Je viens de
toutes mes enfances Jacques
Salomé Editions Albin Michel.
ISBN:
978-2-226-18772-7 (2009)
19 € Dernière de
couverture
<<Quand
on demandait à ma grand-mère
d'où elle venait, elle répondait,
après un infime temps d'hésitation :
"Je viens du pays de mon enfance."
Oserais-je dire aujourd'hui que mes enfances
viennent de plusieurs pays, qui se sont
aimés ou haïs, rapprochés ou
éloignés, associés ou
combattus aux rythmes de mes découvertes ?
Que mes enfances ont des sources visibles et
d'autres plus secrètes dont je
découvre sur le dernier versant de ma vie
l'importance, les influences si nécessaires,
la générosité si pleine, la
ferveur jamais épuisée ?
Mes enfances en
effet sont multiples, mélangées et
incomplètes, fugaces et éternelles
comme chacun de mes souvenirs. Elles me semblent
appartenir à des âges
différents, à des périodes
morcelées et cloisonnées de mon
existence, comme si déjà, enfant,
j'avais eu plusieurs vies à vivre en
même temps.>> Jacques
Salomé
Dans ce
récit jubilatoire, Jacques Salomé
raconte une part inédite de sa vie, celle de
son enfance pauvre dans les bas quartiers humides
et nauséabonds du bord de la Garonne
à Toulouse dans les années 30. Enfant
d'une fille-mère, femme de ménage, il
ne cache rien de la misère profonde dans
laquelle ils se débattaient, ni de l'intense
joie dans laquelle vivait leur petit monde
d'éclopés de l'existence. Jeux
d'enfants inventifs, car démunis de tout,
luttes des bandes rivales, premiers émois
amoureux, découverte salvatrice de la
lecture avec les Pardaillan, mensonges et
trahisons, souvenirs d'école et d'enfant de
choeur (le petit Jacques pillait sans vergogne le
tronc de son église sous le joli
prétexte que cet argent était
destiné aux pauvres, donc à lui...),
tristesses et malheurs d'une enfance incroyablement
vivace jusqu'au choc de la séparation due
à la maladie, une tuberculose osseuse qui
l'envoie à dix ans dans un sanatorium des
Pyrénées. Plâtré quatre
ans durant des chevilles au cou, cet épisode
douloureux et fécond (il y lit toute la
bibliothèque !) marque son entrée
dans l'adolescence et la fin de ce livre
chaleureux, écrit d'une plume picaresque,
vive et jubilatoire. Jacques Salomé
est psychosociologue, diplômé de
l'École des hautes études en sciences
sociales et formateur en relations humaines depuis
25 ans. Il a communiqué son savoir et sa
passion à plus de 40 000 travailleurs
sociaux, médecins, psychologues et
consultants. Jacques Salomé est un
véritable phénomène
d'édition, traduit dans une trentaine de
langues. Il est l'auteur de nombreux best-sellers
(Contes à aimer, contes à s'aimer ;
Contes à guérir, contes à
grandir ; Oser travailler heureux ; Car nous venons
tous du pays de notre enfance...). C'est aussi un
poète qui, dans une langue riche et dense,
nous parle de tendresse et d'amour au-delà
des malentendus et des souffrances. Table des
matières Les temps de
l'enfance Les saisons de
l'enfance Les lieux de mes
enfances Je ne savais pas
sourire Le temps des
séparations La nuit et le jour
L'enfance des
trahisons L'inventeur de
mensonges Les odeurs de
l'enfance Voyages d'enfance
La grande toilette
La vie des saints
La première
fugue La faim Quand je prenais
sur moi la tristesse de ma mère Je tenais la main
de mon géniteur Je faisais des
rêves éveillés La mémoire
de nos oublis Un souvenir enfui
(enfoui!) La tentation de la mort . . .
