Dans
cette optique, la notion
de compétence
doit amener à considérer le potentiel
d'un individu sous un autre angle que celui de "
niveau". Indiquons ici un autre point de vue de
Jean Pierre Astolfi, professeur de sciences de
l'éducation à l'université de
Rouen,
"
Rappelons en effet que ce que doit viser
la formation de ces publics, c'est
l'identification du niveau de
compétence déjà
disponible pour chaque type de
tâche. Et il y en a toujours
un ! Nous avons d'ailleurs
préféré parler de
degré d'expertise, et cela pour deux
raisons. D'abord, en raison des connotations
négatives généralement
associées au mot " niveau ", mais
surtout, parce qu'il suffit de modifier
quelque peu la tâche (et même
parfois très peu) pour faire varier le
prétendu " niveau ". Déterminer
le degré d'expertise, c'est être
attentif et vigilant sur la manifestation
d'un niveau supérieur à celui
auquel on s'attend et c'est noter les
conditions d'apparition de ce dernier pour en
faire le socle et le point d'appui des
progrès escomptés ".
Autrement dit, quand on parle de
niveau, on reste centré sur les acquis
disponibles chez le formé alors que le
degré d'expertise nous centre sur ses acquis
émergents, encore mal stabilisés.
L'un concerne l'histoire passée des
apprentissages quand l'autre s'inquiète de
leur futur proche.
Du
côté du formateur, cela requiert
une évaluation qualitative par
l'observation continue des stagiaires en
cours d'activité, plutôt qu'un
simple repérage de leurs performances
à partir de tests et de grilles de
positionnement qui renvoie
systématiquement à une
situation scolaire d'examen.
De plus, l'individu ne pourra
développer son potentiel
qu'à la condition de croire
lui-même en ses capacités.
Restaurer la confiance en soi des
apprenants implique alors
d'accompagner
la prise de conscience et
l'intériorisation de leurs nouveaux
acquis encore fragiles et coûteux;
le risque constant pour eux restant celui
de la dénégation.
On
mesure alors à quel point le
formateur doit être attentif
à la dynamique cognitive et
affective engendrée par les
situations
proposées.
D'autre part, les apprenants
devront également sentir que le
formateur croit en eux. En effet, il est
généralement plus simple et
plus pratique, pour ce dernier, de croire
à la justesse et à
l'efficacité de sa propre
intervention qu'à celle de
l'apprenant.
Croire
en ce dernier nécessite de
lui accorder de la confiance et cela
impliquerait pour le formateur de
l'associer en permanence au
processus de formation.
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C'est le climat
dans un groupe
qui peut encourager la progression dans
l'apprentissage et nous pouvons constater
au
sein de l'AFB.
l'existence d'une solidarité de groupe
maintenue par l'attitude du formateur.
Rogers
évoque cet aspect en identifiant les types
d'attitudes psychologiques " facilitatrices ". Il
cite à cet égard, la congruence ou
l'authenticité qui signifient pour un
formateur d'être conscient de ce qu'il est,
de ce qu'il fait, de ce qu'il pense et de pouvoir
le communiquer dans la relation avec ses
apprenants. Il mentionne aussi l'empathie qu'il
décrit comme une attention accrue aux
sentiments et aux réactions personnelles
éprouvées par l'apprenant sans le
juger ni l'évaluer. Rogers précise
encore qu'accepter la spécificité de
l'apprenant dans son individualité sans y
mettre de conditions, c'est-à-dire quelles
que soient ses réactions à l'encontre
du formateur, se traduit en actes et en marques
d'attention, d'affection, d'intérêt et
de respect. Il est vrai, et nous l'avons
perçu à P, qu'un apprenant qui se
sait reconnu, estimé, compris,
encouragé par un formateur proche,
accessible, sensible, à son écoute et
solide par ses compétences et ses
connaissances peut se risquer à apprendre et
à agir. Il se sent en confiance, soutenu,
accepté dans ses difficultés. Sans
cette sécurité
intérieure, comment pourrait-il
autrement s'engager dans l'apprentissage, affronter
l'inconnu ou l'échec possible et se livrer
à mettre sens dessus-dessous ses quelques
certitudes acquises, voire son identité de
base ? L'insécurité
peut même engendrer des
blocages, d'où
la nécessité pour un formateur
d'être compréhensif des
silences, des peurs
ou des hésitations et de se rendre
disponible et ouvert pour une rencontre avec
l'apprenant sur la base d'une relation directe de
personne à personne. Ajoutons que
l'instauration d'une parole libre et " vraie " dans
un contexte de formation pourra contribuer à
créer un climat de saine confiance qui
suscitera l'adhésion des apprenants. Le
formateur, en sachant exprimer ce qu'il
ressent, donnera du poids et du crédit
à sa parole. Par la qualité de sa
présence et par le sens donné
à sa conduite, à son insu, il sera
modèle pour les apprenants et pourra
produire des similitudes de comportement chez
eux.
Restaurateur de la
confiance en soi, réveillant le
désir d'apprendre, le formateur devra
aussi approcher une posture de
médiation
pour se situer, non plus comme un
détenteur du savoir, mais comme un
facilitateur de l'accès au savoir.
Il cherchera
à faire accéder l'apprenant
à une construction
intériorisée de ses savoirs, de
ses outils de pensée et devra, pour
cela, sortir des savoirs tout
organisés.
Les séances de formation gagneront
à se construire à partir
des
représentations,
des questions, des interpellations et des attitudes
des apprenants. Ce sont leurs réflexions
qui guideront le formateur. En faisant
émerger des interrogations, des perspectives
nouvelles, les savoirs deviennent plus vivants car
la présence, la participation et la
concentration des apprenants sont
sollicitées en permanence.
S'intéresser aux modalités de travail
qui mettent les apprenants au cur de
l'action, c'est leur permettre de vivre une
expérience appropriée à leurs
besoins. Dans l'action, chacun pourra trouver des
réponses constructives, personnelles,
provisoires et développer une autonomie de
pensée.
Le
formateur pourra ensuite, par la
métacognition ou la réflexion
sur l'action, aider chacun à
dégager de l'expérience
vécue d'autres types de savoirs sur la
manière d'être, d'apprendre, de
comprendre, d'agir individuellement ou
collectivement.
En résumé, évoquons la
nécessité et aussi la
difficulté de développer une pratique
qui suppose de trouver une articulation entre
une posture psychologique subjective,
attentive aux évolutions personnelles et
une posture didactique objective, attentive
à la structure des situations
proposées et des savoirs qu'elles mettent en
jeu.
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