|
Traversant
le temps et l'espace, elle imprègne
les cultures et les civilisations et
s'inscrit dans les récits religieux
ou les mythes les plus anciens.
Omniprésente, épousant
l'évolution des
sociétés et se
déclinant sous des formes
variées, elle développe sa
formidable énergie : violence de la
nature et violence sociale, violence
économique et violence religieuse,
violence privée et violence
publique, violence physique et violence
psychologique, violence du chaos ou
violence de l'ordre établi,
violence des actes ou violence des mots,
violence du numérique et violence
de l'illettrisme, violence des
incivilités et violence du
terrorisme, violence de la transparence et
même violence de l'espérance
(Apollinaire), sans compter cet
énigmatique oxymore que constitue
la " douce violence ".
|
Dans le parcours
d'une vie de la naissance à la mort, la
violence se faufile au quotidien, contenue souvent,
nous dépassant parfois en faisant irruption
dans l'inattendu de nos comportements.
Arrêtons-le
déroulé de cette psalmodie
décourageante à laquelle l'Ecole
n'échappe pas, et qu'elle souhaite remplacer
par des " bonnes
pratiques ", celles
des élèves et des personnels.
Psalmodie à laquelle pourtant, nous
survivons et qui ne date pas d'aujourd'hui :
"A
tous ceux qui crevèrent
d'ennui
au collège ou qu'on fit pleurer
dans la famille, qui, pendant leur
enfance, furent tyrannisés par
leurs maîtres ou rossés par
leurs parents "....in L'Ee Jules
Valles, 1881.
|
nfant d
Qu'est ce qui
est violent ?
La
première éducation commence par le
derrière (ma grand -
mère)
C'était le
bon temps. Celui où l'on pouvait fesser le
garnement récalcitrant sans risquer la garde
à vue, talocher le voleur de cerises sans se
trouver traduit en comparution immédiate Qui
aurait alors parlé de violences sur enfants
? Si la maltraitance était évidente
chez Victor Hugo, avec Cosette ou Gavroche, chez la
comtesse de Ségur ou dans le bagne d'enfants
de Belle-Ile-e- Mer (voir Prévert) ou dans
les portraits des marâtres chez Grimm ou
Perrault attestant de violences existantes qui
avaient la couleur de la méchanceté
ou du sadisme, mais jamais dénoncées
sous le vocable.
"Trois
jours de silence au réfectoire et
des coups de férule à tout
propos." James Joyce Dedalus,
1914.
|
Quel sens
donnons-nous aux violences aujourd'hui
?
Par un effet de
civilisation en marche, et la montée en
puissance du droit : droit des peuples,
droits
des enfants, droits
des femmes, droits des usagers etc., elles sont
plus visibles désormais, plus souvent
dénoncées grâce aux
associations et à l'arsenal juridique
déployé contre les violences
conjugales ou celles envers les enfants, celles
à l'égard des cultures ou envers des
religions différentes, sans compter les
violences
du harcèlement à
l'école ou
au
travail. Et les
critères qui définissent ce qui est
violent ont eux aussi évolué :
oppressions ou incivilités, chantages ou
harcèlements, injures raciales ou
maltraitances
de personnes âgées
sont apparus dans le
champ nouveau des interdits éthiques et
juridiques.
Les
guerres interminables ou nouvelles
constituent dans l'actualité un
consternant leitmotiv qui émousse
notre capacité d'indignation et
pourtant, jamais les violences qu'elles
génèrent, n'ont
été autant
médiatisées en temps
réel.
Par
ailleurs, on ne compte plus les
séries violentes ou les
séquences de
téléréalités
sur les chaines de
télévision, sans oublier les
ressources du numérique qui
suscitent l'addiction des jeunes à
la brutalité de certains jeux.
|
|
La violence
EST.
Comme autant
d'antidotes émergents des associations, des
ONG, des courants contre la violence qui regroupent
des mouvements humanistes, religieux,
écologiques, alternatifs, avec même
des salons internationaux comme ceux des " Acteurs
de paix pour une culture
de non-violence ".
La
Décennie
pour la Paix est
exemplaire d'une synergie de convictions plurielles
et déborde de messages optimistes concernant
tel ou tel programme contre la violence à
l'Ecole : médiations, campagne contre le
harcèlement, formation des
élèves ou des équipes
pédagogiques
Publications,
livres et symposiums, fleurissent entre convictions
et adhésion à " l'air du temps ",
entre efficacité et effets cathartiques,
entre incantations et recettes imparables.
Et pourtant
?
La
violence à l'école et le syndrome de
Tocqueville.
