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Revue Cités n°37 

L'idéologie de l'évaluation

La grande imposture

 

Editions P.U.F. 192 pages (2009) 15 €

Dernière de couverture

Malaise dans l'université :

"Le pouvoir politique, quelle que soit sa légitimité, n'a aucun droit sur le savoir, ni sur sa production, ni sur sa transmission, parce que le savoir relève d'un autre ordre que lui. S'il veut étendre son empire sur le savoir, il devient tyrannique.

Table des matières

DOSSIER : L'IDÉOLOGIE DE L'ÉVALUATION Yves Charles Zarka, Présentation

Barbara Cassin, La qualité est-elle une propriété émergente de la quantité ?

Sophie Basch, Le démon de l'explicite

Michel Blay, L'évaluation par indicateurs dans la vie scientifique : choix politique et fin de la connaissance

François Simonet, L'évaluation : objet de standardisation des pratiques sociales

Agnès Aflalo, Le scientisme de l'évaluation

Bertrand Guillaume, Indicateurs de performance dans le secteur public : entre illusion et perversité

Emmanuel Picavet, Les universités françaises, victimes de l'idéologie de l'enseignement supérieur

Roland Gori, Les scribes de nos nouvelles servitudes

Michela Marzano, « Publish or perish »

 

GRAND ARTICLE

Yves Charles Zarka, Un pouvoir supposé savoir

GLOSSAIRE

Michel Espagne, La nouvelle langue de l'évaluation

 

CHRONIQUE INTELLECTUELLE

Raphaël Draï La prédation de la pensée

 

RECENSIONS

Peter Sloterdjik

Colère et Temps, Essai politico-psychologique, Michel Herland Pierre Dockès, Hobbes. Économie, Terreur et Politique, Delphine Thivet

Un passage

<<Qu'est-ce que tyranniser le savoir ?

"Allons sans détour au coeur du problème par deux thèses : 1/il existe une idéologie de l'évaluation ; 2 / cette idéologie est une des grandes impostures de la dernière décennie.

(...) Elle concerne l'ensemble des pratiques et des activités qui s'inscrivent dans les institutions, les organismes, les établissements publics ou privés. L'idéologie de l'évaluation se répand comme une traînée de poudre. Elle se déploie partout, aussi loin qu'il est possible d'aller. Elle ne connaît pas de limite, ni d'âge (on évalue les enfants en maternelle), ni de secteur (l'enseignement, la recherche, la culture, l'art, etc. y sont soumis), pas même les dimensions les plus retirées de la personnalité, voire de l'intimité, des acteurs n'y échappent. Ainsi l'hôpital, la justice, l'école, les universités, les institutions de recherche, les productions culturelles, l'accréditation de formes d'art, les politiques publiques sont investies par l'idéologie de l'évaluation.

L'inversion idéologique consiste à faire passer pour une mesure objective, factuelle, chiffrée ce qui est un pur et simple exercice de pouvoir. L'évaluation est un mode par lequel un pouvoir (politique ou administratif, général ou local) exerce son empire sur les savoirs ou les savoirs faire qui préside aux différentes activités en prétendant fournir la norme du vrai.

(...) Notre temps est celui des grandes impostures. Celles-ci ont été à l'origine de guerres, de la crise financière et économique gravissime que le monde connaît aujourd'hui, mais aussi de la mise en place de dispositifs plus discrets mais, à leur niveau, très nocifs et même pervers. L'idéologie de l'évaluation a envahi la société presque sans que l'on s'en rende compte, presque sans réaction et sans résistance, sauf du côté des psychanalystes qui ont vu le danger avant les autres'. Une des grande impostures s'installe dans l'in-différence et le silence. Un système inquisitorial, qui double et surplombe toutes les procédures existantes d'examen, d'appréciation et de jugement, continue à se mettre en place en dénonçant ceux qui, par hasard, oseraient s'y opposer comme partisans du statu quo, de l'inefficacité et du déclin. Cet effet paradoxal se développe en particulier dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la recherche. Universitaires et chercheurs n'ont pas attendu le système de l'évaluation pour être examinés dans leurs travaux et dans leurs résultats. Ils l'ont toujours été régulièrement par des instances encore existantes (le Conseil national des universités, le comité national de la recherche scientifique, et plu-sieurs autres conseils ou comités). Le système de l'évaluation vient donc doubler ou infléchir ces instances. Certes, il y avait avant le système de l'évaluation des erreurs commises, il y avait même, il ne faut pas le cacher, des abus de pouvoirs et des règlements de compte. Il aurait donc fallu modifier la constitution de ces conseils ou commissions et certaines de leurs procédures pour empêcher ces distorsions. Au lieu de cela, on a mis en place un système qui non seulement n'empêche pas les abus de pouvoir, mais les généralise. Le système de l'évaluation ouvre la possibilité d'un abus de pouvoir permanent, d'un abus de pouvoir qui s'auto-accrédite et s'auto-justifie.

(...) L'idéologie de l'évaluation dans sa prétention à se généraliser à tous les domaines d'activité cache et révèle à la fois un désir de domination universel, un pouvoir qui entend étendre son contrôle sur tous les aspects de la vie sociale et de la vie de l'esprit.>>

Extrait de l'éditorial d'Yves Charles Zarka

1-Jacques-Alain Miller et Jean-Claude Milner, Voulez-vous être évalué ? (Grasset, 2005) cf. également plusieurs numéros de la revue Le Nouvel Âne et les Forums organisés ces dernière années par J.-A. Miller.

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