Suicide l'envers de
notre monde Christian Baudelot, Roger
Establet Editions Seuil.
ISBN:
2-02-085648-4 (2006)
21€ Dernière de
couverture
L'impact
de la société sur un acte aussi
individuel que le suicide est peut-être
l'énigme majeure à laquelle les
sociologues, depuis Durkheim, ont été
confrontés.
Pourquoi les hommes se tuent-ils plus que
les femmes ? Les jeunes moins que les vieux ? Les
urbains plus que les ruraux ? Les catholiques moins
que les protestants ? Pourquoi le dimanche moins
que le lundi ? Et l'été plus que
l'hiver En temps de paix plus qu'en temps de guerre
? Nous disposons, aujourd'hui, sur toutes ces
questions, d'informations sérieuses à
l'échelle de la planète.
Et c'est dérangeant pour l'esprit. La
croissance du taux de suicide avec l'âge
pouvait passer pour un fait de nature : vieillir
amène son lot de soucis. Mais l'idée
est trop courte. Depuis les chocs
pétroliers, le suicide des jeunes augmente
et celui de leurs aînés se maintient
ou diminue. C'est sans doute le constat le plus
grave que dresse ce livre.
Le suicide accompagne les mouvements de la
société. Il est en hausse lors des
crises économiques, en baisse pendant les
guerres. Il a crû avec le
développement industriel duXIXe
siècle, mais diminué avec l'expansion
économique du xxe. L'enquête,
toutefois, souligne combien les modèles
souffrent d'énormes exceptions. Ainsi
l'Inde, la Chine, la Russie sont-elles les seules
nations qui réagirent au XXe siècle
comme les pays occidentaux au xixc siècle.
Ainsi les Chinoises échappent-elles à
la norme en se suicidant plus que les hommes. Ainsi
le Japon est-il l'unique pays qui connaît
jusqu'en 1995 une baisse du suicide
à tous les âges.
Stéréotypes, s'abstenir.
L'étude du suicide permet de
découvrir la face cachée de la
planète, la force des héritages et la
fragilité des apparences. Le déclin
relatif du suicide au XXe siècle contredit
une vision catastrophiste selon laquelle le
développement économique n'aboutirait
qu'à des formes exaspérées de
l'individualisme, laissant chacun seul devant son
destin.
Christian Baudelot et Roger Establet nous
offrent la synthèse d'une masse
extraordinaire de données. Ils poussent la
sociologie dans ses derniers retranchements,
jusqu'aux portes du mystère. Christian
Baudelot est professeur de sociologie à
l'École normale supérieure, Roger
Establet est professeur émérite
de sociologie à l'Université de
Provence. Ils ont publié ensemble,
notamment, Le niveau monte, Allez les filles !,
Avoir trente ans en 1968 et en 1998. Table des
matières Introduction. Le monde
à l'épreuve du suicide
L'apport des
ethnologues Ce n'est pas la
société qui éclaire le
suicide, c'est le suicide
qui éclaire la société
Suicide, une
énigme à déchiffrer
1. La
misère
protège?
Suicide et
richesse dans le monde Dans les pays
riches, c'est dans les régions pauvres qu'on
se suicide La montée
des inégalités ? 2.
