L'élève
n'était autrefois qu'une boite
noire muette à qui il fallait
enseigner une discipline. puis on a
commençé à se poser
des questions non seulement sur le
fonctionnement de la discipline mais
également sur celui de
l'élève. Ceci n'eut
pratiquement pas d'effet sur la formation
des enseignants, les responsables des
disciplines gardant la haute main sur
cette dernière.
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Un
grand pas fut fait par une didacticienne en
physique Laurence Viennot qui montra, en
étudiant ce que disaient les
élèves, que ceux-ci avaient
effectivement une logique à eux, qu'ils
construisaient des "théorèmes
spontanés " qui, bien que non exacts, leur
servaient à résoudre les questions
posées. Qu'autrement dit, les
élèves avaient des
"représentations" des différents
points abordés, que la logique
mathématique n'était pas la seule
à intervenir dans un raisonnement
d'élève mais qu'il existait une autre
logique (celle des associations d'idées) qui
permet de passer d'une représentation
à une autre et de construire ainsi des "
chaînes associatives " propres à une
personne.
C'était
là un pas important car on
introduisait l'idée que chaque
élève pouvait avoir son
raisonnement propre qu'il fallait
comprendre et étudier pour l'aider
dans son apprentissage.
Cette
découverte n'a , à mon avis, pas
encore été prise pleinement en compte
dans la formation des enseignants. On voit
seulement se faire jour maintenant des modules de
formation (la gestion d'une classe, la motivation
des élèves
) sous la pression
des élèves (violence dans les
écoles
) mais sans véritable
réflexion et plan d'ensemble sur la prise en
compte de la parole des
élèves.
Conséquences pour
l'enseignement
Il
me semble qu'on n'est encore qu'au
début des conséquences de
cette découverte qui consiste
à prendre en compte la parole
des élèves dans la
complexité de son fonctionnement
(représentations,
associations
d'idées
).
Il ne peut s'en suivre qu'une nouvelle
évolution du métier
d'enseignant.
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En
effet l'incitation du gouvernement
à promouvoir l'individualisation du
travail, l'accompagnement
personnalisé, le soutien etc
va se heurter rapidement à
l'absence de formation clinique des
enseignants c'est à dire à
leur capacité à
écouter ce qu'il y a d'unique et
d'original dans le raisonnement (faux ou
exact) d'un élève.
Et
malgré leur bonne volonté
les enseignants ne pourront que reproduire
ce qu'ils ont appris à faire (c'est
à dire un cours où on
s'adresse à un groupe).
La
formation des enseignants sera donc
amenée, tôt ou tard, à
prendre en compte cette formation
clinique des enseignants.
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La
psychologie clinique qui s'occupe
du fonctionnement psychique des
personnes et des
phénomènes de
groupe n'est pas à
confondre avec la
psychopathologie qui s'occupe des
maladies
psychiques
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Cette
formation devra prendre en compte non seulement la
parole de l'élève mais ce qui s'y
exprime : son " imaginaire
" comme source de ses représentations
psychiques. Car ce qui importera à
l'enseignant ce ne sera pas les circuits neuronaux
du cerveau de l'élève mais cette
vision globale de l'élève et de ce
qui en fait un être unique : son imaginaire
avec sa logique propre des associations
d'idées.
C'est
cette formation clinique que l'on peut appeler "
formation personnelle de l'enseignant " pour
la distinguer de sa formation disciplinaire ou
didactique. " Personnelle " car comme on le verra
plus loin, elle ne peut être faite que par un
travail sur lui même. Certains parlent aussi
de formation " pédagogique ". Pour mon
compte je trouve ce terme trop vague et je
préfére le réserver aux
aspects plus techniques.
L'aspect
groupal
Une
nouvelle évolution se fait
parallèlement jour grâce
à d'autres chercheurs qui montrent
que l'élève n'est pas seul
mais que le groupe classe a son importance
dans les phénomènes
d'apprentissage, autrement dit que le
psychisme individuel est pris dans des
phénomènes de
groupe.