" Un
jour, je me sentis débordé.
Mon étude était en pleine
révolte et je n'avais plus de
munitions pour faire face à
l'émeute [...] Et les
encriers pleuvaient et les papiers
mâchés s'épataient sur
mon pupitre et tous ces petits monstres-
sous prétexte de
réclamations - se pendaient
à ma chaire avec des hurlements de
macaques. " In Le Petit Chose
d'Alphonse Daudet. 1868.
|
|
Dans une
de ses acceptions, le paradoxe dit de
Tocqueville rend compte de cette
capacité de la violence à
occuper l'espace de nos représentations
au fur et à mesure de son
éradication :
"
Il se passe
peut-être un
phénomène similaire
à propos de la violence :
plus nous vivons dans des
sociétés tranquilles
et sécurisées, moins
nous supportons - et plus nous
amplifions - les endroits où
elle demeure encore ou ses
manifestations
résurgentes. Et
c'est bien autour de ces trois
grandes questions - violence et
civilisation, violence et
souffrance, violences
résiduelles ou nouvelles
violences - que la majorité
des analyses et des débats
s'articulent aujourd'hui. "
(www.lecavalierbleu.com/images/30/extrait_106.pdf?)
in La violence, de Véronique
Le Goaziou, collection Idées
reçues Ed. Le Cavalier Bleu,
2004.
|
Mais qui
est violent ? L'enfant,
l'élève, le directeur, le
recteur, le ministre, le voisin, le
conjoint, le braqueur, le raciste
L'autre de
préférence.
Violence
à l'Ecole, violence de l'Ecole : à
chacun sa stratégie
" Je
m'adosserais à ce tableau comme une
armée en déroute s'adosse
à la mer. Vaincre ou mourir. Quand
je me retournerais, j'offrirais aux foules
un derrière blanc. C'est peut -
être sur ce tableau que mes
élèves écriraient des
pamphlets. " Paul Guth, Le Naïf
aux 40 enfants, 1955.
|
La
terminologie est combative dans cet
extrait mais aussi dans le vocabulaire
contemporain pour agir face à la
violence : fustiger, réprimer,
lutter contre, éradiquer
même, la violence et
peut-être même les
violents !
"
Prévenir et lutter contre la
violence à l'École est une
des conditions de réussite des
élèves, qui ont besoin de
travailler dans un climat serein pour
réussir " affirme le
Ministère après la tenue des
États généraux de la
sécurité à
l'École, réunis en Sorbonne
en avril 2010, qui ont permis
l'émergence de pistes d'actions
pour faire reculer la violence en milieu
scolaire
|
|
Mesurer
le climat et la violence dans les
établissements scolaires
Renforcer la
présence des adultes dans les
établissements
Former
les enseignants et les personnels de
l'Éducation
nationale
Renforcer le plan de
sécurisation des
établissements scolaires
Redonner
du sens aux sanctions
scolaires
Accueillir les
élèves les plus
perturbateurs
Lutter
contre le harcèlement à
l'École
Prévenir les
jeux dangereux
Le programme est
dense, ce qui est louable, mais nous le voyons dans
cette énumération, centré sur
la violence elle-même, ce qui me semble une
perspective trop restreinte.
Voix discordante,
dans un entretien au journal La Vie, la sociologue
Cécile Carra reste sceptique sur le tout
sécuritaire qui referme
l'établissement sur lui-même, et
risque de provoquer des réactions
contre-productives. Elle insiste sur l'importance
de favoriser les apprentissages en leur donnant du
sens et ceci dès l'école
élémentaire, préconisant aussi
une pédagogie
moins violente (voir
aussi Cécile Carra : Violences à
l'école élémentaire.
L'expérience des élèves er des
enseignants, PUF, coll. " Education et
société ", 2009.)
Et si nous
écoutions notre propre violence
?
" Lorsqu'on
remonte à l'origine de la violence, c'est sa
propre violence qu'on finit par rencontrer
[...] Une violence sans bornes ni limites,
une violence qui chemine sourdement à
travers les époques, levant par instants sa
tête sifflante et serpentine.
"
C'est ainsi que
s'exprime dans le roman de Fabrice Humbert "
L'origine de la violence ", le héros, un
jeune professeur, qui a l'occasion d'un voyage
à Buchenwald
rencontre à
travers un secret de famille, le mal radical
(terminologie de Kant) qui creuse son espace en
chacun de nous et dans chaque institution. Hannah
Arendt avait, quant à elle,
dénoncé à la fois le mal
radical (enraciné) et la banalité du
mal qui se développe comme un champignon, en
surface.
