La dépression
existe!
Différentes enquêtes le
montrent, elle touche de nombreuses
personnes:
<<Lors
d'une campagne nationale menée en
octobre-novembre 2007, l'Institut national de
prévention et d'éducation pour la
santé (Inpes) affirmait que "3 millions
de personnes [sont] touchées par
la dépression chaque année". Mais
que faut-il entendre par "dépression" ?
Réponse de l'INVS : la survenue d'un
"épisode dépressif majeur" (EDM),
c'est-à-dire d'une période
pratiquement ininterrompue de tristesse ou de
perte d'intérêt qui dure au moins
quinze jours. Il faut encore que cette tristesse
soit accompagnée d'au moins trois
symptômes secondaires (variation de poids,
problèmes de sommeil, fatigue
inexpliquée, difficultés de
concentration, pensées morbides...) et
d'une perturbation des activités.....".
Pour leurs auteurs, cela montre également
l'intérêt de la campagne nationale
de l'Inpes qui, outre l'information du public,
met l'accent "sur la complexité du
diagnostic et sur l'erreur qui consisterait par
exemple à confondre la notion de
dépression avec celle de vague à
l'âme ou de tristesse". Ils rejoignent en
cela une étude de la faculté de
Rouen qui pointait début septembre, le
manque de formation des médecins
généralistes dans la prise en
charge de cette maladie. >> Le Monde
23/09/08
Elle peut toucher tous les
milieux
<<la
City n'est pas Wall Street, où cela fait
tellement bien d'être en analyse. Mais
aujourd'hui, les banquiers touchés par la
crise financière font appel au soutien
psychologique... "Les gens de la City
écrasent leur vie personnelle, familiale.
La prime de fin d'année leur donne le
sentiment d'exister vraiment. Mais ayant tout
sacrifié, ils sont toujours
déçus par la
rémunération. La dépression
les guette en permanence", insiste Michael
Sinclair... Peu portés sur
l'introspection, les traders sont
réticents à parler de leurs
problèmes à la direction des
relations humaines. Ils préfèrent
se plaindre auprès du médecin
généraliste de troubles du
sommeil, de maux de dos ou d'autres
symptômes psychosomatiques pour se mettre
en arrêt maladie. Ce déni exacerbe
les problèmes psychologiques.>>
Le Monde 9/10/08
Les
enseignants n'en sont pas
protégés; des faits
récents le montrent:
<<Drame
et souffrance.Une enseignante de 45 ans
sest suicidée, hier,
à lintérieur de
lécole primaire Gambetta
de Massy, dans lEssonne. Ce drame
risque de relancer le débat sur
les difficultés grandissantes du
métier denseignant.
Cest ce que pense
Libération qui interviewe
Christophe Helou auteur avec
François Lantheaume de
lenquête sociologique
la Souffrance des
enseignants. Pour lui, il est
difficile de dire si la souffrance est
devenue plus forte ou si on la
rendue plus réelle, moins
silencieuses avec les cellules
découte ou des dispositifs
spécifiques pour les enseignants
en difficulté. En revanche, il
insiste sur le fait que
lisolement agit comme un
accélérateur. Dans les
ZEP, montre t-il, la difficulté
se gère collectivement. Enfin,
comme dans tous les
métiers daide à la
personne, il est difficile,
dit-il de gérer la
séparation entre les
sphères privées et
professionnelle. Cette
enseignante vivait sûrement une
situation personnelle difficile mais
quelle ait choisi de
mettre fin à ses jours sur son
lieu de travail est
troublant.>> Revue
de presse de P.Watrelot
7/10/08
Une enquête récente du
SGEN sur les conditions de travail des
personnels de collège l'a bien mis
en lumière:
<<Les
réponses à certains items
laissent entrevoir lexistence
dune population en situation
professionnelle dramatique et en grande
souffrance personnelle : sentiment
dêtre en danger,
incapacité à gérer
ses tâches, déni de
reconnaissance, absence de
régulation, difficultés
relationnelles. Parmi ceux qui
narrivent pas à gérer
leur quotidien professionnel, 20 %
déclarent se débrouiller
sans recours aux collègues,
à la hiérarchie ou aux
syndicats. 23 % dentre eux souffrent
à la fois de très forte
fatigue et de troubles du sommeil, ce qui
est le symptôme classique de la
dépression. Cest une infime
minorité en pourcentage, mais elle
représente plusieurs milliers de
collègues.>>
Enquête
SGEN
(Pdf)
