L'inconscient
à la crèche Dynamique des
équipe et accueil des
bébés Denis
Mellier Col. La vie de l'enfant.
Edit. Erès. (2004)
ISBN:
2-7492-0248-5 (25 €) Dernière de
couverture Pourquoi la
relation privilégiée entre Sylvie,
auxiliaire de puériculture, et Gabriel
crée-t-elle un malaise dans l'équipe
de la crèche ? Pourquoi les pleurs de
Bastien, cinq mois, sont-ils insupportables pour
les adultes ? Comment comprendre
Jérémie, un an, qui exaspère
tout le monde par ses agressions
répétées ? Pourquoi telle
crèche mobilise-t-elle tant d'énergie
pour résister au changement. Pourquoi telle
autre n'arrivet-elle pas à constituer une
équipe stable ? Parce que, nous dit
Denis Mellier, accueillir un bébé en
crèche est une tâche complexe qui
engage l'intimité psychique de tous les
partenaires concernés, le bébé
lui-même, ses parents, les professionnels,
individuellement et collectivement. Parce que toute
séparation a des résonances chez
chacun. Parce que s'occuper de bébés
mobilise intensément les émotions,
crée des tensions dans les groupes,
constitue un véritable travail psychique
perméable aux effets de
l'inconscient. Si les soins
quotidiens, l'attitude éducative,
l'attention portée aux toutpetits et
à leurs parents, passent par des actes
concrets, des paroles prononcées, une
organisation matérielle et collective,
ceux-ci ne prennent sens que si l'institution
assure une fonction de contenance des
anxiétés du bébé, des
angoisses parentales et de celles du personnel de
crèche. En quoi consiste cette «
fonction contenante » que Denis Mellier
qualifie de position éthique à
conquérir liée à la
nécessité d'accueillir
l'altérité absolue de chaque
bébé ? Comment repérer ses
avatars dans les multiples conflits et
difficultés de la vie collective pour y
remédier ? À partir
d'une approche psychanalytique de l'observation du
bébé, du groupe et de l'institution,
en référence notamment à Bion,
Bick, Kaës, Fustier et Houzel, l'auteur met en
évidence le concept d'« appareil
psychique d'équipe » avec lequel il
construit un modèle original d'analyse
institutionnelle. Publié en 2000 aux ESF,
cet ouvrage, largement illustré et
documenté, constitue un outil à la
fois théorique et pratique pour comprendre
et améliorer le fonctionnement des
équipes pluridisciplinaires attachées
à la petite enfance, mais aussi de toutes
celles qui ont une fonction d'accueil,
d'éducation et de soin. Denis Mellier
est
maître de conférences et directeur de
recherche à l'Institut de psychologie de
l'université Lumière-Lyon 2 et au
Centre de recherche en psychopathologie et
psychologie clinique. Il travaille depuis plus de
vingt ans dans la petite enfance, intervient
actuellement dans différentes équipes
de soin et assure des formations sur l'institution
et l'observation des
bébés. Table des
matières Préface
à la troisième
édition Préface de
Didier Houzel Introduction.
Accueillir, travailler en équipe Première
partie LA RELATION
PRIVILÉGIÉE ET LA DYNAMIQUE DE
L'ÉQUIPE 1.
LE
PHÉNOMÈNE DU « CHOUCHOU »,
UN COUPLE DANS UN GROUPE Une relation
privilégiée contenue, le changement
d'une équipe Le blocage du
changement et la fétichisation de la
relation privilégiée. Une crise et
l'absence d'une dynamique de la relation
privilégiée La dynamique du
couple dans un groupe, une
hypothèse 2.LE
DÉSIR DE L'ACCUEILLANT ET SA TRANSFORMATION
DANS L'ÉQUIPE Analyse de la
relation privilégiée Une contenance
groupale, le tiers et la tendresse Une perspective de
recherche: la dynamique d'une équipe et son
appareil psychique Deuxième
partie LES ENJEUX
NARCISSIQUES DE L'ÉQUIPE, CONFLITS ET
PROJETS 3.
LA FIGURE DU
BOUC ÉMISSAIRE
ET
L'INTOLÉRANCE NARCISSIQUE La contenance d'une
relation privilégiée
négative Violence et
narcissisme des petites
différences. 4.
CONFLITS ET
PROJETS DES ÉQUIPES Les conflits, une
gestion institutionnelle de
l'agressivité Les projets et les
formations de l'idéal d'une
équipe Troisième
partie LE DEVENIR DES
ANXIÉTÉS DANS
L'INSTITUTION 5.