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On
retrouve là les travaux des
psychanalystes Didier Anzieu et
René Kaës sur l'écoute
de l'imaginaire des groupes qui pourraient
avoir de l'importance pour
développer chez les enseignants
l'écoute de leur classe qui est
différente de celle de chaque
élève. Cela donnerait un
contenu plus " scientifique " à ce
que beaucoup appellent "
l'atmosphère d'une classe
".
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Ainsi
se profiler de nouvelles
dimensions
nécessaires dans la formation des
maîtres car elles assureront la
possibilité d'une individualisation
réel de l'enseignement, la
capacité à gérer une
classe d'une façon productive, en
comprenant ce qui se passe dans leur classe
comme résistance à leur
façon de travailler. la
capacité à faire face aux
phénomènes de violence, en un
mot à prendre en compte la dimension
humaine du métier
d'enseignant.
Nouvelles
compétences
Or
ces nouvelles compétences ne peuvent
être acquise que par un travail de
l'enseignant sur lui même, autrement dit par
une " formation personnelle " des
enseignants.
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En
effet c'est en comprenant ce qui se
passe en soi qu'on comprend les
processus en action chez les
élèves et non en les
objectivant comme des objets
d'étude.
Cette
dernière attitude est une tentation
que nous avons tous car elle est tellement
plus facile et moins coûteuse pour
nous mais elle n'amène que des
déceptions dans la mesure où
nos observations ne sont bien souvent que
des projections de notre part et que les
élèves se sentant
traités en objet se
défendent encore d'avantage.
Il
sera ainsi nécessaire aux nouveaux
enseignants de comprendre quelle
fonction jouent pour eux la discipline
qu'ils transmettent à leurs
élèves car cela leur fera
comprendre comment cette discipline peut
être utiles aux élèves
ou, au contraire, les rebuter et leurs
poser des obstacles.
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On a parfois
l'impression qu'un enseignant est devenus profs de
tel discipline par hasard ; mais le hasard fait
souvent bien les choses ! Et le plus souvent cette
profession et cette discipline sont utiles au
maître pour la stabilité de sa
personnalité et c'est important qu'il le
comprenne pour qu'il puisse se servir de sa
discipline comme " objet
intermédiaire
" de dialogue avec ses élèves.
La
prise de conscience de ces facteurs psychologiques
permet de donner à l'enseignant plus de
souplesse, plus de jeu dans le fonctionnement de la
classe et d'être moins tributaire de son
imaginaire et d'aider les élèves
à l'être moins à leur
tour.
On
voit là se profiler une nouvelle dimension
de la formation des enseignants : ils ne leurs
suffira plus seulement de connaître leur
discipline, ni encore l'histoire et la didactique
de celle ci, mais d'avoir travailler sur
eux même pour comprendre les processus
psychiques qui interviennent dans la construction
des connaissances, dans la motivation au travail et
enfin dans les phénomène de
groupe.
C'est
seulement dans ce cas qu'on aura des enseignants
capable de faire de l'individualisation , de l'aide
individuel mais également de gérer
leur classe sans autoritarisme ni
relâchement.
Des défenses
importantes existent vis à vis de cette
formation personnelle
Nous
avons nous-mêmes organisé une
telle
formation dans l'Académie de
Reims En
seize ans, près de cinq mille enseignants
ont participé à cette
expérience de formation de psychologie
sociale clinique (je préfère ce
terme, en définitive à celui de "
formation personnelle " souvent utilisée
à tort et à travers)
Cela
a été pour nous l'occasion
de saisir à quel point les
résistances à la "
psychologie " sont importantes dans le
milieu enseignant, comme sans doute
ailleurs. Nous avons beau " être des
leurs ", nous sommes " dangereux ", nous
devons " être capables de lire dans
leurs pensées ", etc. On ne
comprend pas non plus qu'un " matheux "
puisse s'intéresser à ce qui
n'a pas de valeur " scientifique
".
