C'est
ce deuxième cas qui nous intéressera
particulièrement parce qu'il
représente un enjeu en matière
d'ingénierie pour l'avenir des organismes.
En effet, rappelons que cet enjeu se
caractérise par le passage d'une formation
qui s'organise de façon principalement
réceptrice à une formation
principalement active. Autrement dit, c'est
moins la question de la transmission
des connaissances
qui est en jeu que celle de la construction des
connaissances.
Les points
d'appui
Nous nous appuierons en
particulier sur :
1) La
notion de transversalité
Appliquée
aux situations professionnelles, elle en
décrit les facettes et les ressemblances.
Autrement dit, ce sont les similitudes de
problèmes rencontrés qui en
désigneront leur caractère
transversal. Ainsi, les compétences
mobilisées dans le traitement de
problèmes semblables seront reconnues
à leur tour comme des compétences
transversales et donc comme des
compétences
clés. Il
s'agira donc que les compétences à
développer soient celles qui demandent
à être mises en uvre dans des
situations d'apprentissage présentant des
caractéristiques semblables.
Avec le point de
vue de Guy le Boterf, la notion de situations
clés proposée par Grégoire
Evéquoz et le
référentiel des compétences
clés en
situation professionnelle produit par l'ANLCI, il
semble que l'on puisse trouver des points communs
dans la définition de ce qu'est le travail
aujourd'hui, de son contenu et dans les grandes
tendances transversales qui touchent tous les
secteurs professionnels.
Cela
nous amène à rassembler les
compétences clés ou tout au
moins les types d'activités
qu'elles induisent autour de trois
pôles :
production,
réalisation / interaction,
communication / gestion
d'évènements
Pour chacun
d'entre eux, on pourra y associer des types de
comportements qui participent à
l'acquisition des compétences clés
:
l'engagement
/ la coopération / la prise
d'initiatives
Précisons
ici que l'engagement de l'individu ne pourra se
faire que dans un contexte porteur de sens, que la
coopération n'existe que dans un cadre
où le travail d'équipe
prédomine et que la prise d'initiative ne se
déclenche que dans un espace où
l'action autonome est possible.
2) La notion de
transférabilité
Appliquée
à l'individu, elle désigne sa
capacité à utiliser ses acquis, ses
comportements ou ses ressources dans
différentes situations. Autrement dit, c'est
le phénomène par lequel les
progrès obtenus au cours de l'apprentissage
d'une certaine forme d'activité
entraînent une amélioration dans
l'exercice d'une activité différente,
plus ou moins voisine.
Nous avons vu
précédemment que les
compétences qui peuvent se mobiliser dans
des contextes similaires sont
repérées comme des compétences
clés et que si elles sont
transférables, c'est parce qu'elles
s'acquièrent en situation. Il s'agira donc
que les situations d'apprentissage à
construire offrent des environnements de travail
différents mais comparables afin de
favoriser le transfert des compétences et
donc leur utilisation. Cette question du transfert
est un moment important de synthèse
cognitive. C'est le moment où l'individu
doit mettre en ordre ce qu'il sait pour pouvoir le
reproduire et l'ajuster en le " délocalisant
" ailleurs.
Le
transfert implique de créer une
chaîne d'apprentissage qui va
-
du recensement des actions
réalisées par la
verbalisation,
- d'un retour
réflexif sur la
manière de travailler et de
s'organiser,
- d'une remise
en question des façons de
faire,
- de
l'exploration de nouvelles
possibilités
- et enfin d'une
synthèse en vue d'une utilisation
ajustée parce que
décalée d'avec la situation
source de son apprentissage.
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Cette
chaîne d'apprentissage autorise une
montée en abstraction, en
conceptualisation, en faculté de
généralisation pour les individus par
un phénomène de distanciation. Elle
produit donc de la compétence transversale
et favorise les conditions d'une mobilité
professionnelle.
3)
La notion d'isomorphisme
Appliquée
aux situations d'apprentissage et de formation elle
propose d'en établir " une même
forme " avec celles auxquelles on peut se
trouver confronté dans la
réalité du monde du travail et de ses
valeurs. Autrement dit, c'est le mode ou l'objet
particulier (similaire à ce qui est fait ou
à ce qu'on trouve en entreprise) avec lequel
ou autour duquel sera organisée une
activité de formation.
