Dernière de
couverture
Dans Le Moi-peau
(Du nod, 1985), puis dans les ouvrages collectifs
qui ont élargi le thème (Les
Enveloppes psychiques, 1987, Les Contenants de
pensée, 1993), Didier Anzieu a montré
comment les fonctions du moi se développent
par étayage sur les fonctions de la peau. Le
présent livre achève l'étude
de la constitution du psychisme en
considérant le passage du moi-peau au
moi-pensant. La première partie condense en
45 propositions accompagnées de commentaires
les acquis psychanalytiques sur l'activité
du penser : concevoir, juger, raisonner, ordonner.
La seconde présente huit logiques du penser
dérivées du moi-peau et les illustre
par des extraits de cures psychanalytiques :
consistance, contenance, constance, signifiance,
correspondance, individuation, énergisation,
sexualisation. La compréhension des
processus de connaissance chez l'analysant et chez
le psychanalyste acquiert ainsi une
précision et une efficacité
accrue. DIDIER
ANZIEU
était professeur émérite
à l'Université Paris X Nanterre et
membre de l'Association psychanalytique de France.
Il a reçu en 1992 un des prix Sigourney
décernés tous les quatre ans par
l'Association américaine de
psychanalyse. Table des matière Préambule
Remercier d'abord Pour introduire au
penser A Quarante-cinq
propositions psychanalytiques sur l'esprit, le
penser, les objets de connaissance 1. L'esprit, le
corps, leur union 2. Espace-temps
corporel, espace-temps psychique 3. L'esprit,
analogon du corps ; les autres corps, analogiques
du corps propre 4. L'écorce,
le noyau, l'intermédiaire 5. Huit fonctions
du moi-peau et du moi-pensant 6.
L'évolution des primates à
l'homme 7. Moi-plaisir,
moi-réalité;
moi-réalité externe et
moi-réalité interne 8. Du moi-peau au
moi-pensant 9. Triple
inscription des événements psychiques
sur la peau, le moi, le penser :
figurativité, opérativité,
générativité 10. Enveloppe-peau
; enveloppe-moi ;
enveloppe-pensée 11.
Réflexivité de la peau, du moi, de la
pensée 12. De la
représentation au concept 13. Moi-pensant et
logique 14. Identification,
projection et constitution de l'objet
épistémique 15. Clivage de
l'objet épistémique et
inachèvement de la connaissance 16. Le double
interdit du toucher 17. Pensée
par image, pensée par
schème 18. Cinq niveaux de
symbolisation 19. Le
schème, intermédiaire entre la
sensibilité et l'entendement 20.
Transposition des schèmes sensori-moteurs en
schèmes de penser 21. Attaques contre
la peau, le moi, le penser 22. De la
description à la définition de
l'objet épistémique 23. Du corps au nom
: définir 24.
Définition négative,
anasémique,
générative 25.
Conflictualité du penser 26. Jugement et
principe de réalité 27. Formation du
jugement de négation 28. Jugement
d'attribution et jugement d'existence 29. Jugement de
causalité 30. Retournement du
jugement 31. Le
système comme corps 32. Huit fonctions
du moi-pensant et élaboration d'un
système 33. L'interdit de
penser 34. Logiques des
associations d'idées 35. Cinq principes
freudiens du fonctionnement psychique constance,
répétition, Nirvâna, plaisir,
réalité 36. Principes
psychanalytiques implicites :
différenciation, asymétrie,
symétrie inversée,
réversibilité,
identité 37. Absence d'un
principe clair de changement 38 Ordre et
intelligibilité. Concordance et
complémentarité. Incomplétude
et indétermination 39. Paradoxe de
l'écorce et du noyau, organisateur du
couple 40. L'illusion de
perfection immédiate de l'oeuvre 41. La page comme
surface d'inscription de l'avant-texte
réel 42. Para-texte et
pare-excitation 43. Inter-texte et
individuation 44. Le contexte
comme contenant de l'uvre ; l'uvre
comme contenant du texte 45. L'impulsion
« génétique » comme
recharge libidinale et comme sublimation
sexuelle B Quatre
documents 1. Les
catégories du jugement et de l'entendement
selon Kant 2. La lune est
bleue : un exemple d'associations libres 3. Une triple
méprise ou la confusion de l'inanimé
et de l'animé 4. Une logique
tolérante aux paradoxes : le système
mystique A. Tableaux des
correspondances entre fonctions de la peau, du moi,
du penser 1. Grille des
fonctions de la peau, du moi et du
penser 2. Les vecteurs des
huit fonctions du penser 3. Les positions
corporelles et les espaces psychiques en jeu dans
les huit fonctions 4. Les attaques
psychiques contre les huit fonctions du
penser 5. Les
défenses contre les angoisses
spécifiques des huit fonctions du
penser 6. Les principes du
fonctionnement des huit fonctions du
penser 7. Les rôles
du psychanalyste par rapport aux huit
fonctions 8.
L'évolution des primates : de la peau
à la pensée B. Huit fonctions du
penser 1.
Maintenance/consistance. Le cas Framboise. Samuel
Beckett. Les cas Nathalie et Madeleine. Le
penser-debout. Le cas Myriam. Les attaques contre
le penser-debout 2.