La violence
relève de ce double mouvement d'enracinement
fondamental et de diffusion contagieuse, entre
essence et expressions culturelles, et s'inscrit en
chacun de nous selon ces deux modalités.
Violence essentielle, violence diffusée,
mimétique ( René Girard), qui font
irruption à la fois dans le processus de
civilisation par des phénomènes
collectifs et en
chacun de nous, à bas bruit ou sous forme de
passages
à l'acte
ponctuels et spectaculaires. Dans ces deux champs
se livre un combat jamais totalement gagné
pour la contenir ou la transformer, et qu'il
convient d'aborder tant par l'individu que par son
environnement familial, social, institutionnel :
Alors fatalité ou prise en compte d'une
réalité ?
" La violence
est une modalité de la vie. Cela signifie
que la vie se donne, s'exerce et se retire dans la
violence. Une naissance, même sans douleur,
est violente. Ce serait appauvrissant - comme nous
le faisons aujourd'hui dans nos
sociétés - de fustiger la violence
pour l'écarter de la vie (comme
écarter le mal pour faire en sorte qu'il n'y
ait que le bien, écarter le salé pour
ne garder que le sucré
) Le
résultat est forcément
étouffant donc, à terme, violent.
L'essentiel de la violence quotidienne vient du
refus d'envisager la violence qui était
déjà là et qui, c'est ma
thèse, signalait une rencontre
nécessaire avec l'autre, un affrontement
indispensable, mais qui s'est
révélé impossible. "
(Daniel Sibony : Violences. Traversées.
Seuil, 1999.)
Alors
fatalité ou prise en compte d'une
réalité ? L'association
Interaction
TP-TS (initiée
par J.Robin, P. Viveret, P. Merlant et L.Baranski)
a uvré pendant 10 ans à
promouvoir dans la société et dans
l'Ecole, l'idée qu'aucune transformation
sociale ne pouvait se conforter dans le temps, sans
une transformation personnelle des individus. Se
former à " une écoute
imaginative " pour entendre chez l'autre les traces
de ses propres blessures dont la
réactivation va déclencher une
réaction souvent disproportionnée
avec l'élément déclencheur,
c'est passer par une phase préalable
d'écoute lucide de nos blessures
sollicitées par le comportement des autres
et qui génèrent nos propres
violences.
C'est en se sens
que va également le sociologue et
thérapeute Charles Rozman qui repère
4 grandes blessures d'enfance (abandon,
humiliation, maltraitance culpabilité),
là où le psychosociologue
Jacques
Salomé
énumère 6 blessures archaïques
(abandon, trahison, rejet, injustice, intrusion,
impuissance).
Nous pourrions en
effet dans notre
expérience de
formatrice et
d'enseignante évoquer des exemples et
situations illustrant chacune de ces blessures qui
se rouvrent au présent. Deux exemples
viennent les éclairer.
"J. Grand
formateur, expert en relations
humaine, anime un groupe d'adultes.
Une stagiaire, M. par jeu,
détourne le processus d'un
exercice-jeu pédagogique,
mettant l'animateur en échec
(provisoire) et déclenchant
chez lui une colère
disproportionnée, du moins
c'est l'avis de M. et des membres du
groupe. J. finit par partager avec
le groupe sa
vulnérabilité à
propos des comportements pervers
(psychiques) qu'il a subit enfant,
et ceux pratiqués par
l'institutrice de sa fille à
laquelle il n'a pas
hésité à dire "
si vous continuez ainsi avec ma
fille, je vous tue ".
Expérience féconde
pour M., jamais oubliée, de
cette mise en mots.
"Jeu de
rôle en formation " Faire face
à la violence " : L. est une
enseignante qui se consacre à
son métier avec passion,
tentant de donner à ses
élèves ce que ses
origines sociales lui ont
péniblement accordé.
Ne comptant pas son temps, soucieuse
de pédagogie
différenciée elle
apporte son soutien à chaque
élève en
difficulté et notamment
à N. Ce dernier, qui a
été d'échec en
échec est en rejet du
système scolaire et
malgré la demande
réitérée de
l'enseignante de fournir un travail
précis, rend un document
qu'il sait médiocre en
adressant des propos agressifs
à l'enseignante, en
lançant sa copie et en
évoquant " des enseignants
qui se la coulent douce, eux ".