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Un
témoignage:
<<
Bonjour ! Voici un sujet (la
dépression) qui me touche
parce qu'il me concerne... Je
n'ai pas de réponse toute
faite, juste une piste. Je suis
très très
réactive lorsqu'une
situation me paraît injuste
et surtout dangereuse pour des
enfants. Du coup, j'ai à
plusieurs reprises
été très
mal. Dans mon parcours, je n'ai
pas plongé tous les ans,
mais tous les ans ce fut
terriblement difficile :-
institution déconnante sur
mon premier poste, les ados
avaient pris le pouvoir à
l'indifférence
générale de la
direction de
l'établissement spé
et de toutes les
hiérarchies
contactées ...beaucoup
beaucoup de violence, verbale
mais aussi physique, hurlements
de bout'chous qui avaient besoin
de soins, traumatismes chez tout
le monde Dans les moments
où on n'arrive plus
à supporter, on pleure
beaucoup beaucoup, on devient une
sorte de zombie à la
maison, super pour la famille.Je
n'ai trouvé qu'un petit
"truc" pour aller mieux :
M'AUTORISER à demander un
poste "cool". Du coup,
pédago pédago
pédago, mais ça me
va mieux côté moral
: je croule sous le boulot mais
au moins je sais qu'en me battant
les résultats seront au
moins corrects. Alors
qu'auparavant, en me battant, je
ne récoltais que du
vent... glacé
d'indifférence chez la
plupart, terriblement
brûlant de colère
chez moi. J'avais des
résultats
côté scolaire, mais
que dire de ce qu'on vivait au
quotidien et que penser de ces
mômes dont la situation
personnelle ne changeait pas d'un
iota malgré sa
gravité... ! Aujourd'hui,
je ne suis pas super à
l'aise en classe ordinaire, mais
je vais vraiment mieux,
après bientôt une
année scolaire en
école
privilégiée,...>>
Mail dans groupe de
discussion
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Mais quelle
dépression?
Mais
que met-on sous ce terme de dépression?
Comme il est dit plus haut il s'agit " d'un trouble
de l'humeur", c'est-à-dire de l'état
de notre psychisme, et cet état n'est pas en
0 ou 1 (comme en maths!) déprimé ou
non déprimé. En réalité
il s'agit d'un continuum qui peut aller:
- d'une
simple tristesse passagère
- à une
tristesse qui dure (plus de 15 jours par
exemple) et qui est accompagnée de
différents symptômes
psychosomatiques ( sommeil., douleurs ..) et de
difficultés ou de ralentissement dans les
activités
- à un
état ou se mèlent un sentiment
d'abandon et une impression d'être
obligé de "réparer" des
dégats imaginaires faits à
d'autres (s'occuper des autres davantage, se
dévouer davantage...)
- avec des peurs
de dommages graves pour les êtres que l'on
aime et un sentiment de culpabilité et
d'impuissance (incapacité à faire
ou actes automatiques, obsessionnels)
- mais aussi des
fantasmes de destructions catastrophiques, des
sentiments de culpabilité insupportables
avec parfois un déni de son état,
de sa tristesse,de ses difficultés (tout
va bien...! c'est magnifique!) ou au contraire
le désir de mettre fin à sa vie
(suicide).
Ainsi dfférents états psychiques
peuvent faire penser à la
"dépression" dont la gravité est plus
ou moins grande. D'une certaine façon nous
sommes tous "dépressifs" à certains
moments de notre existence mais pas de la
même façon!
Quels en sont les
causes?
Elles sont, en général,
multiples: génétiques,
(prédisposition?), sociales (stress
au travail, ambiance de la
société (imaginaire
collectif),
dépression économique voir
l'encadré, météo),
entourage (isolement plus ou moins grand,
climat des personnes qui nous entourent),
évènementiel (deuil d'un
être chèr, mise au
chômage..), historique
(évènement de l'histoire
personnelle qui rejaillit sur le
présent)...
Ceci montre que la lutte contre la
dépression doit comporter plusieurs
dimensions pour être
efficace.
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<<Des
effets à moyen terme,
liés à une
augmentation du chômage, de
la précarité ou des
difficultés
économiques sont sans
doute prévisibles dans la
population. Dans les pays
occidentaux, en effet, il y a une
forte corrélation entre un
faible niveau
socio-économique et la
dépression. Toutes les
études
épidémiologiques
conduites en Europe mettent en
évidence ce lien.