Contenance 3. Constance : le
pare-excitation. La double surface. Auto-analyse de
pare-excitation d'un rêve. L'excitation de
penser. Un faux pare-excitation : ne pas penser-
à quelqu'un. Préserver la surface
d'inscription : ne penser à rien 4. Signifiance : la
surface d'inscription 5. Correspondance,
concordance, convergence, consensualité. Le
travail du récapitulatif. Un exemple de
pensées juxtaposées par collage le
cas Desplanches. L'invention de
l'alphabet 6. Individuation.
Le cas Lucerne. Le penser personnel. Le noyau. Une
personnalité équivoque. Rêves
rapportés a un groupe. 7.
Énergisation : la recharge libidinale Le cas
Midas 8. Sexualisation Le
cas Érasnne. L'hypersexualisation du penser
selon M. Klein Conclusion Pour prendre
congé Bibliographie
Index Un passage <<La logique
comprend quatre opérations : concevoir,
juger, raisonner, ordonner (cf. A. Arnaud et P.
Nicole, La logique ou l'art de penser,
1662). Mots, choses,
fantasmes sont trois ordres de
réalité : monde extérieur
régi par des lois ; monde du fantasme
régi par des scénarios ; monde de la
langue régi par des règles : les
trois ordres ont des statuts
épistémologiques différents.
Le monde des pensées,
caractérisé par la
réflexivité et la réflexion,
essaie de réfléchir ces trois mondes
et de réfléchir sur eux. Il se peut
que ce soient ces différences qui suscitent,
dans l'esprit, l'émergence du penser comme
tentative, sinon de les réduire, du moins de
contenir la tension qui
l'écartèle. Il faut introduire
une autre distinction : celle du penser et des
pensées. Les pensées
préexistent au penser ; elles l'appellent,
le suscitent ; le penser se construit par
auto-organisation, pour que les pensées
deviennent pensables. Il y a des
proto-pensées (Bion, 1967 ; M.
Pinol-Douriez, 1984), mobiles,
intérieures/extérieures à
l'esprit ; état psychique d'ordre «
hallucinatoire » (C. et S. Botella, 1990) ou
encore état « originaire », entre
confusion et différenciation, mixtes
d'impressions sensorielles, posturales,
coenesthésiques, kinesthésiques, de
collages-montages de morceaux bruts, d'affects et
de fantasmes, qu'on a comparés à des
« pictogrammes » (P. Aulagnier, 1975).
C'est à ces confusions que le penser
répond en se constituant comme producteur
progressif puis comme gestionnaire des
catégories. Il assure le passage du
psychisme originaire aux processus psychiques
proprement dits, primaires et secondaires (au sens
de Freud). Penser, c'est
différer les réponses aux questions,
afin de prendre le temps de les élaborer, en
évitant la précipitation et la
prévention (Descartes, 1637) : ce que
Derrida (1967) appelle la différance (avec
un a), le report, l'attente, pour l'opposer
à la différence (avec un e), aux
différenciations introduites ensuite par la
prise en considération des
catégories. Le terme de
catégorie a deux sens, qui dénotent
les deux premiers actes du penser : la
qualification, la classification. Au premier sens,
une catégorie est une qualité
attribuée à une chose
considérée comme objet
épistémique, ou un prédicat
attribué au sujet grammatical d'une phrase ;
ou encore un trait commun à des perceptions
(identité des perceptions selon Freud) ou
à des pensées (identité des
pensées). Par exemple, la psychanalyse
distingue trois catégories de pensées
: conscientes, préconscientes, inconscientes
(encore une division ternaire). Autre division :
les signifiants de démarcation (Rosolato,
1978) qui différencient les qualités
sensibles ; les signifiants formels (D. Anzieu,
1987) qui différencient les configurations
spatiales. Penser, c'est identifier et
différencier les qualités. Au second sens, une
catégorie est une classe dans laquelle on
range les objets de même nature. Le
dictionnaire Robert relève les synonymes
suivants : espèce, famille, genre, groupe,
ordre, série. Penser, c'est trier,
sérier, ordonner, classer, regrouper. Mais
on ne peut pas classer sans établir des
limites entre les classes, sans décrire
comment les classes ainsi délimitées
s'emboîtent en classes de classes, avec des
empiétements, des failles inévitables
dans les articulations. La logique des
mots, la logique des choses et la logique des
pensées sont différentes (cf. B.
Gibello, 1977) - et donc elles ne recourent pas aux
mêmes catégories - mais ces
différences sont mal supportées par
le penser, qui aspire à l'idéal d'une
logique unique s'appliquant à tout par le
truchement de sous-logiques particulières
déduites de cette hypothétique
logique générale. Cette utopique
logique universelle permettrait de tout qualifier
et de tout classer dans un même
système. Elle présuppose - à
tort - l'existence d'un moi cohérent et
unifié ; ce qui est démenti par
l'observation psychanalytique du fonctionnement
psychique. Penser, c'est
apprendre le bon usage des catégories,
à se méfier notamment des oppositions
binaires.>> p.6-7 Commentaire Livre pas
toujours facile car très dense. Il
résume l'oeuvre d'Anzieu sous forme de
propositions et il a l'avantage de bien montrer
l'interaction du "penser" avec "le
corps"
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