui de " niveau". Indiquons ici un autre point de vue de Jean Pierre Astolfi, professeur de sciences de l'éducation à l'université de Rouen,

" Rappelons en effet que ce que doit viser la formation de ces publics, c'est l'identification du niveau de compétence déjà disponible pour chaque type de tâche. Et il y en a toujours un ! Nous avons d'ailleurs préféré parler de degré d'expertise, et cela pour deux raisons. D'abord, en raison des connotations négatives généralement associées au mot " niveau ", mais surtout, parce qu'il suffit de modifier quelque peu la tâche (et même parfois très peu) pour faire varier le prétendu " niveau ". Déterminer le degré d'expertise, c'est être attentif et vigilant sur la manifestation d'un niveau supérieur à celui auquel on s'attend et c'est noter les conditions d'apparition de ce dernier pour en faire le socle et le point d'appui des progrès escomptés ".

             Autrement dit, quand on parle de niveau, on reste centré sur les acquis disponibles chez le formé alors que le degré d'expertise nous centre sur ses acquis émergents, encore mal stabilisés. L'un concerne l'histoire passée des apprentissages quand l'autre s'inquiète de leur futur proche.

Du côté du formateur, cela requiert une évaluation qualitative par l'observation continue des stagiaires en cours d'activité, plutôt qu'un simple repérage de leurs performances à partir de tests et de grilles de positionnement qui renvoie systématiquement à une situation scolaire d'examen.

 

             De plus, l'individu ne pourra développer son potentiel qu'à la condition de croire lui-même en ses capacités. Restaurer la confiance en soi des apprenants implique alors d'accompagner la prise de conscience et l'intériorisation de leurs nouveaux acquis encore fragiles et coûteux; le risque constant pour eux restant celui de la dénégation.

On mesure alors à quel point le formateur doit être attentif à la dynamique cognitive et affective engendrée par les situations proposées.

             D'autre part, les apprenants devront également sentir que le formateur croit en eux. En effet, il est généralement plus simple et plus pratique, pour ce dernier, de croire à la justesse et à l'efficacité de sa propre intervention qu'à celle de l'apprenant.

Croire en ce dernier nécessite de lui accorder de la confiance et cela impliquerait pour le formateur de l'associer en permanence au processus de formation.

             C'est le climat dans un groupe qui peut encourager la progression dans l'apprentissage et nous pouvons constater au sein de l'AFB. l'existence d'une solidarité de groupe maintenue par l'attitude du formateur. Rogers évoque cet aspect en identifiant les types d'attitudes psychologiques " facilitatrices ". Il cite à cet égard, la congruence ou l'authenticité qui signifient pour un formateur d'être conscient de ce qu'il est, de ce qu'il fait, de ce qu'il pense et de pouvoir le communiquer dans la relation avec ses apprenants. Il mentionne aussi l'empathie qu'il décrit comme une attention accrue aux sentiments et aux réactions personnelles éprouvées par l'apprenant sans le juger ni l'évaluer. Rogers précise encore qu'accepter la spécificité de l'apprenant dans son individualité sans y mettre de conditions, c'est-à-dire quelles que soient ses réactions à l'encontre du formateur, se traduit en actes et en marques d'attention, d'affection, d'intérêt et de respect. Il est vrai, et nous l'avons perçu à P, qu'un apprenant qui se sait reconnu, estimé, compris, encouragé par un formateur proche, accessible, sensible, à son écoute et solide par ses compétences et ses connaissances peut se risquer à apprendre et à agir. Il se sent en confiance, soutenu, accepté dans ses difficultés. Sans cette sécurité intérieure, comment pourrait-il autrement s'engager dans l'apprentissage, affronter l'inconnu ou l'échec possible et se livrer à mettre sens dessus-dessous ses quelques certitudes acquises, voire son identité de base ? L'insécurité peut même engendrer des blocages, d'où la nécessité pour un formateur d'être compréhensif des silences, des peurs ou des hésitations et de se rendre disponible et ouvert pour une rencontre avec l'apprenant sur la base d'une relation directe de personne à personne. Ajoutons que l'instauration d'une parole libre et " vraie " dans un contexte de formation pourra contribuer à créer un climat de saine confiance qui suscitera l'adhésion des apprenants. Le formateur, en sachant exprimer ce qu'il ressent, donnera du poids et du crédit à sa parole. Par la qualité de sa présence et par le sens donné à sa conduite, à son insu, il sera modèle pour les apprenants et pourra produire des similitudes de comportement chez eux.

 

Restaurateur de la confiance en soi, réveillant le désir d'apprendre, le formateur devra aussi approcher une posture de médiation pour se situer, non plus comme un détenteur du savoir, mais comme un facilitateur de l'accès au savoir.

 

Il cherchera à faire accéder l'apprenant à une construction intériorisée de ses savoirs, de ses outils de pensée et devra, pour cela, sortir des savoirs tout organisés.

             Les séances de formation gagneront à se construire à partir des représentations, des questions, des interpellations et des attitudes des apprenants. Ce sont leurs réflexions qui guideront le formateur. En faisant émerger des interrogations, des perspectives nouvelles, les savoirs deviennent plus vivants car la présence, la participation et la concentration des apprenants sont sollicitées en permanence. S'intéresser aux modalités de travail qui mettent les apprenants au cœur de l'action, c'est leur permettre de vivre une expérience appropriée à leurs besoins. Dans l'action, chacun pourra trouver des réponses constructives, personnelles, provisoires et développer une autonomie de pensée.

Le formateur pourra ensuite, par la métacognition ou la réflexion sur l'action, aider chacun à dégager de l'expérience vécue d'autres types de savoirs sur la manière d'être, d'apprendre, de comprendre, d'agir individuellement ou collectivement.

 

             En résumé, évoquons la nécessité et aussi la difficulté de développer une pratique qui suppose de trouver une articulation entre une posture psychologique subjective, attentive aux évolutions personnelles et une posture didactique objective, attentive à la structure des situations proposées et des savoirs qu'elles mettent en jeu.

 

Voir également:

Dossier illettrisme

http://www.illettrisme-ressources.com/index.html

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