BÉBÉS
EN GROUPE Bébés
en collectivité, bébés en
groupe Un enjeu groupal,
l'attention 6.
SÉPARATION
ET SYSTÈME TRIADIQUE D'ALLIANCES L'institution
crée-t-elle de l'angoisse ? Alliances
inconscientes et système triadique de
dénis 7.
ÉVOLUTION, ENVELOPPES ET ESPACES DE
CONTENANCE Évolution de
la crèche Michelet Une contenance
institutionnelle des
anxiétés Espaces de
contenance et clinique institutionnelle Quatrième
partie LE PROBLÈME
DU CHANGEMENT INSTITUTIONNEL 8.
« UNE
RELATION A ÉTÉ INSTITUÉE
», HISTOIRE DU CADRE DE LA
CRÈCHE Fondation d'une
convention sociale. La période
contemporaine : l'établissement d'une
structure fiable 9.
LA CRISE ET LE
RISQUE DU CHANGEMENT Le problème
du changement et la crise Changement et
culpabilité institutionnelle Crise d'une
équipe et désir de
changement Conclusion. Le
résumé d'un voyage ANNEXES Annexe 1. La
fonction contenante, une approche
théorique Annexe 2. Le
travail des capacités à contenir et
l'observation psychanalytique des
bébés selon E. Bick Annexe 3.
L'attention et l'association de points de vue en
équipe Glossaire
Bibliographie Index Un passage <<La question
proprement dite de l'adaptation à la
crèche est passée par cette relation.
La séparation n'a pas été
travaillée directement avec la mère,
mais indirectement au sein de la crèche. En
revanche, il n'y a pas eu de travail sur des
aspects plus profonds concernant ses angoisses de
séparation, c'est-à-dire touchant la
fiabilité du lien maternel ou
parental. J'ai choisi de
privilégier dans les échanges la
demande de l'enfant dans cette relation, mais de
manière sous-jacente ces échanges
concernent le désir de Sylvie. Cette
personne est jeune et vient de sortir d'une
école d'auxiliaire de puériculture.
Elle aime Gabriel comme un enfant qui pourrait
être le sien: elle pense à lui quand
il est parti ou si elle n'est pas à la
crèche, et elle le soigne, se
préoccupe de lui, éprouve tendresse
et affection pour lui. Elle se défend de cet
élan en disant que ce n'est pas elle qui l'a
choisi, que ce n'est pas au détriment des
autres. Les propos rapportés plus haut
indiquent qu'elle se vit comme en miroir par
rapport à la mère : il s'accroche
à elle le soir comme il s'accroche à
sa mère le matin. À travers Gabriel,
elle a pu réaliser partiellement un
désir d'être mère en
réduisant la distance professionnellement
requise, se sentant « utile » pour une
autre mère et son enfant. Le « chouchou
» signe une exclusivité entre l'adulte
et le bébé. La séduction est
présente. Sylvie a trouvé en Gabriel
des parties d'elle, elle ne sait pourquoi elle l'a
tout de suite aimé. Ceci a été
de fait questionné par la réaction
des autres, des collègues. J'ai peu
dirigé mon intervention dans ce sens,
pensant important de respecter cet élan. Ses
collègues ou la directrice se sont plus
situées à ce niveau. Nous pouvons
constater que cette configuration entre la
mère et la puéricultrice
dénote une alliance entre la famille et la
crèche dans une sorte de «
mêmeté ». Rien ne nous permet de
penser que la mère de Gabriel a voulu
éviter cette relation. J'ai plutôt eu
l'impression d'une entente tacite entre ces deux
femmes, jeunes par ailleurs. La mère a
trouvé quelqu'un qui « comble »
son absence pour son fils, sans que la
séparation soit questionnée entre
adultes. On peut penser que pour la mère cet
accueil a été une réponse
à ses difficultés de
séparation: quand Sylvie est là le
matin, la séparation est plus facile
à vivre, Gabriel pleure moins.>>
p.33 <<Jérémie
à la crèche Michelet Dans les exemples
issus de la première période, la
prise de conscience de la séparation s'est
effectuée à partir des manifestations
de pleurs de l'enfant, les défenses plus
primitives sont collectivement ignorées car
moins directement visibles et plus difficiles
à contenir. La seconde période se
définit par l'amorce d'une nouvelle
contenance. Dans ce contexte,
j'ai retenu un fait qui m'est apparu, d'autres
auraient pu être choisis, mais l'essentiel
pour nous est d'approcher la dynamique
institutionnelle propre à cette