L. vit de façon très
injuste cette brutalité des
mots et des gestes, et sent sa
réaction se former sur un
mode réactif très
violent.
|
Dans le
jeu
de rôle,
la perception de l'écho de cette
injustice, l'invite à sortir de la
spirale de la violence (exclusion de
l'élève envisagée) en
permettant à l'élève de
dire ses ressentis et en évitant " la
tentative destructrice de panser nos
blessures et de retrouver du pouvoir "
sur l'autre, comme le rappelle Charles Rozman
évoquant aussi Jung qui estimait que
" le médecin qui se savait malade,
réveillait le médecin
intérieur du patient ".
Et d'ajouter dans
un entretien à Psychologie.com. (Travailler
sur sa violence avec la thérapie sociale) :
" On aimerait pouvoir se prémunir de la
peur en rejetant l'autre, le différent,
l'imparfait, à l'extérieur du
système. Mon espoir est que la
thérapie sociale nous rende,
individuellement et collectivement, capables
d'assumer nos imperfections pour parvenir à
vivre ensemble ".
Penser global,
agir local : l'Etablissement, creuset idéal
pour une démarche complexe.
On se souvient de
cette préconisation de René Dubos au
premier sommet de la terre en 1972. Ce slogan a
servi depuis aux réflexions et pratiques du
développement durable mais a essaimé
tant dans le milieu entrepreneurial que dans les
associations humanitaires ou les institutions
publiques.
Les initiatives
ministérielles globales qui sollicitent les
acteurs multiples qui uvrent dans l'Education
nationale ou gravitent dans sa
périphérie sont porteuses de
volonté et de soutien. Certains trouveront
qu'elles sont inopérantes, d'autres qu'elles
ne sont pas adaptées ou qu'elles ne sont pas
accompagnées des fameux "
moyens-supplémentaires " dont le
sociologue Raymond Boudon disait qu'ils
étaient inutiles car utilisés aux
mauvais endroits.
Elles ont le
mérite cependant de définir des axes
de réflexion et de pratique qui peuvent
irriguer les innovations du local (voir
le
Haut et le Bas)
Sans
prétendre à une quelconque
exhaustivité, je perçois trois
stratégies dans les démarches qui
visent le champ social, mais ici plus
spécifiquement l'Education Nationale, dont
le grand intérêt serait qu'elles
s'articulent dans une perspective
systémique qui
réponde à la complexité du
sujet.
-
La première
consiste à ce centrer sur la violence en
travaillant à réduire les facteurs
endémiques (économiques, sociaux,
urbains, organisationnels) , relevant le plus
souvent du politique, en travaillant sur l'amont
social des phénomènes, mais aussi en
anticipant par des pratiques
pédagogiques moins
violentes (notations,
évaluations, coopérations etc.) , et
en repérant les facteurs déclencheurs
des passages
à l'acte.
En mettant en
place des approches de résolutions des
conflits pour la prévenir, en favorisant
la
médiation par les
pairs, ou par
l'éducation
à la
citoyenneté se
développent en abondance des
stratégies qui visent à la contenir
ou à la réguler. Voir notamment
le
site Ecole, Changer de cap
qui mutualise ces approches autour de l'acquisition
de compétence psycho-sociales)
- La seconde resitue
plutôt la violence dans l' ensemble de la
relation et de la pathologie du lien.
" Une approche globale de
la personne dans ses différentes dimensions
intellectuelles, émotionnelles et
corporelles " C'est dans un document de
travail, une des préconisations de la
délégation ministérielle
chargée de la prévention et de la
lutte contre les violences en milieu
scolaire.
Daniel Sibony en
est convaincu par sa pratique de clinicien
:
" L'essentiel de la
violence quotidienne vient du refus d'envisager la
violence qui était déjà
là et qui, c'est ma thèse, signalait
une rencontre nécessaire avec l'autre, un
affrontement indispensable, mais qui s'est
révélé impossible. La peur de
cet affrontement, donc la peur de cette violence,
produit une violence encore plus grande
[
] essayer de comprendre et
d'interpréter la violence subie pour la
transformer en action, pour la dépasser
".
C'est vrai pour
les élèves, mais cela l'est tout
autant pour les adultes concernés qui
gravitent autour d'eux : enseignants, mais aussi
les personnels éducatifs, de santé et
du social, sans oublier les équipes de
direction.
Car il serait peu
cohérent de centrer les actions sur les
enfants sans opérer un travail sur soi pour
les adultes qui constituent des
références, des modèles (ou
contre-modèles) et qui sont garant d'un
cadre légal et du respect de valeurs
partagées
Cela ne peut se
faire sans un
travail sur soi qui
permet au parent, à l'enseignant, à
l'éducateur d'écouter en lui le
bruissement, parfois le bouillonnement de sa propre
violence, de ce qui la déclenche chez
l'autre, et aussi de comprendre par analogie ce qui
peut provoquer des frustrations, des peurs chez
l'autre, collègue ou élève
avec son cortèges de réactions
agressives, brutales dans les gestes et les
mots.
