Quelques
phrases glanées ici et là dans des
domaines variés:
<<Une
expression qui risque de revenir dans les
discours de la droite comme de la gauche, dans
les semaines à venir, celle de
"bonnes
pratiques".>> Lettre
ToutEduc n° 104 du 22/02/2012
<<Pour moi, la
mère des batailles c'est la lecture en
CP: il faut repérer les bonnes
pratiques, se donner les moyens de
les diffuser et de former les professeurs. Si un
candidat développe cette priorité,
je serai de son côté. >>
Dominique Antoine, ancien conseiller
éducation de Nicolas Sarkozy
www.touteduc.fr
<<Guide de
bonnes pratiques en
matière de marchés
publics>> (Journal officiel n°
0039 du 15 février 2012)
Pour l'autisme:
<<On peut citer les guides de
bonnes pratiques
étrangers suivants, qui donnent les
prises en charge mises en uvre couramment
dans d'autres pays :...>>
fr.wikipedia.org/prise_en_charge_de_l'autisme
<<L'éducation
aux droits de l'homme dans les systèmes
scolaires européen, nord américain
et d'Asie centrale : un recueil de
bonnes
pratiques>>www.hrea.org/
Ce
concept envahit le champ de la pédagogie
mais comme on fait remarquer << Le concept
met mal à laise pour plusieurs
raisons. Ces pratiques sont bonnes pour qui ? Selon
quels critères ? Déterminés
par qui, et sur quelles bases ? Il est temps de se
pencher sur ce nouveau «
phénomène
».>>www.changement-egalite.be
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Evidemment
ce concept pourraît être une
réponse à une demande de
bien des enseignants: celle de "recettes"
à appliquer; mais, on sait combien
ces "recettes" sont le plus souvent
inefficaces car ce qui a pu
"réussir" dans certaines
circonstances et avec certains enseignants
n'est pas "transposable" ailleurs et par
d'autres personnalités.
De
plus <<La mise en uvre du
concept nous semble paradoxale dans la
mesure où elle viserait à
standardiser des
pratiques dans un métier où
la liberté daction domine. Ce
à quoi tiennent le plus les
enseignants porte justement sur cette
autonomie dans leur
profession.>>www.changement-egalite.be
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On voit que la
question se situe entre aide demandée par
les enseignants dans les difficultés de
leur travail et risque de standardisation d'un
métier de l'humain !
Les
"bonnes pratiques", c'est quoi?
A
première vue "bonnes pratiques" me fait
penser à "bonnes moeurs" ! Cela
renverrait-il à la morale, à ce qui
est admis comme "Bien", un Bien universel, admis
par tous. Du reste elles sont définies
parfois par des "réunions de consensus"
d'experts qui se mettent d'accord, à la
lecture des recherches sur un sujet donné,
pour décider de ce qui sera "une bonne
pratique". (voir en particulier en
médecine).
Or
<<Le chercheur mesure ... la
distance entre son travail et celui de
l'enseignant. Il observe ce qui se passe
en classe, mais se focalise sur un point,
tandis que le praticien gère toutes
les interactions d'un groupe, ce qui est
tout autre chose. Le chercheur peut
alerter l'enseignant sur une donnée
qu'il n'a pas perçue, mais, quelque
pertinents que soient ses travaux, il ne
peut en aucun cas prétendre lui
dire ce qu'il faut faire, ou comment s'y
prendre. Le chercheur n'est pas un
enseignant. Il n'a pas à
l'être.>>Lettre ToutEduc
n° 104 du 22/02/2012
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En
réalité ce terme de "bonnes
pratiques" recouvre des définitions plus
ou moins larges, plus ou moins rigides. Il a sa
source dans le terme anglais "best
practices", ainsi que dans les "Pratiques de
Fabrication" (BPF, en anglais Good
Manufacturing Practices dans le cadre du
développement des "démarches
qualité" (voir:
wikipedia.)
Dans
tous les cas il renvoie à la notion
de "modèle" plus ou
moins contraignant. On trouve cela
déjà dans l'envoi de
stagiaires dans une classe pour "voir
comment un professeur fait cours"
(sous-entendu pour voir le professeur
modèle).
