Cette attente est une
demande d'équité.
Pas une revendication
d'égalité des chances, celle qui
laissait croire à une justice bien
répartie envers chacun pour l'accès
au savoir et au travail ou celle qui est
officiellement annoncée dans tous les
discours, qui fut souvent promise comme pouvant
déboucher sur la possibilité pour
tout enfant d'une insertion (pas
nécessairement d'une réussite)
scolaire et pour tout futur adulte d'un ancrage
professionnel. L'égalité, nous le
découvrons chaque jour, n'est pas
l'équité.
L'équité, c'est la
certitude d'avoir une reconnaissance de ce
que nous sommes avec nos
différences, nos ressources et nos
manques.
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C'est le sentiment vécu au quotidien
d'une reconnaissance , par toutes les personnes
décisionnelles, des besoins relationnels
profonds de chacun. Besoin d'être entendu,
d'être reconnu, de sentir que nous avons une
valeur, besoin aussi de rêver, c'est à
dire de pouvoir se projeter dans un avenir dans
lequel nous avons la possibilité d'avoir une
place. Besoin d'agir, d'exercer une influence sur
notre environnement proche, de pouvoir créer
et non pas seulement inventer, un
dépassement de la vie actuelle , pour
accéder au -delà de la survie
à l'existence.
La violence des
cités est un langage
paradoxal.
Car elle violente non seulement les
quartiers mais elle violente les cités elles
mêmes. Elle blesse ainsi sans distinction,
ceux là mêmes qui souffrent d'une
pseudo égalité qui les nie, qui trop
souvent les enferme et les opprime. Tout se passe
comme si on ne pouvait plus laisser à
d'autres le soin d'abîmer l'espoir, qu'on
préfère le brutaliser, voire le tuer
soi même. Brûler des voitures,
dégrader encore plus son environnement
proche, c'est détruire au présent la
façade d'un avenir qui se dérobe,
pour ne plus se faire mal à le regarder trop
loin devant soi, tellement inaccessible qu'il en
devient insupportable. Brûler des voitures,
affronter la police, se battre avec les
représentants de l'ordre, c'est se
réapproprier un peu du pouvoir d'agir, dans
une semblance de collectif, dans une illusion
d'appartenance. Appartenance
éphémère, chaotique avec des
lendemains erratiques, qui nourriront des souvenirs
héroïques ( je m'en suis fais cinq et
toi ?), des fantasmes et plus tard encore un peu
plus d'amertume et de
désarroi.
L'aspiration à
l'équité reste centrale chez les
jeunes de tous les milieux.
Dans les cités cette aspiration est
majorée, dominante, au point d'être au
centre de toutes les attentes déçues
et donc au cur d'une souffrance
endémique. Avec un ressenti quasi
généralisé d'une injustice
toujours à fleur de peau.
Une injustice qui paraît
si aveugle et si impitoyable, qu'elle
secrète le poison de conduites
paranoïaques destructrices et auto
destructrices. Le sentiment aigu,
permanent d'une persécution qui
donne le droit de persécuter
à son tour.
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La violence des cités explose par
à coup, elle paraît toujours
imprévisible, elle est pourtant latente,
à tout moment, toujours présente,
même quand le calme ou la paix apparente est
revenu. La paix intérieure n'existe
toujours pas. Il n'y a pas de lieux, de
services, d'entreprise, où les besoins
relationnels des enfants et des adolescents peuvent
être pris en charge dans un suivi
cohérent. Le milieu naturel comme la famille
est aujourd'hui démuni pour les entendre et
y répondre. L'école tente de se
protéger, invoquant que ce n'est pas son
rôle principal, le monde des loisirs est de
moins en moins un terrain d'expériences et
de confrontations, les jeunes se noient sans avoir
même ni le désir, ni les gestes
élémentaires pour apprendre à
nager.
lI faudrait que les adultes
délaissent leur solitude ou leur
prudence, quittent la fascination de la
télévision, apprennent
à descendre dans la rue pour
s'ouvrir à une confrontation
directe, retrouver un dialogue qui puisse
prendre en compte l'écoute des
besoins relationnels de leurs
enfants.
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