En
effet, c'est parce que les entreprises font face
à une concurrence de plus en plus forte pour
répondre aux objectifs de
compétitivité mondiale que le
marché de l'emploi devient de plus en plus
sélectif. En conséquence, le niveau
général de formation
s'élève et accentue davantage les
inégalités d'accès à
l'emploi pour les publics ne possédant pas
la maîtrise des savoirs de base. Le risque
alors, est une forte augmentation de l'exclusion.
La circulaire indique : " La
maîtrise des savoirs de base et l'acquisition
des compétences clés constituent donc
un enjeu majeur en termes de sécurisation
des parcours professionnels, d'insertion ou de
maintien dans l'emploi et d'accès à
une formation qualifiante ".
Il s'agit pour le ministère en charge
de l'emploi, dans le cadre d'une définition
des orientations nationales en faveur de
l'accès aux compétences
clés
pour une meilleure insertion professionnelle, de
rendre plus lisibles et plus efficients les outils
existants, notamment au travers de trois axes
:
1 La
délimitation du champ des
bénéficiaires au profit des
personnes inscrites dans un projet d'insertion
professionnelle, ne maîtrisant pas les
compétences clés et
désirant accéder à un
emploi de premier niveau de
qualification.
2 Le recentrage sur les
formations visant la maîtrise des
compétences
clés
et accompagnant le projet d'insertion
professionnelle.
3 La rénovation
de l'offre de services en faveur de la
maîtrise des compétences
clés .
L'orientation de cette circulaire met en
avant certaines préoccupations qui
rejoignent celles issues d'un groupe de travail
constitué à la demande de la ministre
de l'économie, de l'industrie et de
l'emploi. Ce groupe, qui rassemblait l'Etat, les
régions et les partenaires sociaux, s'est
réuni de mars à juin 2008 sous la
présidence de Pierre Ferracci, avec pour
mission l'étude du système
français de formation professionnelle. Les
débats du groupe ont favorisé
progressivement l'émergence d'un point de
vue collectif sur les principes qui doivent guider
une réforme de la formation
professionnelle.
Sans retracer l'exhaustivité du
travail de ce groupe, nous retiendrons du
rapport Ferracci, les constats et
réflexions qui nous paraissent aller dans le
même sens que la circulaire ou qui en
approfondissent son contenu et notamment
:
L'impact de la
mondialisation
"
la
structure économique nationale a
changé ces trente dernières
années, en réponse aux modes
d'ouverture à la concurrence
internationale en impactant les contenus du
travail
"
La défaillance de
la formation actuelle pour certains
publics
"
si le
système actuel prenait en charge de
façon relativement efficace les personnes
les mieux formées, il semblait en
revanche défaillant pour celles sorties
du système éducatif sans
diplôme, sans connaissances de base
suffisantes ou ayant rencontré des
incidents de parcours
"
Le manque de
qualité et de lisibilité sur l'offre
de formation
"
nécessitait de s'interroger sur les
moyens d'améliorer l'efficacité et
l'efficience de l'offre de formation, qui
apparaît très dispersée,
multiple, segmentée
"
L'inégalité
d'accès à la formation et de
sécurisation des parcours
"
une
approche de la formation professionnelle par les
" statuts " du " formé " a mis en
évidence ses limites. Si certaines
personnes relèvent de cibles clairement
identifiées
d'autres personnes
peuvent ne pas bénéficier de
l'accompagnement ou de l'offre de formation qui
leur permettrait une entrée, un maintien
ou un retour dans l'emploi
"
A ces premiers éléments
contextuels autour de la formation professionnelle
vient s'ajouter, dans une situation de crise
financière mondiale, une Révision
Générale des Politiques Publiques
(RGPP) qui doit permettre, tout en réformant
l'Etat, la baisse des dépenses publiques.
Cette révision générale des
politiques publiques "
vise
également à documenter des pistes
d'évolution pour six grandes politiques
d'intervention, ne relevant pas uniquement de
l'État. Il s'agit, entre autres, de l'emploi
et de la formation professionnelle...
"
La recherche d'une meilleure
efficacité en formation et les restrictions
budgétaires actuellement en cours sont peut
être les indicateurs de l'arrivée, sur
le devant de la scène, de la
notion d'efficience dans
le champ de la formation
professionnelle.
Dans
un bref rappel
historique,
rappelons que dans les années 1950, la
question de la formation était vue davantage
sous l'angle du " recyclage " notamment dans cette
période de reconstruction d'après
guerre et de pénurie de main d'uvre.
