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La violence des cités

Jacques Salomé

             Au delà de la peur (et de la colère ) qu'elle inspire aux quartiers, la violence des cités, encore nous faut-il accepter de l'entendre, cette violence est un langage qui tente d'exprimer une attente , je devrais même dire, qui crie et hurle, une demande implicite , qui n'a pas été prise en compte.

Cette attente est une demande d'équité.

             Pas une revendication d'égalité des chances, celle qui laissait croire à une justice bien répartie envers chacun pour l'accès au savoir et au travail ou celle qui est officiellement annoncée dans tous les discours, qui fut souvent promise comme pouvant déboucher sur la possibilité pour tout enfant d'une insertion (pas nécessairement d'une réussite) scolaire et pour tout futur adulte d'un ancrage professionnel. L'égalité, nous le découvrons chaque jour, n'est pas l'équité.

             L'équité, c'est la certitude d'avoir une reconnaissance de ce que nous sommes avec nos différences, nos ressources et nos manques.

             C'est le sentiment vécu au quotidien d'une reconnaissance , par toutes les personnes décisionnelles, des besoins relationnels profonds de chacun. Besoin d'être entendu, d'être reconnu, de sentir que nous avons une valeur, besoin aussi de rêver, c'est à dire de pouvoir se projeter dans un avenir dans lequel nous avons la possibilité d'avoir une place. Besoin d'agir, d'exercer une influence sur notre environnement proche, de pouvoir créer et non pas seulement inventer, un dépassement de la vie actuelle , pour accéder au -delà de la survie à l'existence.

 

La violence des cités est un langage paradoxal.

             Car elle violente non seulement les quartiers mais elle violente les cités elles mêmes. Elle blesse ainsi sans distinction, ceux là mêmes qui souffrent d'une pseudo égalité qui les nie, qui trop souvent les enferme et les opprime. Tout se passe comme si on ne pouvait plus laisser à d'autres le soin d'abîmer l'espoir, qu'on préfère le brutaliser, voire le tuer soi même. Brûler des voitures, dégrader encore plus son environnement proche, c'est détruire au présent la façade d'un avenir qui se dérobe, pour ne plus se faire mal à le regarder trop loin devant soi, tellement inaccessible qu'il en devient insupportable. Brûler des voitures, affronter la police, se battre avec les représentants de l'ordre, c'est se réapproprier un peu du pouvoir d'agir, dans une semblance de collectif, dans une illusion d'appartenance. Appartenance éphémère, chaotique avec des lendemains erratiques, qui nourriront des souvenirs héroïques ( je m'en suis fais cinq et toi ?), des fantasmes et plus tard encore un peu plus d'amertume et de désarroi.

 

L'aspiration à l'équité reste centrale chez les jeunes de tous les milieux.

             Dans les cités cette aspiration est majorée, dominante, au point d'être au centre de toutes les attentes déçues et donc au cœur d'une souffrance endémique. Avec un ressenti quasi généralisé d'une injustice toujours à fleur de peau.

             Une injustice qui paraît si aveugle et si impitoyable, qu'elle secrète le poison de conduites paranoïaques destructrices et auto destructrices. Le sentiment aigu, permanent d'une persécution qui donne le droit de persécuter à son tour.

             La violence des cités explose par à coup, elle paraît toujours imprévisible, elle est pourtant latente, à tout moment, toujours présente, même quand le calme ou la paix apparente est revenu. La paix intérieure n'existe toujours pas. Il n'y a pas de lieux, de services, d'entreprise, où les besoins relationnels des enfants et des adolescents peuvent être pris en charge dans un suivi cohérent. Le milieu naturel comme la famille est aujourd'hui démuni pour les entendre et y répondre. L'école tente de se protéger, invoquant que ce n'est pas son rôle principal, le monde des loisirs est de moins en moins un terrain d'expériences et de confrontations, les jeunes se noient sans avoir même ni le désir, ni les gestes élémentaires pour apprendre à nager.

            lI faudrait que les adultes délaissent leur solitude ou leur prudence, quittent la fascination de la télévision, apprennent à descendre dans la rue pour s'ouvrir à une confrontation directe, retrouver un dialogue qui puisse prendre en compte l'écoute des besoins relationnels de leurs enfants.

 

Jacques Salomé est l'auteur de:

· Passeur de vies. Ed Dervy

· Et si nous inventions notre vie. Ed du Relié.

· Vivre avec les autres. Ed de l'Homme.

 

Voir: le site de Jacques Salomé

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Réactions 

<<Bravo, c’est beau de tenter de trouver une raison valable aux jeunes qui foutent le feu à nos bagnoles. Soucis d’avenir, désir de trouver un emploi, bien, faudrait d’abord qu’ils commencent à essayer de bien bosser à l’école pour avoir un dossier scolaire pour l’avenir. Comment vous qualifiez leur affrontement avec les policiers? "c’est se réapproprier un peu du pouvoir d’agir" Bien sûr. Vous croyez vraiment que les jeunes vont se dire en allant frapper des flics ou des pompiers qui leur veulent du bien "on fait ça pour avoir le pouvoir d’agir". Je crois plutôt que c’est parce qu’on est des rebelles et c’est cool. J’ai déjà fait parti d’affrontements urbains et c’est exactement ce qu’il se passe dans nos têtes. L’Etat dépense des MILLIARDS pour les banlieus,poru pouvoir y investir des commerces ou autre. Seul problème: Ils sont tous détruits au bout d’une semaine... Comment expliquez-vous que des pompiers venus éteindre un feu se reçoivent des boules de pétanque dans la tronche...N’est-ce pas de le violence gratuite ça??? >>

<<Si l'explication psychologique de J.Salomé me semble pertinente, il n'en demeure pas moins que les conditions sociales (cités de la réclusion et fortement stigmatisées, réalités quotidiennes désespérantes, les violences comme vecteur privilégié d'une communication minimaliste voire de survie) auxquelles s'ajoute la précarisation économique sont des pistes d'explication. Ces dimensions constituent un formidable détonnateur dont l'immense sensibilité peut déclencher à n'importe quel momment des explosions comme celles de novembre 2006. Attention à ce qui couve pendant cette fin d"année !!!!>>

<<Merci,l'article est intéressant, je passe les concours d'auxi. de pué., et les sujet de la violence dans la cité m'intéresse bcp, o, trouve très peux de chose à ce sujet en faite, c'est dommage.>>

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