. Le malheur d'aimer
faire souffrir La glacière
Bébert
Marcel Les souffrances de
l'âme Ne pas décevoir l'amour
. Les enfants sages
Le malheur
La
fidélité à la
pauvreté Le cahier des
compositions . Les couleurs de
l'enfance La
découverte de la lecture L'enfant de choeur
Le
péché de chaire À la
campagne Allons voir les
blés L'arrivée de
la cousine Le
kaléidoscope Vies multiples
La maison des fous
Trous noirs et
labyrinthes Les gardiens du
trésor Le souterrain de la
garderie . Marcher les yeux
fermés Les noyades
Le rêve
inaccessible Les temps des
amours Le sexe Les mystères
de l'enfance Les
mystérieuses souffrances d'une enfance qui
se cherche Le goût du
désir La maladie
L'inguérissable
blessure de l'enfance Résonances Sortir de l'enfance
La fin provisoire
des enfances Un passage <<Le
cahier des compositions A partir du CM 1,
à la fin de chaque mois, il y avait des
« compositions » à faire dans les
matières principales : calcul,
français, récitation, leçons
de choses. C'était le baromètre de
nos réussites et, dans mon cas, de mes
échecs. La composition servait à
vérifier les acquisitions, mais surtout
l'adéquation entre le savoir du maître
et celui de l'élève. Elle laissait
peu de place à l'irruption de la fantaisie,
de l'imaginaire ou de la créativité,
elle était la trace du savoir officiel
déposé en nous. Et puis il y avait
le cahier de compositions, sur lequel
étaient inscrits les résultats
obtenus, ainsi que les commentaires appelés
«appréciations» du maître
sur nos attitudes au travail, nos comportements
observés dans telle ou telle matière
: insuffisance, satisfaction, espérance ou
désespérance de l'enseignant à
notre égard. J'en ai
désespéré beaucoup. IL fallait non
seulement que ce cahier soit signé mais nous
devions faire face aux commentaires des parents,
quand ils lisaient les annotations de
l'instituteur, et en plus affronter leurs
réactions ! « Pourrait
mieux faire s'il n'était pas aussi
insupportable. » « Mauvais
caractère, dissipe ses camarades au lieu de
travailler pour lui-même. » «
Élève certainement intelligent
[il n'y avait pas de tests à
l'époque, du moins pas dans notre
école], mais qui passe son temps
à ne pas écouter et à
provoquer des conflits dans la classe.
» «Enfant
violent chaque fois qu'il est contrarié. Et
il l'est souvent!» Il m'arrivait
parfois de barbouiller un peu l'écriture des
annotations, en faisant tomber, sans inadvertance,
un peu de salive dessus, pour tenter de les rendre
illisibles. Invoquant les aléas du parcours
sur les chemins de l'école : « Ce n'est
pas ma faute, j'ai été
bousculé, le cartable est tombé dans
le caniveau ! » Mon
beau-père, comme je ne portais pas son nom,
refusant de signer le cahier, c'était ma
mère qui, après le repas du soir,
allait chercher l'encrier, me demandait mon
porte-plume et écrivait lentement,
détachant chaque lettre de son nom
: avec de belles
majuscules tarabiscotées devant chaque mot.
Moi, j'aurais voulu que le cahier de compositions
disparaisse, soit supprimé. Qu'il n'y ait
plus de cloisonnement entre l'école et la
famille. Que chacun de ces univers, qui
obéissaient à des règles
différentes, se gère lui-même
sans interférence aucune avec l'autre.
J'aurais voulu que ma vie familiale,
déjà passablement compliquée,
ne soit pas polluée par les échos de
ce qui se passait ou ne se passait pas à
l'école. Je pensais que ce
n'était pas aux instituteurs de se faire
aider par des parents ; ceux-ci étaient
eux-mêmes en difficulté
vis-à-vis d'un savoir qui commençait
à se renouveler trop vite, et avaient eux
aussi (assez souvent, j'imagine) des contentieux
avec l'école ! Je voyais les grandes
personnes être toutes de mèche pour se
liguer contre les enfants, pour les
contrôler, pour les garder sous
influence. Heureusement que
nous avions des ressources. Ressources
puisées dans cette vie secrète qui
anime tout enfant, sans laquelle il ne survivrait
pas, sans laquelle il ne deviendrait pas un
être humain héros à la fois
d'une liberté qui le dépasse et
prisonnier d'une condition qui le
limite. « Quand un
enfant est ailleurs...c'est en
général parce qu'il ne se trouve pas
bien là où il est. » PATRICK
CAUVIN >> p. 167 Commentaire Un livre
indispensable pour connaître la vie
imaginaire des jeunes enfants