Stress,
souffrance,
harcèlement moral, relégation,
placardisation, pathologies de la
suractivité ou du sous-emploi, fatigue et
usure professionnelles, violences et
expériences
traumatiques
De la scène du travail nous parviennent de
sombres échos.
Sans prétendre réaliser un
diagnostic de l'état du monde du travail, la
montée des préoccupations et des
demandes sociales et collectives témoigne
bien d'un malaise qui tient aux transformations
à la fois des organisations productives et
du rapport au travail. Depuis les années
1980, les exigences du monde du travail sont
devenues plus fortes, alors que dans le même
temps, les moyens nécessaires pour y
répondre ont été
réduits. Ce double processus
d'alourdissement des contraintes et de
fragilisation des individus génère un
mal-être au travail et une marginalisation
progressive de nombre de
salariés.
La montée des demandes sociales et
collectives témoigne bien du malaise actuel
dans le monde du travail : cette
prolifération des plaintes s'accompagne
d'une recrudescence de grands types de pathologies
du travail.
Les pathologies de surcharge tout
d'abord, qui se manifestent par l'importance
croissante des TMS (troubles musculo-squelettiques)
liées aux activités
répétitives sous contrainte de temps.
Dans les métiers de la relation,
comme dans l'enseignement, l'usure psychique se
présente sous la forme du " stress
" tout d'abord, synonyme d'insatisfaction,
frustration, fatigue, puis sous la forme du "
burn-out " : initialement décrit chez les
infirmières et les travailleurs sociaux, il
se généralise à l'ensemble des
professions de la relation.
Dans les services sociaux, dans les
secteurs de la santé, de l'enseignement,
mais aussi dans les services commerciaux, les
transports
la " matière "
travaillée prend la forme du service rendu,
de la relation à l'autre. Ici, les
prescriptions, les procédures, les consignes
standardisées trouvent vite leurs limites.
La relation pédagogique ne
relève ni d'une simple relation
interpersonnelle entre l'enseignant et
l'enseigné, ni d'une relation
aseptisée par l'uniformisation du
traitement des " objets " du travail
enseignant.
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Entre ces deux écueils, la
construction d'une position professionnelle en
mesure de concilier, d'arbitrer entre les
différentes exigences contradictoires
auxquelles sont confrontés les enseignants
dans leurs pratiques (ajuster ses pratiques aux
singularités des élèves tout
en assurant la conduite du groupe-classe, jongler
entre différentes postures
éducatives, formatives, didactives, ajuster
la standardisation des contenus et méthodes
pédagogiques à la
réalité mouvante et complexe des
situations de travail
) suppose de pouvoir
compter sur des ressources qui permettent de
contenir la relation et y inscrire la
référence à un tiers
institutionnel et professionnel. Tiers qui, bien
souvent, fait défaut tant l'institution
scolaire et les collectifs de travail enseignant
n'apparaissent plus comme cadres et moyens d'une
élaboration et d'échanges sur la
pratique professionnelle.
L'enseignant
autosuffisant
Reste alors la solitude de l'enseignant
censé trouver dans ses ressources
personnelles les modes de résolution des
situations auxquelles il est nécessairement
confronté ; un enseignant autosuffisant,
capable de faire face, de s'adapter à la
diversité de ses élèves, aux
caractéristiques des établissements,
d'absorber les réformes successives,
prescrites par l'institution
Le défaut
de cadres de construction et d'élaboration
autour du métier d'enseignant et ses
évolutions au profit d'une individualisation
des pratiques et de la valorisation de "
l'adaptabilité " fait peser sur chacun le
poids de l'isolement et des stratégies par
essais-erreurs. La montée de la violence
est encore le produit de ces forces de
désintégration sociale qui
constituent des individus solitaires aux prises
avec les élèves ou
l'établissement. Violences des
élèves ou violence dans les rapports
entre professionnels, maltraitances,
harcèlement moral
autant de formes
prises par la destructivité d'un-de sujets,
qui ne peut s'analyser hors de la prise en compte
des contextes qui permettent son actualisation, son
déploiement, son efficacité.
Contextes caractérisés par la
déliaison, l'individualisation, la
désinstitutionalisation.
La souffrance au
travail
La souffrance au travail est l'objet de
nombreuses études et publications, comme de
dispositifs de prise en charge et soutien
psychologique. Les modalités de traitement
dépendent des grilles d'analyse et des
objectifs visés. Elles peuvent se focaliser
sur les symptômes de la souffrance au travail
et tenter de " réparer " les professionnels
usés, " cassés ". Elles peuvent
s'inscrire dans une perspective préventive
et tenter d'accroître la résistance
des personnes aux contraintes et épreuves du
travail.
La clinique du
travail
La clinique du travail est une approche
alternative : loin de l'orthopédie
psychologique à visée adaptative
visant à s'ajuster aux contraintes du
travail, elle poursuit un autre objectif, celui
d'un développement des possibles
individuels et collectifs, d'un accroissement des
capacités d'action sur et dans le
travail.
Il s'agit bien de gagner des marges
de liberté d'action et de
décision, de se dégager des
impasses problématiques pour inventer des
nouvelles manières de faire et de penser.
Cette visée repose sur l'hypothèse
centrale que les changements - entendus comme
inventions de nouvelles pratiques - doivent
être accompagnés par un travail
d'élaboration collectif.
Le groupe de travail joue un rôle
essentiel de médiation entre l'individu et
la situation de travail. Il constitue un cadre
indispensable à la régulation des
contraintes de travail, non pas seulement dans une
perspective adaptative mais pour permettre un
développement des capacités de
transformation, voire de subversion de ces
contraintes.
L'identité professionnelle
constitue le principal outil de travail des
professions de relation. C'est elle qui rend
possible la triangulation du rapport aux usagers :
elle signifie que, entre le professionnel et son
client, une référence
extérieure fait loi et définit les
limites de l'exercice. La rencontre n'est pas
seulement interpersonnelle : par la
référence aux missions
dévolues, aux valeurs et aux principes
professionnels, elle engage la communauté
professionnelle d'appartenance. Elle apparaît
comme un frein au risque de " contagion
psychique ", et comme un cadre de
régulation des mécanismes
identificatoires et contre-identificatoires
toujours activés dans les professions de
l'aide.
La relation s'inscrit dans un cadre
qui attribue les places respectives, qui
délimite les droits et les devoirs,
qui prévient
l'indifférenciation, les relations
d'emprise et l'usage de la position
professionnelle à des fins
personnelles.
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La référence au collectif
de travail et à la communauté
professionnelle d'appartenance apparaît comme
indispensable à la fois aux plans
réel,
imaginaire et symbolique.
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