C'est
aussi la suite de la notion de
"référentiels":
<<Ainsi,
jusquà un passé
récent dans le domaine de
léducation, la situation de
reconnaissance tacite de
référentiels sortes
de « types idéals
» de pratiques
incitait à transposer
systématiquement des
expériences réussies de
systèmes éducatifs
particuliers vers dautres moins
performants. Mais, si dans certains cas
ces expériences ont
été concluantes, on recense
un nombre assez important
déchecs.>>
portal.unesco.org/education/
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Mais
on peut avoir une conception plus large
des "bonnes pratiques" comme
<<des outils mis
à la disposition de tous en vue
datteindre divers objectifs, qui
sont entre autres de : Faire que de bonnes
expériences relativement
isolées soient vulgarisées
et transposées dans des contextes
différents ; Démontrer la
possibilité de réaliser des
expériences et des projets
intéressants avec peu de moyens ;
Pousser les personnes à prendre des
initiatives et à dégager des
alternatives aux pratiques anciennes;
Favoriser des échanges
dexpériences entre
professionnels pour améliorer la
qualité des services et prestations
quils offrent...
|
Les «
bonnes pratiques » peuvent donc être
présentées sous ce regard comme des
"exemples" réussis de
changement de méthodes de faire pour
améliorer un existant donné, dans le
cas qui nous intéresse dans le champ
éducatif). Cela dit, on recense toujours des
« bonnes pratiques » selon des
critères précis définis et
daprès des standards donnés. Ce
choix arbitraire peut poser quelques interrogations
sur la légitimité des critères
mais aussi sur celle des institutions et/ou
personnes qui font ces choix >>
portal.unesco.org/education/
De
"modèles" plus ou moins
contraignants, les "bonnes pratiques"
peuvent devenir ainsi des "outils" ou des
"exemples" qui n'impliquent pas
d'obligation à être
utilisées. Elles deviennent "source
d'inspiration" et comme le fait remarquer
ToutEduc <<Célestin Freinet avait,
seul et sans l'appui de la recherche universitaire,
mis au point des méthodes qui lui avaient
valu bien des ennuis avec sa hiérarchie,
mais qui sont aujourd'hui reconnues par beaucoup
comme très intéressantes... De telles
personnalités sont rares... et comme le dit
Jean-Yves Rochex (Sciences de l'éducation,
Paris-VIII) "penser qu'un enseignant trouvera la
solution à son problème parce qu'il y
est confronté est absurde"...Il a même
montré, au contraire, comment des
enseignants pleins de bonne volonté, peuvent
user de méthodes "qui marchent", la classe
est calme, mais qui, de fait, empêchent les
élèves d'apprendre.>>
www.touteduc.fr
(Lettre ToutEduc n° 104 du
22/02/2012)
Si à
l'occasion d'échanges, par exemple dans des
GAPP, les enseignants échangent, analysent,
discutent des avantages et des limites de
leurs "bonnes pratiques", alors cette notion
devient utile et on peut en tirer des effets
positifs. Modèle universel obligatoire ou
outils, exemples, source d'inspiration, toute la
question est là
Bonnes pratiques
et apprentissage
Derrière
ces définitions plus ou moins larges des
"bonnes pratiques" se jouent des
représentations de ce qu'est un
élève et de la pratique
enseignante.
L'élève?
|
Peut-on
définir "un élève
idéal",universel,
dont l'apprentissage pourrait se faire par
des méthodes modèles
universelles valables en tout lieu et
praticables par tous? ou est-on
obligé de considérer chaque
élève dans sa
singularité et ainsi trouver pour
chacun ce qui lui convient?
|
La
réalité se trouve, sans doute, dans
une combinaison des deux propositions; les
élèves sont des êtres
biologiques avec certaines caractéristiques
communes mais ce sont aussi des personnes avec un
psychisme
source de leurs désir individuels. Autrement
dit on peut remarquer que les partisans durs des
"bonnes pratiques" font l'impasse sur la dimension
du désir (de l'imaginaire, de la motivation)
chez l'élève et finalement de ce qui
lui est propre.
La pratique
enseignante?
