Passage à
l'acte?
Nous
avons été, tous, très
concernés par ce qui est
arrivé à certains de nos
collègues agressés
physiquement. Qu'aurions-nous fait
à leur place et dans quelle mesure
cela peut-il aussi nous
arriver?
Nous savons bien que ces
agressions physiques sont peu nombreuses,
en tout cas, beaucoup moins nombreuses que
les agressions
verbales,
mais elles sont, par nature,
différentes: elles
résultent, le plus souvent, d'un
"passage à l'acte". Pouvait-on
l'éviter? Pourquoi ce jeune,
à ce moment là? Que
faire? Qu'est-ce qu'un passage
à l'acte?
Nous avons tous en nous des désirs de
violence sous une forme imaginaire plus ou moins
consciente. Qui ne s'est inventé des tas de
scénarios après avoir
été victime d'une injustice criante?
Certains d'entre eux pouvaient aller jusqu'au
meurtre! Heureusement, nous savons nous
protéger - par la
projection ("c'est eux qui sont agressifs
à mon égard") - par le
déplacement (sur son chat ou... sur les
mathématiques) - par la
sublimation, c'est-à-dire en rendant
acceptables socialement ces désirs
("j'attaque ce problème..." "je lutte
pour...") (voir: Jean
Pierre ) - soit enfin, de
façon plus gênante, en la
retournant contre soi ( "je suis coupable...je
me casse une jambe...") Mais, dans tous
les cas, nous "gérons" cet
imaginaire
agressif et nous ne le confondons pas avec la
réalité.
Quand un jeune extermine ses
adversaires par écran
interposé, il sait qu'il joue et
qu'on ne se coltine pas la
réalité à l'aide
d'une souris!. Et même si certains
ont plus de mal que d'autres à voir
la différence, il reste toujours
une barre, un sas, entre jeu et
réalité. Or c'est la limite
entre imaginaire et réalité
qui casse lors d'un "passage à
l'acte": l'imaginaire envahit le champ
du psychisme et se confond avec la
réalité.
Il y a action impulsive
(défenestration par une angoisse
incontrôlée et
incontrôlable par exemple: le
suicide est une forme de passage à
l'acte ). C'est du coté de
l'irréversible parce que toute
symbolisation est devenue impossible. Cela
peut se traduire par une agression
physique sur un autre ou sur
soi. <<Le
passage à l'acte
résulterait d'un
débordement du monde du
fantasme sur la
réalité, parce
qu'un élément de
celle-ci serait venu rencontrer
le scénario fantasmatique
ouvrant ainsi une brèche
vers l'acte qu'il
extériorise>>
Aulagné in Dict
Psychanalyse p.13 Peut-on
prévoir un "passage à
l'acte"?
Très difficilement. Quelques
signes cependant peuvent mettre en
alerte.
Le "passage à l'acte"
étant une impossibilité de
symbolisation, il n'est pas le fait, en
général,
d'élèves qui s'expriment
verbalement et qui le font à la
limite même du supportable, mais le
plus souvent, le fait
d'élèves silencieux,
solitaires, rigides corporellement,
renfermés ayant peu ou pas
d'expression
émotionnelle.
Si quelqu'un pleure, s'agite,
gesticule, crie, il s'exprime: on peut
être rassuré! Alors qu'on est
souvent surpris de constater que celui qui
passe à l'acte n'est pas, en
général, le plus
gênant de la classe! C'est
plutôt un élève
fragile et intolérant à la
frustration. Mais il faut bien avoir
conscience qu'il n'y a pas de
règles générales
absolues dans ce domaine! Que peut-on faire quand on
redoute un passage à l'acte?
Essayer de nouer un dialogue, calmement,
avec l'élève: cela l'aidera à
mettre de l'ordre dans ses sentiments, à
distinguer ce qui est réel de ce qui est
imaginaire. Lui rappeler la réalité
et le
cadre.
Lui proposer de s'identifier à
certains de ses camarades ou de se
différencier d'autres, l'encourager pour les
travaux qu'il effectue ou pour ses projets lui
donnant ainsi des perspectives de
réparation. Vérifier qu'il saisit la
perche tendue. S'il la rejette: attention! Danger
grave !
Aller chercher de l'aide auprès d'un
collègue ou de l'administration. Le fait de
se trouver face à un groupe d'enseignants et
non devant une personne isolée est
sécurisant pour celui qui se sent prêt
à déraper. Car il ne faut jamais
oublier que celui qui risque de passer à
l'acte est très angoissé;
il est donc nécessaire de le rassurer, non
par de simples "bonnes paroles" mais par des
actes. Que peut-on faire devant
un passage à l'acte?