Paradoxalement, dans les pays du
Sud où les troubles
dépressifs sont beaucoup
plus rares, cette
corrélation ne se
rencontre pas. Ce n'est donc pas
tant la misère qui semble
être en cause dans la
dépression que le
décalage entre la
prospérité et ceux
qui sont moins
favorisés.>>
Le
Figaro 11/10/08
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Que peut-on faire pour
soi, quand on se sent
dépressif?
- La
première chose est de ne pas rester
seul(e) avec cette difficulté. Trouver un
appui au moins provisoire: ami(e),
collègue, association de soutien... de
façon a pouvoir lui en parler au moins en
"mi-dire".
- Accepter de
"penser à soi" sans s'en sentir coupable,
trouver des petites occasions de se faire du
bien (voir "Des cures contre la
dépression" Le Monde 5/03/08), changer de
poste...
- Consulter un
spécialiste du psychisme. Ne pas oublier
que les médecins
généralistes ne sont pas
formés pour cela( voir: "Le
mal-être surmédicalisé" dans
Le Monde 10/09/08) , même si, parmi eux,
certains l'ont fait en dehors de leur
études initiales. Leur consultation
pourra néammoins, éliminer des
causes purement organiques qui seraient à
la source de ce que l'on ressent; iIs peuvent
également informer sur les
spécialistes du psychisme.
- Ne pas
confondre les différents types de
spécialistes:
Le
psychiatre:
C'est d'abord un médecin,
donc c'est un titre protégé
(n'importe qui ne peut se dire
psychiatre), c'est un spécialiste,
il a donc fait une spécialisation
de psychiatrie après sa
médecine. Il s'occupe comme tout
médecin des "maladies" (du
psychisme), comme tout médecin il
pose un diagnostic et en fonction de ce
dernier prescrit des médicaments
(principalement: neuroleptiques,
tranquillisants, anxiolytiques,
régulateurs
d'humeurs...).
|
Le
psychologue
a fait
cinq ans d'études théoriques
après le bac (D.E.S.S) en
faculté et au moins un stage
pratique. Le titre de psychologue est
lui aussi un titre protégé
depuis seulement quelques années.
Son travail n'est pas forcément de
"soins", il peut être de "conseil",
de "thérapie", de
"développement personnel",
"d'amélioration du travail"
etc...son action n'est évidemment
pas liée à la prise de
médicaments, mais, à son
écoute, à sa parole,
à ses techniques, à sa
relation avec les personnes.
N'étant pas médecin ses
consultations ne sont pas
remboursées en France
|
Le
psychanalyste
a, en
principe, fait une psychanalyse, a suivi
des cours théoriques sur la
psychanalyse et une "supervision" durant
au moins ses premières
années de consultation.
C'est-à-dire qu'il a fait un
"travail" sur lui-même et que c'est
à partir de sa propre connaissance
de lui-même qu'il peut aider les
autres. Il peut proposer soit une
psychothérapie en face à
face, soit une psychanalyse où la
personne est allongée sur le divan.
Il peut ou non appartenir à "une
école" qui spécifie des
pratiques et des orientations
théoriques différentes. Ce
titre de psychanalyste n'est pas
protégé. Ce qui veut
dire que vous pouvez, demain, mettre une
plaque sur votre porte avec "Mr Untel
psychanalyste"! Le psychanalyste comme le
psychologue agit par sa relation, son
écoute, son acceptation des
"transferts". Ses consultations ne sont
pas remboursées sauf s'il est aussi
médecin, ce qui arrive
souvent.
|
Le
psychothérapeute
propose
une aide par sa parole, son écoute,
ses techniques, sa relation. La
durée de sa formation est
très variable ( de quelques jours
à plusieurs
années). Parmi les organismes
de formation on trouve de tout : du
sérieux et du farfelu, de
l'efficace et du dangereux
(sectes).
C'est
un titre, actuellement, non
protégé, mais en voie de
protection. Des discussions ont eu
lieu à l'Assemblée Nationale
pour un projet de loi posant des
conditions à l'utilisation de ce
terme, les décrets d'application
sont en route. Ses consultations ne sont
pas remboursées sauf s'il est aussi
médecin.
|
Bien sûr ces
titres et d'autres sont cumulables:
On trouve ainsi des "psychiatres
psychanalystes", des "psychiatres
thérapeutes", des "médecins
psychanalystes", des "enseignants
psychothérapeutes" etc..
En connaissant la signification exacte de
ces termes on a déjà une
vision plus précise de ce qui est
proposé par le spécialiste.
Par exemple ce n'est pas pareil d'aller
voir un psychiatre ou un psychiatre
psychanalyste; de même pour un
psychologue ou un psychologue
psychothérapeute.etc...