Je
me souviens avoir souvent craint de
renforcer la rationalisation et
l'intellectualisation en expliquant notre
démarche. Je reste encore
persuadé que cela était
nécessaire, et que ce
n'était peut-être même
pas suffisant.
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De
plus, durant cette période, nous nous sommes
heurter aux défenses propres à
l'institution : à ses clivages
multiples, (les différentes
catégories de personnel, PEGC
agrégés, certifiés...). Nous
répondons à ses défenses en
favorisant au contraire la rencontre des diverses
catégories on trouvait, par exemple, un chef
d'établissement, un agrégé,
des certifiés, une infirmière, un
ATOS, un conseiller d'éducation dans un
même stage.
Cette
expérience et diverses autres m'ont fait
également réfléchir sur les
résistances propres au milieu
universitaire. Bien sûr, on retrouve
souvent l'enfermement disciplinaire des enseignants
du secondaire c'est la discipline qu'il enseigne
qui fait l'identité du professeur (on est
plus matheux qu'enseignant, par exemple) ; mais on
trouve également une méfiance pour le
pédagogique (sauf évidemment en
sciences de l'éducation) et, sous ce terme,
on met un peu tout ce qui n'est pas disciplinaire.
En particulier, ce qui est "formation " en
opposition à " information = cours ".
Bien
des universitaires peuvent admettre la
présence de psychologie dans la formation
des enseignants à condition que cette
présence soit minime (ne pas diminuer la
part du disciplinaire) et soit sous forme de cours
(psychologie du développement, de l'enfant,
de l'adolescent). Ce type de cours, le plus
souvent, ne sert à rien aux
intéressés car restant purement
intellectuel, et parfois peuvent même devenir
un obstacle dans leur enseignements en leur
permettant de " chosifier " leurs
élèves.
Par
contre toute formation non disciplinaire ou qui
n'est pas perçue comme seulement
intellectuelle (cours) est souvent ressentie comme
exotique, chacun traduisant cela ensuite avec ses
propres termes : c'est une formation "
sectaire ", il ne s'agit que de
"développement personnel ",
elle est " superflue " (je me suis
entendu dire que nous étions les "
danseuses " de l'Éducation
nationale).
II
paraît difficile de faire admettre ce qui me
paraît pourtant évident, à
savoir qu'une formation clinique pour les
enseignants fait intégralement partie de
leur formation professionnelle. Quand j'ai
appelé, dès les premières
années, cette formation " Formation aux
nouvelles techniques d'enseignement (FNTE) ", c'est
parce que je pensais que :
|
pour
utiliser toute nouvelle technique dans
l'enseignement (télévision,
informatique, Internet, etc.), il fallait
au préalable une formation clinique
favorisant un renversement d'attitude des
enseignants devant s'en servir : de celui
qui expose à celui qui
écoute ; de celui qui est seul
actif à celui qui organise
l'activité des autres ; de celui
qui maîtrise une situation à
celui qui sait gérer l'incertitude.
|
|
Nous
vivons actuellement dans un fétichisme
technologique qui fait croire que la technique,
à elle seule, pourra résoudre les
problèmes de l'Éducation nationale,
alors que, à mon avis, elle ne fera que les
mettre encore plus en évidence. Un
changement d'attitude que seule une formation
clinique peut amener est nécessaire pour
introduire efficacement ces nouvelles techniques.
C'est ce manque de formation qui est une des causes
de l'échec de toutes les tentatives
précédentes telles que le plan "
Informatique pour tous ".
Les difficultés de
cette formation
Une
première difficulté de ce type de
formation : réussir à respecter les
résistances des personnes, telles les
rationalisations et intellectualisations,
fréquentes dans le milieu enseignant, et
provoquer cependant un déséquilibre
sans lequel aucun progrès ne peut avoir
lieu. Je pense que, dans ce cas, l'utilisation
d'exercices de Gestalt, qui laissent circuler les
émotions, est particulièrement
adaptée au milieu enseignant.
