La Finlande et la France
En
France, on n'a commencé
que très récemment
à s'intéresser au "
miracle " finlandais. Souvent
d'ailleurs sans prendre la peine
de se déplacer et pour en
dénoncer a priori les "
faux-semblants " en alignant
toutes sortes d'arguments
fallacieux (la langue,
l'homogénéité
culturelle, le climat, que
sais-je encore
) qui
semblent avoir surtout pour but
d'éviter toute remise en
question dérangeante.
Comme si l'on pressentait
qu'admettre qu'on puisse faire
réussir mieux tous les
élèves sans
dépenser plus (voire en
dépensant moins)
obligerait à
réviser des dogmes (pour
ne pas dire à transgresser
des tabous) bien
établis.
Certes
ce paradoxe finlandais n'est pas
sans danger, on le voit bien.
Chercher à faire passer en
France des réductions
budgétaires drastiques au
motif que là-bas on avait
démontré qu'il
était possible de
réussir à moindre
coût, tient de la
malhonnêteté
intellectuelle, si par ailleurs
on ne s'emploie pas
sérieusement à
comprendre comment les finlandais
s'y sont pris pour en arriver
là. Il faut pour cela plus
qu'une visite éclair dont
on revient avec des
déclarations fracassantes
que l'on s'empresse de renier en
élaborant des programmes
qui sont l'exacte
antithèse des solutions
pédagogiques
finlandaises.
|
|
|
on
se croirait à la maison, mais on
est au jardin
d'enfants
|
La
réussite finlandaise
|
Pour
comprendre la réussite
finlandaise il faut rencontrer et
écouter des professeurs,
des élèves, des
chefs d'établissement, des
responsables éducatifs, il
faut lire l'abondante
littérature que les
finlandais ont pris la peine de
mettre à disposition de
tous en traduisant en anglais
l'intégralité de
leur textes de lois, de leurs
programmes, de leurs
évaluations, de leurs
plans de développement,
sans compter nombre
d'études sur le
système éducatif et
son histoire, sur la formation
des professeurs
et sur les
résultats aux
évaluations PISA, qui sont
également accessibles dans
cette langue. C'est pour ma part
ce que j'ai fait, afin de ne pas
me contenter d'une vision
parcellaire mais de saisir
l'originalité profonde du
système finlandais.
|
|
une
classe unique dans une école
rurale
|
Là-bas
on a décidé, voilà longtemps
maintenant de mettre radicalement
l'élève, mieux l'enfant, au centre du
système. Cette formule aujourd'hui si
décriée en France par certains
tenants du marche arrière toute n'a jamais
été réellement mise en
pratique. Mettre l'enfant au centre du
système cela veut dire d'abord le
considérer dans sa globalité.
Alors que dans les nouveaux programmes
français du primaire on cherche à
faire entrer tous les élèves dans un
même moule, quitte à recourir aux
vieilles méthodes de " bourrage " si
justement dénoncées il y a
déjà 80 ans par Célestin
Freinet, on a compris en Finlande que c'est en
prenant réellement en compte la
diversité des enfants et leurs besoins
particuliers que l'on pourrait permettre à
chacun d'exprimer toutes ses potentialités.
L'impression
première du visiteur
C'est
pourquoi l'impression
première qui saisit le
visiteur étranger dans un
établissement finlandais,
c'est la décontraction,
naturelle et non provocante, des
élèves. On
veille à ce que chacun
puisse avoir le sentiment
d'être lui-même
à l'école tout
comme à la maison. Du coup
les élèves se
sentent chez eux à
l'école et évoluent
dans un environnement chaleureux
et détendu, du jardin
d'enfant jusqu'au lycée.
Les relations entre les
élèves et les
adultes sont empreintes
d'affabilité et d'une
grande proximité. Les
professeurs ne cherchent pas
à dresser un mur
d'autorité entre eux et
leurs élèves.
L'autorité
découle naturellement du
fait que chaque
élève sent que le
professeur est là pour
l'aider dans un processus de
croissance globale, dont
l'acquisition des savoirs fait
bien sûr partie mais qui ne
s'y résume pas.
|
|
|
Travail
en groupe décontracté dans
un cours d'histoire
|
La
formation des enseignants
Chaque
professeur a bénéficié d'une
formation pédagogique poussée. La
connaissance approfondie des processus
d'apprentissage, fait que l'on a
résolument tourné le dos au cours
magistral. On sait que tout apprentissage ne
peut se faire que s'il a un sens pour
l'élève. Aussi cherche-t-on avant
tout à le mettre en activité,
à solliciter sa
curiosité, à développer
son autonomie et à favoriser ses
initiatives. Autonomie et initiative
Certains se souviennent que cela fait
désormais partie des compétences
fondamentales à acquérir par tous les
élèves français au cours de
leur scolarité obligatoire. Mais quel espace
a-t-on laissé réellement pour cela ?
Les tenants du tout disciplinaire se sont
employés à réduire
systématiquement les champs nouveaux ouverts
par de précédentes réformes et
dans beaucoup de collèges, les IDD, pourtant
en principe toujours en vigueur, ne sont plus qu'un
lointain souvenir
Et la dernière
circulaire de rentrée ne les mentionne
même plus !
Les
établissements
|
Un
autre trait
caractéristique du
système finlandais est la
très grande autonomie
laissée aux
établissements. Les
professeurs sont recrutés
localement (par les
municipalité et les chefs
d'établissement), les
programmes nationaux peuvent
être largement
adaptés aux
réalité du terrain,
et les chefs
d'établissement ont une
grande latitude pour
définir et mettre en
uvre une politique
éducative. Pour autant
là-bas les
différences de
réussite entre les
écoles sont bien plus
réduites que dans d'autres
pays où, comme en France,
le centralisme est encore
très poussé. Les
finlandais ont compris que l'on
avait tout à gagner
à faire réellement
confiance aux acteurs de terrain,
car ce sont eux qui savent le
mieux quelles sont les
caractéristiques, les
besoins et les attentes de leur
élèves.
|
|
Ruée
vers la bibliothèque de classe en
cours de finlandais
|
Invitation au
voyage
Certains
trouveront peut-être le tableau que j'ai
brossé du système finlandais
excessivement euphorique. Je les invite à
faire eux aussi, avec ouverture d'esprit et sans a
priori, le détour par un pays qui a su,
en trente ans de réformes ininterrompues,
passer d'un système inégalitaire,
sélectif, élitiste et
hypercentralisé à une école
entièrement nouvelle fondée sur des
valeurs d'équité, de respect des
différences et d'autonomie.
Peut-être
alors rêveront-ils eux aussi de voir la
France se détourner des querelles
stériles, des schémas de
pensée binaires, pour édifier sur un
sujet aussi crucial que l'éducation un
consensus qui permette d'avancer, sans
à-coups ni brusque changements de cap, dans
une direction mûrement
réfléchie, pour le
bénéfice de tous les
élèves. Ne risquons-nous pas sinon de
ne plus être en mesure de relever les
défis de demain ?
|