Des formations de
sensibilisation puis d'approfondissement à
la relation, à l'écoute, à la
communication relationnelle sont incontournables
pour resituer la question de la violence
(évidente ou relative) dans un processus
relationnel. Si la violence
est un langage
à décoder, ce décryptage ne
peut s'obtenir que dans le cadre de formations
progressives.
Il faut pour cela
des
formations suffisamment
longues, en formation
initiale et continue pour les personnels de
l'Education Nationale. Formations inter
catégorielles dans l'établissement ou
inter-établissements.
Des groupes
d'analyse
de la pratique (voir)
offrent aussi des espaces
de paroles dont les
bénéfices sont reconnus,
validés partout où ils sont
implantés avec des personnes formées
à la méthode où peuvent se
consolider les acquis de ces formations, où
peuvent se dire les fragilités, les
échecs.
Les
stages FNTE (Formation aux nouvelles techniques
d'enseignement), mis
en place en Champagne-Ardenne par le Pr Jacques
Nimier et son équipe, ont pendant plus de 15
ans, accueilli des centaines d'enseignants, des
personnels de direction, éducatifs ou de
santé, et des psychologues scolaires.
L'originalité et le succès de ces
stages et de leurs résultats tient notamment
dans la mise en perspective de parcours de
formation sur une longue durée, avec
des
modules de base et des modules
complémentaires "
à la carte ". L'un d'entre eux " faire face
à la violence " répond bien à
la préoccupation du moment, mais prenait
alors toute sa vigueur et son efficacité en
s'inscrivant dans un ensemble de travail sur la
relation après 15 jours de stages sur la
relation à soi-même, à l'autre,
sur l'écoute et la gestion de groupes et
ceci sur deux ou trois ans.
Nous avons
transféré ce concept de formation
dans la durée au Luxembourg, durant plus de
dix ans, dans des établissements et dans des
formations de formateurs inter-
catégorielles et inter-établissements
et toujours en prenant en compte la
globalité de la
personne dans son
contexte.( Voir " Une utopie à
réalisation vérifiable au Luxembourg
", par MF Bonicel, in "Revue de psychologie de la
motivation" n°31, (Juin 2001)
L'Institut
ESPERE®
créé par Jacques
Salomé vise
avec d'autres styles et des publics variés,
à des parcours de formation qui abordent la
personne dans sa globalité, y compris dans
les établissements scolaires, et avec des
propositions dans la durée.
- La troisième vise
à développer une culture de paix
" C'est en
faisant croître la lumière que l'on
triomphe de l'obscurité et non en lui
livrant combat ". Charif Bouzouk, philosophe
kabyle.
Que pourrait
être en fait le contraire de la violence
à l'école ?
Posant cette
question à deux intellectuels pétris
d'humanisme, l'un m'a répondu par un mot au
charme désuet qui avait disparu du champ
lexical et ne figurait que dans les beaux
écrits littéraires :
l'aménité (la langue courante
conservait l'adjectif amène), attitude de
profonde bienveillance à l'égard de
l'autre. On l'appliquait aussi à la douceur
d'un paysage ou d' moment précieux.
Curieusement ce
mot est réapparu pour une seconde vie dans
le champ écologique et dans les programmes
de développement durable : les
aménités environnementales ont le
vent en poupe et traduisent le souci d'apporter aux
habitants des conditions de vie " bienveillantes
".
Si la violence a
ses périmètres et ses circonstances,
ses déclinaisons et ses
métamorphoses, j'ai tendance en effet
à penser que son contraire n'est pas d'abord
la non-violence (un état), mais une culture
de paix, (un processus jamais achevé).
Imaginer la Paix selon Paul Ricur, n'est pas
de l'ordre du rêve, mais d'une
création continue.
Pour vivre au
mieux dans les établissements scolaires, il
semble évident que ces trois voies
d'entrée doivent se conjuguer. Bien entendu,
on ne peut demander à tous les acteurs
d'avoir des compétences dans les
différents champs, mais il importe qu'ils
interviennent en ayant tous en toile de fond, ce
paysage pluriel. Si la violence crée le
chaos et l'ordre crée la violence, comme
l'affirme Daniel Sibony, il importe de sortir de ce
paradoxe en faisant en sorte que l'Ecole soit un
lieu de transformation de cette énergie
dévoyée.
" La vie, plutôt
que l'harmonie, la liberté plutôt que
la perfection ". Louis
Schorderet.
|