Ainsi
dans les échanges en groupe, après
chaque exercice, nous pointons l'affect sousjacent
dans les périodes trop rationalisantes et
nous essayons de donner une structure rationnelle
dans les moments trop émotionnels, cherchant
ainsi à remettre en route la
boucle
(émotion-cognition)
et faire découvrir ainsi aux enseignants le
lien entre ces deux aspects si important dans
l'apprentissage.
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Cette
formation avait lieu au cours de 6 stages
de deux jours et demi. Dans le premier
stage, les explications sur les objectifs
et les méthodes rassuraient, le
respect du
cadre (ici,
on ne fait pas n'importe quoi...)
sécurisait et donnait alors,
à chacun, la possibilité
d'expérimenter dans
des
exercices
(jeu de rôle, photolangage, cubes,
dessins
) de nouvelles attitudes,
c'est à dire de travailler sur
lui même, sur ses attitudes, sur ses
représentations d'une situation
donnée et non pas seulement
d'écouter passivement un cours sur
les comportements qu'il devrait
avoir.
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L'utilisation
d'" objet
intermédiaire
" peut aussi être une aide : photolangage qui
permet de dire et de ne pas dire, d'être dans
le mi-dire ; le dessin, seul, à deux ou en
groupe, avec ses deux temps de travail : un temps
de silence suivi d'une mise en mots de ce que l'on
a vécu ou voulu dire à l'autre ; le
travail de la terre, la construction d'un " objet
chef-d'uvre "... Tout cela permet aux
enseignants de découvrir que leur discipline
enseignée est, elle-même, un " objet
intermédiaire " avec lequel ils parlent
d'eux-mêmes à leurs
élèves et réciproquement et
qu'il s'agit d'écouter.
De
plus une formation d'enseignants ne peut faire
l'impasse d'une attention à l'interface
individu/groupe
(l'élève et la classe), avec toutes
les questions d'" attribution de place " par le
groupe (bouc émissaire) ou de
représentation
du groupe
(élève chahuteur représentant
de la classe) que cela implique. Ceci nous
conduisait à nous servir continuellement de
ce qui se passe dans le groupe, ici et maintenant,
comme moyen de formation pour ce qui peut se passer
dans une classe.
Une
autre difficulté réside dans la
distinction entre une certaine conception de la
transmission des connaissances (cours) et la
formation.
La
première se réfère souvent
à une conception de la personne où
l'intelligence peut fonctionner
indépendamment du reste de la
personnalité, alors que la seconde s'appuie
sur une conception de la personne ayant un
fonctionnement systémique, avec pour
conséquence que toute formation aura des
effets sur la personne dans son ensemble. Ceci
explique aussi pourquoi ce qui se passe durant la
formation a plus d'effets que ce qui s'y dit, ce
qui explique la difficulté des bilans
!
II
n'est donc pas évident, me semble-t-il, dans
une " formation clinique" d'enseignants, de faire
une séparation nette entre thérapie
et formation. Ceci explique bien des
réticences à ce type de formation. La
thérapie a des effets formatifs (meilleure
écoute, attention plus grande à
l'autre, à la réalité, etc.)
et la formation a parfois des effets
thérapeutiques (meilleure adaptation aux
situations professionnelles et, par contrecoup
parfois, aux situations familiales...). Pour moi,
la distinction se fait dans la durée du
travail sur soi, dans l'objectif principal qu'on se
donne :
une
formation clinique des enseignants vise
à recréer des liens entre
les aspects professionnelle et leurs
personnes globale ou celle de leur
élèves. Ce qui permet
aux enseignants de retrouver une vision
globale de la personne en eux-mêmes
et chez leurs élèves et de
la prendre en compte dans les
phénomènes d'apprentissage
ou de conduite de la classe.