Il
s'agira donc que les situations
d'apprentissage à construire
possèdent des
caractéristiques identiques aux
situations professionnelles afin de
reproduire des situations d'entreprise
fictives mais significatives.
4) La notion de
projet
Le mot " projet "
véhicule l'idée d'une projection dans
le temps et dans l'espace. Jean Guichard le
définit ainsi " représentation
d'une situation ou d'un état que l'on
souhaite atteindre en effectuant une série
d'actions constituant l'esquisse d'un plan visant
à la réalisation de ce dessein ".
Ce n'est pas seulement une idée, un
désir mais un cheminement qui va nous
conduire à l'action, à la
réalisation d'un " objet-but ".
Un projet,
c'est donc une élaboration progressive
qui comporte différentes phases :
l'exploration, la conception, la
réalisation, l'évaluation.
La conduite d'un projet peut être
considérée comme une stratégie
de résolution de problèmes. Elle
s'assimile alors à une démarche de
recherche nécessitant un travail de recueil
d'informations, de traitement de données,
d'exploration des possibles. Elle suppose ensuite
une réflexion pour mettre en ordre,
organiser puis évaluer les options les plus
intéressantes puis, le passage à
l'action s'impose pour accomplir et mettre en
uvre les choix opérés. Enfin,
les retours sur l'action avec l'observation des
résultats et des conséquences,
l'analyse des situations, l'explicitation des
intentions clarifient la pensée et aident
à apporter ajustements et
rectifications.
Finalement, le
projet, dans la manière dont il est conduit,
incite au développement des capacités
pour atteindre un but.
Avec la mise en
place de jalons qui viennent marquer le
franchissement des étapes l'une après
l'autre, il peut être un outil pour
gérer
l'incertitude
et la complexité. En favorisant
l'action, il crée les conditions de
l'autonomie. Il permet aussi de repérer la
marge d'action individuelle et la zone personnelle
d'initiative. En favorisant l'interaction avec
l'environnement, il crée les conditions de
communication. Enfin, il peut servir
la
motivation individuelle et
collective en donnant
un sens à l'action ; à la fois "
à quoi ça sert ? " et " dans quelle
direction ? ".
Si on examine
maintenant de quoi est composée une
situation professionnelle et ses principales
caractéristiques selon Philippe Zarifian, on
retrouve des caractéristiques semblables
à celles de la conduite de projet.
En effet, une situation
professionnelle c'est :
- un
contexte spatio-temporel qui va constituer
son cadre et qui va notamment
déterminer le niveau de
responsabilité et d'engagement de
l'individu.
- C'est aussi des
machines, des procédures, des
systèmes d'information et tout ce qui
sera repères et ressources.
- Enfin, c'est un
problème ou un ensemble de
problèmes que l'individu doit
affronter, qu'il doit résoudre avec
des solutions à trouver, des
évènements à
gérer.
- Le
résultat à atteindre,
référé à des
enjeux, fait partie de la situation
professionnelle car il donne du sens à
l'action attendue.
- Une situation
ne peut se décrire
indépendamment du sujet qui l'affronte
et des acteurs qui y sont associés,
c'est pourquoi l'initiative prise
en fonction du résultat et des
problèmes en fait partie de même
que les interactions avec autrui.
- Enfin, une situation
professionnelle implique qu'elle puisse
être
évaluée.
En
synthèse, retenons sept mots clés qui
définissent une situation professionnelle :
cadre, ressources,
problème, résultat, initiative,
interactions, évaluation
et qui représentent
aussi des composantes de la conduite d'un
projet.
En tenant compte
de ces points d'appui, on peut chercher à
reproduire des conditions et des exigences propres
à l'activité professionnelle et
chercher à enrichir, chez les apprenants,
leurs représentations du monde du travail et
le passage d'une image de l'entreprise mythique et
stéréotypée à une image
plus nuancée, plus précise et plus
proche de la réalité
d'aujourd'hui.
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