Décollage
Inde, 1950-2000:
naissance d'un géant économique,
envol du suicide 1980-2000: la
Chine s'éveille, le suicide
aussi 3. Le grand
tournant
L'Angleterre
nous ménage une surprise France, xixe-xxe
siècle: les méandres de
l'évolution
du suicide
1900-1948:
parallélisme rompu entre
suicide et croissance
1949-1978:
croissance forte, stagnation du suicide
1979-1995: la
croissance ralentit, le suicide
reprend Le classicisme
de l'évolution anglaise 4. Les Trente
Glorieuses Une croissance
orchestrée par l'État Facteurs
d'aggravation ... et de
protection: l'individualisme
créatif 5. L'exception
soviétique Aujourd'hui,
ruban bleu Fémur
social et black-out Suicide et
industrialisation: à marche forcée
Et la
lumière fut... Vive la démographie
française ! 6. Chocs
pétroliers et suicide des jeunes
France : jeunes
exposés, vieux protégés
Pas d'exception
française .. mais exceptions
japonaise et allemande Fin du miracle
italien et flegme britannique Prendre au
sérieux les dimensions sociales de
l'âge 7. Suicide et
classe sociale: Etat des lieux La
géographie américaine du
suicide Départements
français: impôts sur le revenu et
suicide L'Angleterre
sinistrée de Ken Loach contre le Grand Londres
de Blair-Thatcher Suicide et
milieu social en France 8. XX`
siècle : protection renforcée des
classes dominantes
Finesse et
richesse des données américaines
Une
première piste : la surabondance des liens
sociaux Une
deuxième piste : contre mauvaise fortune,
bon coeur ! Les formes
modernes de la pauvreté Pour un SMic
culturel et social 9. Et pourtant,
elles s'en sortent
Les enfants
d'abord L'exception
chinoise Asie et
Pacifique : conjugalités difficiles et
suicides féminins Suicide
vindicatif en Nouvelle-Guinée
La normalisation
japonaise Pourquoi les
femmes occidentales ne se suicident-elles pas plus?
Conclusion. Suicide: une
leçon de sociologie générale
La sociologie
n'explique pas tout Peut-on faire la
sociologie d'une exception? Économie,
intégration et estime de soi
Remerciements Un passage <<Pas
d'exception française...
Ces transformations ne sont pas propres
à la France : dans la plupart des pays de
l'OCDE, le dernier demi-siècle a
été caractérisé par une
baisse des taux de suicide des personnes
âgées et une montée des
suicides des jeunes à partir de la crise de
1975, conformément au modèle
décrit en détail par Louis Chauvel et
pour des raisons analogues à celles
évoquées dans le cas de la France.
Cela se vérifie sans équivoque pour
les pays suivants: Australie, Autriche, Belgique,
Canada, Danemark, États-Unis, Finlande,
France, Grèce, Italie, Mexique (hausse
surtout forte chez les jeunes), Pays-Bas,
Nouvelle-Zélande, Norvège, Singapour,
Suède, Suisse, Grande-Bretagne.
Le cas de la Grande-Bretagne est
particulièrement instructif, puisqu'il
s'agit d'un pays où le suicide a
baissé pendant toute la période: le
suicide masculin passant graduellement de 13,6 en
1950 à 10,2 en 2000, et le suicide
féminin de 7,0 à 3,0. Chez les hommes
et chez les femmes, cette baisse est imputable
d'abord à la chute très importante du
suicide des vieux. L'invention du troisième
âge, les progrès de la médecine
et de nombreuses années de croissance
continue ont amélioré le sort des
personnes âgées. En revanche, chez les
hommes, cette tendance à la baisse est en
partie contrecarrée par la hausse du suicide
des jeunes, surtout à partir de 1975: 5,4 en
1950, 7,8 en 1975,10,5 en 2000. La hausse s'est
accentuée après 1975, mais elle
était déjà présente au
cours des Trente Glorieuses. Les jeunes femmes ont
été moins sensibles aux
évolutions économiques vers une
précarité accrue. Dans le
demi-siècle, les taux de suicide des femmes
de 15 à 29 ans ont oscillé autour de
3 pour 100000. Cette différence dans les
réactions des hommes et des femmes aux
transformations économiques n'est pas propre
à la Grande-Bretagne. Nous serons
amenés à v réfléchir
à nouveau sur la hase d'autres
données>> p.145 Commentaire Le versant
sociologique du livre de jean
Marie
Petitclerc.
Un exemple de la complexité et du fait que
toute chose est multifactoriel (psychologique,
sociologique,....)