La
formation clinique que nous avons proposée
n'était ni une formation pédagogique,
ni une thérapie, elle se situe à leur
interface. Elle espérait faire
redécouvrir aux enseignants l'unicité
des élèves et d'eux même et
l'aspect systémique de leur fonctionnement
en recréant des liens entre les
différentes instances (diront les
psychanalystes) ou entre les différentes
polarités (diront les gestaltistes). Ce qui
est indispensable à des enseignants pour
comprendre comment fonctionne l'intelligence, la
construction des connaissances, la motivation, la
place de la personne de l'enseignant dans cette
construction, les interactions des
différents acteurs sur ce processus qu'est
l'enseignement et l'importance des
phénomènes de groupe dans une classe.
Deux
exemples
Le
premier exemple est celui d'une enseignante de
français qui déclare ne plus
savoir comment choisir les textes à
étudier en classe. En effet, ou bien ses
textes lui donnent envie de pleurer en classe (ce
qu'elle veut éviter à tout prix) ou
ils sont insipides et ennuient tout le monde ! Un
pédagogue aurait cherché avec elle
des textes acceptables ; un thérapeute
l'aurait aidée à trouver les raisons
de sa dépression. Je lui ai proposé
de représenter par un dessin un de ces
textes qui faisaient problème et de
s'exprimer ensuite sur ce dessin. Elle a
associé sur la mort de sa mère, il y
a quelques années, et comment cette mort,
restée toujours présente, l'obligeait
à exclure tout sujet où la mort
apparaissait, mais, petit à petit
également, les sujets autour de l'amour et,
de fil en aiguille, par contamination, beaucoup
d'autres sujets. Nous avons pu voir ensemble que
son problème pédagogique avait un
lien avec ce qu'elle avait vécu. Dans une
conversation privée, je lui ai
suggéré qu'une thérapie lui
permettrait de moins souffrir et de
résoudre, sans doute, la question ; ce
qu'elle a fait par la suite. Autrement dit, cette
formation sert parfois de plaque tournante vers des
aides pédagogiques, parfois vers des aides
psychologiques. C'est un " entredeux ", avec toutes
les difficultés que cela pose. Mais c'est
aussi un lieu où l'enseignant peut se sentir
accepté dans toutes ses dimensions :
fonction, rôle... autrement dit être
reconnu comme une personne ;
Voici
le deuxième exemple : au cours d'un
stage (deuxième ou troisième
étape, je ne m'en souviens plus), un
enseignant exprime les sentiments que lui procure
la correction des copies : " J'en ai plein le
dos ", dit-il. Je lui propose de symboliser
cette situation en demandant à un autre
stagiaire d'appuyer sur ses épaules. II rit
et dit que "ce n'est pas assez lourd." Je
demande à un autre stagiaire de s'accrocher
de tout son poids à son dos. II rit de plus
belle en disant cette fois "qu'il est fort,
qu'il peut très bien le porter- et que cela
lui rappelle que, parfois, chez lui, sa femme
l'engueule et que cela le fait rire." Je lui
pointe la similitude des trois situations (corriger
des copies, ici et avec sa femme). Ce qui lui
permet de prendre conscience que son
problème pédagogique (la correction
des copies) a un lien avec une attitude plus
profonde et plus générale chez lui.
Nous en restons là. Un pédagogue
aurait cherché à proposer des
techniques plus rapides de correction, par exemple.
Un thérapeute aurait proposé des
associations avec l'histoire du sujet... Pour moi,
la création de liens était l'objectif
de cette formation clinique.
Cette formation
personnelle doit elle être obligatoire
?
On
peut se poser la question de la liberté ou
de l'obligation d'une telle formation clinique pour
un enseignant. J'en arrive à penser, comme
beaucoup, que, dans l'état actuel des
choses, cette formation doit résulter d'un
choix libre. Mais quand on est un peu au courant
des dégâts produits par certains
enseignants sur certains élèves, on
est bien obligé de se poser la question de
la responsabilité de l'enseignant. Voici un
exemple de ce que dit une ancienne
élève :
"
J'ai été malade, j'ai eu une
colite toute l'année. A la fin, mes
parents sont venus me chercher,
affolés... Je veux dire qu'il y a
même eu des symptômes physiques.