Les
médicaments
(antidépresseurs,
anxiolytiques...)
|
|
Ils sont parfois une aide, parfois indispensables
mais ils ne réglent jamais seuls le
problème; la psychothérapie sera
toujours nécessaire pour accompagner une
prise en charge médicale. Ne serait-ce
parfois, pour aider à les prendre car ils
sont ressentis, par certains, comme des poisons....
<<Les
prescriptions d'antidépresseurs sont trop
importantes et
"déséquilibrées". Terré
dans le fond de son lit, sans volonté de
consulter un médecin, le dépressif
grave n'est généralement pas assez
traité. Par contre, le modéré
recourt trop vite aux
médicaments.>> Saintluc.be
Il y a
risque
- à
croire que le médicament est la solution
à tout, autrement dit à
"médicaliser" toutes les situations; le
médicament devient alors un
fétiche qu'on absorbe pour se
protéger,
- à ne
pas intervenir à temps et nier la
nécessité que l'on a de prendre
ces médicaments
Que peut-on faire
pour les autres?
D'abord
ce qu'on ne peut pas faire:
- se
mettre à leur place et croire qu'on
peut "les comprendre" parce qu'on a
été dépressif
à certains moments; or on a vu que
l'état dépressif
revêtait des formes
variées.
- vouloir
absolument que la personne fasse ce qui
vous a réussi, fasse telle chose
précise. En général
plus on fait pression sur elle, plus elle
se "défendra".
- lui
faire trop sentir qu'on veut absolument
l'aider. Cela sera ressenti souvent comme
une pression plus ou moins insupportable
(voir une expérience personnelle
dans l'encadré ci-contre).
Ce
qu'on peut faire
- Garder
le contact avec la personne qu'on veut
aider, malgré les
difficultés. En effet la solitude
d'une personne dépressive est
grande et le simple fait de sentir une
présence est une aide.
- Etre
attentif aux "mi-dire"
qui peuvent être une tentative de
demande de dialogue.
- Etablir,
quand c'est possible et demandé, un
dialogue sans jugement (La tentation est
de dire par exemple:"tu as tord de rester
seul"..!) et avec le minimum de pression
même si on envie de dire : " Tu
devrait absolument aller voir quelqu'un,
tu ne peut pas rester comme cela, ton cas
est trop grave")
|
Dépression
et phénomènes de
groupe
À la demande d'un chef
d'établissement, mon
collaborateur et moi
débarquons dans un
collège où une
douzaine de professeurs nous
attendent pour ce qui doit
être un stage de formation.
Au moment de s'asseoir en rond
par terre, une participante
refuse catégoriquement,
prend une chaise et va se mettre
à l'autre bout de la
pièce. Nous
commençons à parler
avec le groupe, nous essayons
petit à petit
d'interpeller l'autre personne,
qui ne répond pratiquement
pas. À la pause, elle nous
explique que c'est le proviseur
qui l'a obligée à
venir. Rassurée sur le
fait que la formation n'a rien
d'obligatoire, elle quitte la
pièce. Et là, un
phénomène
extraordinaire se passe. Pendant
la première
période, les participants
parlaient de façon
intellectuelle et très
lointaine, ne disant que des
banalités. À partir
du moment où cette
personne est partie, les langues
se délient et le groupe
nous confie sa crainte de la voir
mettre fin à ses jours,
malgré tous les efforts
faits pour l'entourer au mieux.
Nous nous sommes rapidement rendu
compte qu'il s'agissait là
d'une peur imaginaire due au fait
que chacun des participants avait
été, par le
passé, confronté au
suicide d'un membre de sa famille
ou qu'eux-mêmes y avaient
pensé. Cela créait
un imaginaire de groupe qui
provoquait une pression terrible
sur une personne "choisie" pour
"incarner" le suicide.
C'était devenu absolument
insupportable pour elle. Le fait
de pouvoir en parler a permis de
débloquer la
situation.
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-
être capable (après
s'être renseigné) de donner
des informations utiles si elles sont
demandées de façon à
éviter des démarches
pénibles (nom, adresse,
téléphone de personnes
compétentes...)
- Tenir
compte de la peur imaginaire des Psys de
ceux qui n'ont jamais eu affaire à
eux.
- Bien
sûr il existe des cas extrêmes
où la personne n'est plus capable
de se prendre en charge (état
catatonique...) on a alors l'obligation
d'intervenir et on pourra trouver de
l'aide auprès des pompiers en
particulier.
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