Quelques
réflexions sur
la
réforme de la formation des
maîtres et celle du
lycée
Les
réformes négociées en
silence (comme je le
disais
le
mois
dernier)
commencent à être connues.
(Voir Cafépédagogique)
Mais comme souvent, beaucoup d'aspects
restent dans l'ombre. Cependant, ce qui
paraît évident et clair,
c'est la mise en place d'une certaine
division du travail : L'Éducation
Nationale abandonne la formation initiale
des enseignants au profit de
l'Enseignement Supérieur et garde
les modalités d'embauche des
enseignants ( les étudiants
rentrant directement dans la fonction : le
concours de recrutement devient donc bien
une "embauche"). Pour l'instant on ne sait
rien sur ces modalités; or,
évidemment, elles pilotent les
séquences précédentes
car c'est toujours le concours de
recrutement qui conditionne la formation.
Les IUFM resteront-ils? Si oui, comment?
Comme coordonateurs? comme chargés
de la formation continue? Mystère!
Le souci d'économie ferait pencher
pour leur disparition mais comment serait
alors géré le peu de
formation continue des
enseignants?
En ce
qui concerne la formation initiale, le
recrutement au niveau Master est sans
doute la condition pour la revalorisation
de la profession (perversion de la
rigidité du système des
traitements) : c'est une très bonne
nouvelle ! Mais dans l'absolu il aurait
été préférable
de proposer une année
d'étude supplémentaire
(année sabbatique payée) en
cours de carrière, cela aurait
été bien plus efficace pour
la formation professionnelle.
La
formation initiale en Université?
Deux possibilités:
-
poursuite de la formation disciplinaire
dans les Masters (maths,
français, langues etc) avec les
modules libres de ces masters (il y en
a toujours) à suivre dans des
départements de sciences de
l'éducation ou de psychologie;
cela existe
déjà. C'est la
solution la plus simple qui ne demande
aucun changement et pas un sou
supplémentaire, c'est donc la
plus probable! Reste la question de la
sélection importante entre le
Master 1 et le Master 2 auxquels les
Universités tiennent
tant?
-
constitution de "Masters
d'enseignement" (comme dans d'autres
pays, en Finlande en particulier) dans
les départements des Sciences de
l'Education ou de Psychologie avec des
modules libres disciplinaires choisis
dans d'autres
départements.
On peut
penser que la première solution
sera réservée aux futurs
professeurs des Lycées (et
collèges? ) et la seconde aux
professeurs des écoles;
conséquences d'une pensée
imaginaire qui considère qu'un
professeur de lycée n'a pas besoin
de formation pédagogique. A moins
qu'à l'embauche l'exigence d'un
"master disciplinaire" ou d'un "master
d'enseignement" tienne compte du "profil
de poste" (campagne, ZEP, ville, classe
post bac...) ?
Le
problème des "stages" se posera
aussi dans les Universités comme
pour toutes les autres maîtrises. Ou
bien ces stages se feront en convention
avec des établissements
particuliers et l'Université
choisirait les établissements; mais
suivant quels critères? Ou bien ces
stages se feront en convention avec le
Recteur d'Académie, mais alors le
choix sera celui des
Inspecteurs!
Que
penser de tout cela?
1) On voit
bien le souci de rationalisation et
d'économie qu'on ne peut pas
rejeter à priori; être
"contre" uniquement parce que cela permet
des économies serait
indécent dans un pays qui fait
payer ses dettes à ses
enfants!
2) On voit
tout aussi clairement l'absence de prise
en compte d'une réflexion sur la
professionnalisation du métier
d'enseignant et de sa mise en oeuvre. Je
suppose que les responsables rejettent cet
aspect en se disant que c'est maintenant
de la responsabilité des
Universités et non de la
leur.
Mais
- les
universités ont à peine (et
c'est beaucoup dire!) commencé leur
réflexion sur la réforme
pédagogique de leur propre
enseignement afin d'éviter les
nombreux échecs résultant de
leur façon d'enseigner. Peut-on
leur demander de penser et organiser
l'aspect pédagogique de la
professionnalisation des futurs
enseignants du primaire et du secondaire?
Cela dépendra, sans doute, des
départements et des
universités.
-les
modalités d'embauche des
enseignants qui, elles, restent de la
responsabilité de
l'Éducation Nationale, seront les
vrais pilotes du changement de la
formation; or le CAPES et
l'Agrégation vont rester,
annonce-t-on. Le risque est alors celui de
leur modification à la marge pour
n'effrayer personne. Première
partie du recrutement : disciplinaire ( on
ne fait toujours pas confiance aux
diplômes universitaires);
deuxième partie plus ou moins
"professionnelle". La partie disciplinaire
restant l'"entrée", elle
conditionnera la formation
antérieure; comme le concours
d'entrée en IUFM conditionnait les
préparations. Les masters
disciplinaires resteront donc la solution
demandant le moins de changement, le moins
d'argent et donc la plus
probable!
On
parle ensuite de "compagnonnage" pour
l'entrée dans le métier,
c'est un mot d'une longue tradition ! mais
que mettra-t-on dessous? Retrouverons-nous
les "tuteurs" des anciens CPR, "bons
professeurs" venant assister, du fond de
la classe, à quelques cours des
stagiaires puis délivrant des
"conseils"? Ces tuteurs seront-ils des
"aides" ou des "évaluateurs" dont
les rapports serviront à la
titularisation ?
Le
véritable compagnonnage devrait se
faire dans des GAPP (c'est-à-dire
en groupe et non individuellement) .
L'utilité de ces derniers va se
faire de plus en plus sentir. Il est peut
être bon de comprendre leurs
origines, la nécessaire
"supervision" de leurs animateurs, leur
efficacite pour l'accompagnement dans le
métier (Voir l'article
que j'ai écrit pour "la Nouvelle
revue de l'adaptation et de la
scolarisation", mis en ligne avec
l'aimable autorisation de la
revue).
Pour la
réforme des lycées, la
diminution des heures de cours "ex
cathédra", l'augmentation du
travail de groupe et individualisé,
le travail sur projet, l'apparition, peut
être, de "profil individuel, de
formation" par des choix de modules
permettant des orientations plus faciles,
l'autonomie plus grande des
lycéens, tout cela me paraît
aller dans la bonne direction (le
lycée
Finlandais
semble en être le modèle );
Cela va demander une évolution
considérable des enseignants, non
seulement des nouveaux mais
également de ceux en poste or on ne
voit, pour l'instant, aucune annonce sur
la façon dont ils seront
aidés!, Autrement dit, bien des
incertitudes demeurent, mais
l'enseignement va peut être
bouger!
Il ne
faut tout de même pas oublier
qu'une réforme ne peut-être
efficace que si elle a est discutée
avec les
intéressés. Peut-on
espérer que cela se fasse au moins
dans le secret des bureaux! Ce texte le
laisse entrevoir:
<<Le
cabinet de Xavier Darcos devait
transmettre aux syndicats d'enseignants et
aux organisations lycéennes, mardi
3 juin, un texte qui recense seize "points
de convergence" pouvant servir de base de
discussion sur la future réforme du
lycée général et
technologique. Le ministre de
l'éducation nationale espère
recueillir sur ce texte l'accord d'une
majorité d'interlocuteurs
syndicaux. Les discussions pourraient
s'ouvrir rapidement entre les signataires,
le recteur d'Aix- Marseille, Jean-Paul de
Gaudemar, ayant été
chargé le 29 mai par M. Darcos de
proposer un "cadre de travail" d'ici au 10
juillet.>> (Le Monde.fr
3/6/08)
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