On arrivait à deux heures de
l'après-midi, après le repas.
On attendait, on le guettait: il va
arriver... il va arriver... la porte
s'ouvrait: il rentrait. Tu vois,
c'était du théâtre:
"Interrogation écrite. Prenez une
feuille. " Sur le repas! On ne
digérait pas, nous. Ce n'est pas
étonnant que j'aie eu une colite! ...
Je me suis laissée avoir parce que je
ne voyais pas le grotesque de la situation,
je marchais dans la terreur, le sadisme et
tout ça! Je marchais
complètement. "
La
formation clinique pour assumer cette
responsabilité ne doit-elle pas être
obligatoire ? N'est-ce pas le cas du pilote,
à qui on ne demande pas s'il veut ou non
subir les affres de certaines formations
pénibles dans des simulateurs ? Il a fait
son choix au moment où il a
décidé de devenir pilote. En
arrivera-t-on un jour à informer les
candidats à une inscription à un
concours de recrutement que leur formation doit
comportera une formation clinique ? On n'en est pas
là !
Qui peut animer ce genre
de formation ?
La
difficultés vient du fait qu'il n'y a pas ou
peu de " formation " à ce genre d'animation.
Elle nécessite à la fois des
connaissances de psychologie clinique et
pathologique mais également d'avoir
travailler sur soi. Mais on trouve dans l'E.N et
hors de l'E.N. des personnes qui ont cette
formation.
Une
précaution peut consister à exiger
la coanimation pour de telle formation. Elle
assure ainsi un double regards et un double
ressentis sur ce qui se passe dans ces groupe de
formation. Il est alors important que la animateurs
puissent régulièrement confronter
leurs représentation de la situation. Ils
découvrent alors ce que j'appels
"
le principe d'isomorphie
"
:
"
Ce qui se dit dans le groupe qu'ils
forment tous les deux a, à voir,
avec ce qui se vit dans le groupe qu'ils
animent a un moment donné "
La
relation (agressivité, sentiment de
persécution, sentiment de ne pas trouver sa
place...) entre les formateurs co-animants a
à voir avec ce qui se vit dans le groupe des
stagiaires. D'où l'importance d'un
échange entre les deux formateurs à
la pause de midi et le soir de chaque
journée pour partager ressentis, fantasmes,
fantaisies, rêves, etc., et l'attention,
durant le stage et les échanges, à la
relation entre les deux formateurs. C'est ainsi que
nous avions décidé de ne pas prendre
nos repas avec les stagiaires mais de consacrer ce
temps à ce travail.
Ce
type de formation est possible puisqu'elle a
pu exister durant 16 ans dans une
académie avec une ampleur certaine
(plus de 5000 enseignants).
Sa
nécessité " se fera de plus en
plus sentir avec les difficultés qui
apparaissent dans l'E.N. et que les formation
disciplinaires , didactique ou
pédagogique ne pourront
résoudrent.
Le
risque de son ajournement est celui qui se fait
jour et qui consiste à chercher à
résoudre chaque problème
séparément, celui de la violence,
celui de la conduite d'une classe
, sans
prendre en compte l'évolution du
métier d'enseignant dans son ensemble, ni
l'évolution de la connaissance des processus
d'apprentissage plus systémique. C'est dans
l'évolution de la représentation du
métier d'enseignant chez les familles et de
l'opinion publique que l'on pourra trouver une
force nécessaire à l'introduction de
cette formation personnelle ou clinique de
l'enseignant.
C'est
dans ce besoin impérieux d'une nouvelle
identité professionnelle permettant aux
enseignants d'être " reconnus
" qu'on trouvera l'adhésion des enseignants
à cette nouvelle formation. En effet si
certains veulent transformer les enseignants en
exécutant de " bonnes pratiques ".
D'autres savent que le métiers d'enseignants
est un métier de responsabilité de
l'avenir de nos enfants, un métier humain et
comme tel complexe, demandant de grandes
connaissances mais également des aptitudes
humaines importantes qui en font toute sa
dignité.
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