Le plus important est de se protéger
ou de protéger celui qui est en danger. La
fuite, l'appel au secours sont de circonstances
mais, bien sûr, dépendent de la
situation. La dimension du
groupe classe.
Le passage à l'acte d'un
élève peut parfois
résulter de la dynamique de la
classe. L'élève est alors
soumis à la force de l'imaginaire
groupal qui peut, pour des raisons qui
tiennent sans doute à son histoire,
l'amener, en passant à l'acte,
à exprimer ce qui se joue
actuellement dans la classe. Le "bouc
émissaire" est ainsi souvent
l'expression de quelque chose de
rejeté par la classe. C'est
là qu'on peut voir l'utilité
de l'écoute
de l'imaginaire groupal
Enfin se rappeler qu'il ne faut
jamais rester seul(e) devant une telle
difficulté. On peut voir
également dans ce site: Jacques
Demorgon Jean-Marie
Petitclerc Jacques
Salomé Sur
Internet: Le passage
à l'acte psychiatriinfirmiere.free.fr/ Le suicide
psydoc-fr.broca.inserm.fr Commentaire
<<Dernièrement,
en qualité de formateurs IUFM filière
CPE, on a été sollicités avec
mon collègue pour intervenir auprès
d'enseignants dont l'un d'entre eux, un professeur
de SVT, non débutant venait de recevoir une
giffle de la part d'une élève qu'il
tentait de rattraper dans le couloir, après
qu'elle se fût introduite sans autorisation
dans sa salle de cours alors qu'il travaillait avec
une autre classe. Ce n'était pas la
première fois, elle est coutumière du
fait. Elle évoque un prétexte et
rentre en classe pour en gêner le
déroulement. Cette fois, le professeur n'a
pas accepté l'irruption et ne l'a pas
laissée rentrer. Elle est alors partie dans
le couloir en l'insultant et devant témoin
l'a gifflé alors qu'il la rattrapait !
Emotion vive et exercice du droit de retrait par
les enseignants. Ils disent se sentir
menacés et sentir monter la tension
exercée par des élèves qui
''prennent le pouvoir''. Ils réagissent en
demandant des outils et lorsque l'on tente de
réfléchir avec eux sur la
nécessité de rendre la règle
lisible, puisque selon l'un dentre eux, ce n'est
pas vraiment le cas, ils disent ne pas avoir ce
temps !Pourtant, revoir un règlement
intérieur obsolète qui ne traduit pas
les droits et devoirs de chacun nous a paru de
première nécessité. Nous avons
accusé réception de leur
émotion et leur avons manifesté notre
solidarité. ensuite, nous avons
essayé de faire entendre qu'une
cohésion dans l'équipe et une
cohérence dans les attitudes étaient
la première des choses avant même de
penser que la recette viendrait de
l'extérieur. Nous avons passé deux
heures avec eux. Ils ont été
très attentifs et peu dans
l'agresssivité à deux ou trois jeunes
collègues près. Mais que proposer de
plus à une principale bien
intentionnée qui accepte le débat et
qui sent bien qu'une mobilisation
générale mais juste et sereine pour
rassurer les élèves qui eux ne le
sont pas, de notre point de vue en percevant ces
adultes inquiets ?>> << j'ai
déjà assisté à
plusieurs passages à l'acte, dont un sur moi
: à chaque fois c'étaient des
élèves qui posaient problème,
jamais des élèves introvertis, ce qui
est contradictoire avec l'article
ci-desus...>> <<Aujourd'hui,
alors que j'allais rentrer en salle de cours, je
vois 2 élèves se battre. Mais quand
je dis "se battre", ils étaient tous les
deux en sang et à l'infirmerie après
coup. Je suis en lycée, donc 2
garçons plutôt grands (1m90) et pas
les plus légers. l'un avait mordu l'autre au
cou et disait qu'il allait lui pisser dessus. Alors
qu'ils étaient par terre l'un sur l'autre,
je leur ai demandé leurs carnets de
correspondance à tous les deux et, alors que
je me disais que j'allais me faire taper dessus,
j'ai eu les deux carnets (je ne connaissais qu'un
des élèves, lycée
professionnel) et ils ont arrêté de se
battre. Au final, tout est
à peu près bien qui finit à
peu près bien mais je me dis que
c'était probablement une erreur et que j'ai
eu beaucoup de chance... pour le coup, je me dis
qu'une formation du type de celle que peuvent avoir
les conducteurs de bus ou les flics pourraient
aider à la co-surveillance de
l'établissement. La seule chose que je
savais, parce qu'on me l'avait expliqué
quand j'étais prof en fac, c'est qu'il ne
faut jamais s'interposer physiquement. Un peu sous
le choc>>
- par le
refoulement ("moi, je n'ai jamais de
pensée agressive")