La pratique
enseignante consiste-elle à s'approprier les
"bonnes pratiques"comme des
modèles à appliquer (
exécuter !) dans la classe ou peut-on penser
que <<pour des enseignants ayant une
pratique réflexive, créatrice et
collective sur leur métier (il faut) une
exigence plus large que le concept de « bonnes
pratiques » qui ne rencontre pas les
dimensions du praticien réflexif...(qui) a
constamment à titiller le désir de
lapprenant, à trouver un point
dappui chez le sujet, à tenir compte
du vécu et de sa position
sociale.>>changement-egalite.be
Cela
ne veut pas dire que l'enseignant doit
tout trouver tout seul mais il enseigne en
<< interrogeant constamment ses
propres pratiques, en (s)observant,
en discutant avec des collègues, en
suivant des formations... Nous voudrions
substituer aux bonnes pratiques le concept
plus modeste dartisanat, de «
bricolage ». Tout reste toujours
à réinventer. Le Petit
Robert (2004) précise entre autres
que bricoler cest aménager
avec ingéniosité, cest
arranger de façon provisoire. Le
travail dans la classe a à voir
avec ce « savant bricolage du maitre
», cet inlassable travail de
recherche rempli tout à la fois de
convictions et de doutes.>>
changement-egalite.be
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Comparaison avec
la question de l'autisme
On peut lire le
communiqué de la Haute Autorité de
Santé du 8/3/2012: "Autisme
Questions/Réponses"
|
Dans
les querelles sur l'autisme on retrouve
des positions semblables, me semble-t-il .
Certains se servent d'une
vérité incontestable:
l'inscription des comportements dans le
biologique et le neuronal pour s'appuyer
sur les actions efficaces que cela exige
mais ils oublient (ou nient) le
psychisme
de la personne de l'enfant (qui existe
même chez un autiste !) avec sa
singularité et qui demande, lui
aussi, à être pris en compte.
<<Nous avons constaté,
suite aux fuites organisées dans la
presse dextraits du rapport sur les
recommandations des bonnes pratiques dans
la prise en charge de lautisme, le
recul de la Haute Autorité sur sa
position quant au constat de
labsence de données pouvant
permettre de conclure à la
pertinence des interventions
fondées sur les approches
psychanalytiques, ni sur la
psychothérapie institutionnelle,
...>>
scoop.it/t/resautisme
|
On admet
l'évidence que les mots ont une source
neuronale, mais on oublie la boucle
rétroactive qui indique que les mots peuvent
agir sur le neuronal (voir les mots, phrases
prononcés par certaines personnes et qui
"vous ont marqué" dans votre vie; voir
également la plasticité
neuronale).
Or
<<La psychanalyse nest pas
une, elle est multiple, comme le sont les
pratiques psychanalytiques ; elles ont
pourtant toutes un point commun : elles
sont fondées sur
lécoute de lautre.
Songer à interdire
légalement lécoute
dun groupe humain
révèle une idéologie
politique sous-jacente des plus
inquiétantes. Certes, toute
écoute nest pas
psychanalytique, mais comment le
législateur fera-t-il la
différence entre la pratique
psychanalytique nocive de
lécoute et celle
bénéfique autorisée?
Est-il de surcroît de son rôle
de prôner des approches sourdes
à lécoute des
singularités du sujet
autiste?.....Toutes les pratiques
psychanalytiques ont en commun de
prôner le respect du singulier et sa
non résorption dans
luniversel.>>
laregledujeu.org/2012/02/15/8916/ecoutez-les-autistes
|
<<Dans
une dizaine
d'établissements
français du secteur
sanitaire et
médico-social, nous nous
apprêtons pourtant à
implanter des classes
expérimentales
destinées aux enfants
autistes, reposant sur une
approche pédagogique
structurée à
visée
subjectivante.
Dans
ce projet mené en
partenariat avec l'association de
prévention de l'autisme
PreAut, nous refusons donc un
choix exclusif entre approche
psycho-dynamique et programmes de
stimulation cognitive, mais
souhaitons justement
évaluer, grâce
à un protocole de
recherche, dans quelle mesure les
deux approches peuvent se
soutenir l'une l'autre.>>
"Psychanalystes, ne soyons
pas sectaires! Diversifions les
approches de
l'autisme."