La concurrence entre organismes de formation
était faible et on prétendait pouvoir
faire si on avait suffisamment de moyens. Ainsi,
les moyens contraignaient l'atteinte des objectifs.
A partir des années 1970, la contribution
des entreprises à l'effort de formation a
développé l'idée de formation
professionnelle continue et la concurrence entre
organismes s'est accentuée au fil du temps.
Les résultats obtenus définissaient
le degré d'efficacité d'une
formation. On cherchait à obtenir des
résultats conformes ou supérieurs aux
objectifs fixés. Dans un avenir très
proche, comme le témoignent les
différents éléments du
contexte cités ci-avant et dans un
environnement concurrentiel très fort, les
résultats d'une formation avec des moyens
réduits témoigneront de
son
efficience. On
parlera alors d'optimisation des résultats.
Cette tendance et les
évolutions qu'elle entraîne
nécessairement vont avoir un impact certain
sur les associations et organismes de
formation.
En effet, depuis plusieurs années,
l'intervention du Ministère chargé de
l'emploi et de la formation professionnelle repose
en partie sur le dispositif
APP (Atelier de
Pédagogie Personnalisée qui propose
des formations de type remise à niveau dans
différentes disciplines) et sur le
programme IRILL (Insertion, RéInsertion,
Lutte contre L'illettrisme) ; programme qui finance
le dispositif de formation de base en direction des
personnes en situation d'illettrisme. En
Champagne-Ardenne, ce dispositif est l'AFB (Atelier
de Formation de Base). Dans cette région,
les GRETA et plusieurs autres associations se sont
vu régulièrement confier la mise en
uvre de ces dispositifs sur les
différents territoires avec une reconduction
sous la forme de conventionnement annuel ou
tri-annuel.
Aujourd'hui,
il est question de la disparition de ces deux
dispositifs, l'AFB et l'APP, au profit d'un
dispositif de formations aux
compétences
clés
,
celui dont il est fait mention dans la
circulaire DGEFP. De plus, un marché
public sous la forme d'un appel d'offres se
profile à l'horizon (fin de
l'année 2009). C'est peu dire que de
mentionner les nombreuses inquiétudes
qui s'expriment chez l'ensemble des acteurs
concernés.
On peut citer, à cet égard,
les enjeux pour certaines associations. En effet,
la perte d'une action (l'AFB) représente une
perte de financement. C'est une source
d'insécurité étroitement
liée à la question des postes de
travail et donc au maintien des emplois. Se
positionner sur un marché concurrentiel et
répondre au prochain appel d'offres qui vise
la mise en place, sur les territoires de la
région d'un nouveau dispositif de formation
dont l'objectif s'oriente vers l'acquisition de
compétences
clés
représentent, par conséquent, un
enjeu stratégique.
De surcroît, c'est
une démarche qui ne va pas de soi car elle
provoque des interrogations.
Par exemple, de quoi s'agit-il quand on
parle de lutte contre l'illettrisme et de
développement des compétences
clés ? D'une nouvelle terminologie ou d'un
nouveau paradigme ? En effet, différentes
catégories de publics dits " en
difficulté " coexistent depuis plusieurs
années et ont amené les organismes de
formation à construire des
réponses formation en termes de cours de
" FLE " (Français Langue Etrangère),
de " FLS " (Français Langue Seconde) , d' "
alphabétisation " , de "
postalphabétisation ", de " lutte contre
l'illettrisme ", de " RAN " (Remise à
Niveau) et d'autres encore.
Malgré
cette catégorisation des actions, la
distinction entre les publics est
restée floue et les
groupes en formation
avaient
tendance à rassembler, en même
temps, des personnes aux profils et aux
besoins différents. Là
où les objectifs de formation et les
pédagogies mises en uvre
auraient mérité d'être
différenciés, c'est davantage
leur standardisation qui a pris le dessus.
Est-il possible finalement, de
s'éloigner progressivement de ce
cloisonnement d'actions ou de publics pour entrer
dans une démarche de développement
des compétences ? Existe-t-il
une
ingénierie
pédagogique
plus favorable qu'une autre au développement
de compétences clés pour les publics
en situation d'illettrisme ?
La question n'est pas anodine car dans le
milieu de la formation subsistent encore de
nombreux dispositifs et pratiques
pédagogiques qui mettent l'accent sur une
approche disciplinaire des contenus de formation.
Or,
penser la formation en termes de
compétences nécessite de
transversaliser les contenus de formation,
de créer du lien, et non de les
découper en éléments
de savoirs isolés.
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