période. Il concerne un enfant,
Jérémie ; avec lui nous verrons que
des manifestations plus primitives de la
séparation peuvent commencer à
être contenues, nous pourrons percevoir un
nouveau positionnement de l'équipe. Les
personnes qui la constituent sont quasiment les
mêmes qu'à l'époque de Bastien
quatre ans plus tôt (une auxiliaire à
plein temps est partie, une autre à mi-temps
est arrivée). Dès le
départ les relations des parents
s'inscrivent dans une tonalité tendue avec
la crèche. Les relations se poursuivront
dans ce registre et Jérémie
pose des
problèmes d'agressivité envers les
autres enfants. J'ai rencontré au
début les parents et mes discussions avec
l'équipe sur Jérémie ont
abouti à instaurer une réunion
à son sujet. À partir des
données en ma possession je dresserai un
tableau de son comportement pour approcher ses
difficultés et voir comment elles
s'articulent dans la dynamique
institutionnelle. Jérémie,
un an, a dès sa venue à la
crèche extériorisé les
tensions qu'il vivait. II est très actif
dans la salle de jeux, et très agile pour
son âge. Souvent les autres enfants sont
l'occasion d'agirs agressifs : prendre un jouet,
tirer et mordre surtout. C'est ce qui pose
problème de même le fait qu'il «
rigole » quand on le gronde. II risque de
devenir le bouc émissaire aux yeux des
autres parents. II s'adapte en
revanche aux rythmes collectifs : le repas, la
sieste, puis à la fin, la propreté.
Mais il dort peu, il est fatigué en fin de
journée (les enfants de son âge n'ont
pas de dortoir à la crèche). II a
souvent le visage rieur, et apparaît peu
souvent triste ou déprimé (une fois
on m'a signalé qu'il a pleuré
après avoir été grondé,
ce qui est rare). À la fin de son
séjour il parle un peu. En regardant plus
en détail son comportement, il est calme et
joue parfois quand le groupe est aussi plus calme
et que ne se répète pas une
série d'interdictions après une
agression. II est tout à fait
intéressé quand on lui parle, ou si
quelque chose se passe dans la salle. Quand un
adulte s'intéresse à lui il cherche
alors à capter son attention, comme s'il
voulait la conserver. II devient « collant
», s'accroche à qui le prend en charge,
s'agrippe aux jambes. Dans ce contexte les
interdits formulés deviennent des enjeux
à transgresser, il fait éprouver le
sentiment d'être manipulé. Les angoisses lors
de la séparation paraissent inexistantes,
mais Jérémie semble surtout les
évacuer par des actes ou son emprise sur les
autres. Ce qu'il ne peut éprouver se trouve
extériorisé. La souffrance est ainsi
peu accessible comme vraisemblablement le sens de
sa venue à la crèche. Tout se passe
comme si Jérémie avait besoin de
détruire quelque chose de la crèche
pour la reconnaître différente dans
son existence, pour éprouver qu'elle ne
correspond pas à ses fantasmes agressifs,
pour la différencier de la confusion qui
régnait quant à sa venue. Ses actes
peuvent être violents, sans aucune limite,
sans conscience de culpabilité. D'après le
peu d'éléments que j'ai, je pense que
sa venue à la crèche était
tellement liée dans la dynamique familiale
aux angoisses de mort accompagnant la
prématurité de sa sueur qu'elle fut
marquée par beaucoup de craintes et
d'ambivalences par les parents. Ils paraissaient
ainsi reporter sur la crèche la faute de
cette prématurité. Tout se passe
comme s'ils le rejetaient en le mettant à la
crèche et dans le même mouvement
annulaient ce sentiment en l'attribuant à la
crèche. Jérémie se trouve
comme un objet au milieu de ces projections. Il a
par ailleurs très peu d'écart
d'âge avec sa jeune sueur, qui reste au
foyer. Une investigation plus poussée avec
les parents aurait permis de préciser ces
aspects.>> p.78 Commentaire Livre à
la fois théorique et par là pas
toujours facile à lire et pourtant
illustré de nombreux exemples concrets qui
en font son intérêt. Il a le
mérite également de ne pas isoler les
trois dimentions, de l'enfant, du groupe des
puéricultrices et de l'institution en
montrant ainsi les interactions de ces trois
dimensions.