Marie-Noëlle
Clément.
Le Monde 7/3/12
|
|
Autrement
dit si on peut penser que des apprentissages sont
utiles pour que l'autiste accède à la
parole, on peut aussi penser que la
psychothérapie par la parole peut avoir une
action utile pour lui.
Les
phénomènes risquent souvent
d'être réduits au biologique et au
neuronal en oubliant "le sens" que ces
phénomènes prennent pour la personne,
leur aspect "imaginaire" qui n'est pas sans effet.
(C'est la tendance scientiste qui
réapparaît parfois).
La recherche de la
prise en compte du global d'une situation sans
négliger ses éléments demande
souvent de nombreux praticiens et beaucoup de
tolérance pour que chacun ne passe pas trop
de temps à la défense de son
territoire!
Bonnes
pratiques, le local et le global
La
question revient à celle de la
relation entre les éléments
et le tout (le local et le global) d'un
ensemble:
-
Le scientiste tend à
réduire le problème
à ses éléments
(biologique, neuronal) en
négligeant ou niant le global
(la personne, le psychisme).
- Le
mystique tend à nier ou
édulcorer les
éléments (biologique,
neuronal) pour ne voir que l'ensemble
(l'esprit?)
Le
matheux sait qu'un ensemble est plus que
ses éléments. Morin
introduit la notion
d'émergence pour passer des
éléments au tout (voir la
vidéo)
|
Le
phénomène d'émergence
au sens de Morin
|
Emergence
par hologramproductions
|
Il
existe aussi une relation du local au global en
politique, en économie, en écologie;
on ne peut réduire l'un à l'autre; ce
sont deux dimensions qui interfèrent,
interagissent l'une sur l'autre.
L'apprentissage
est-il un dressage (accumulation de savoirs et de
savoir faire) ou une construction de connaissances
par un sujet désirant savoir?
Doit-on avec un
autiste faire de l'apprentissage (dressage ) ou
tenir compte de son désir même s'il
paraît peu visible parfois?
Sans doute les
deux en combinant dans un dosage subtil la prise en
compte des désirs des élèves
(de l'autiste) et les obligations, frustrantes
parfois, pour atteindre un programme.
De même
pour l'éducation sexuelle des jeunes,
doit-elle se réduire à une
description des organes génitaux et de
l'action des hormones et des phérormones? ou
doit-elle aborder aussi les questions plus
"globales" de l'amour, des relations entre
sexes?...
La
classe est-elle vue "globalement" <<je
parle à la classe>> ou comme une somme
d'individus dont on veut, ou doit, s'occuper
individuellement? Il y a aussi là des
individus qui interfèrent avec la classe
(bouc émissaire) et "la classe" qui
interfère avec les individus
(phénomènes de groupe). Il
émerge quelque chose de l'ensemble des
élèves: c'est "la classe" avec ses
caractéristiques particulières
(travailleuse, chahuteuse...)
Notre
difficulté à ne pas sacrifier un
terme ne vient-il pas de notre habitude
à raisonner en tout ou rien, 0 ou 1 (et les
machines nous y encouragent!) il nous faut passer
à une autre
logique (la
logique floue) qui nous évitera cette
tendance à la simplification
outrancière...et au plaisir des
polémiques !
Bonnes pratiques
et formation des enseignants
Il n'y
a pas d'apprentissage sans désir
(motivation);
il
n'y a pas d'apprentissage sans frustration
(déséquilibre,
déstabilisation).
La
prévention et la répression sont
indispensables dans une classe, l'une ne va pas
sans l'autre. Mais ce sont comme toujours des
couples que l'on cherche plus à opposer
qu'à associer.
La formation
des enseignants doit-elle devenir un apprentissage
de "bonnes pratiques" et de "gestes
professsionnels" décidés par des
"commisions de consensus" s'appuyant
sur les recherches en sciences de
l'éducation et en didactique ou
l'apprentissage de la compétence à
réguler frustration et désir chez les
élèves, prévention et
répression dans la classe...
?
Aquisition de
"bonnes pratiques" ou développement des
"compétences à analyser et
à faire face à
l'imprévu"?
Acquisition de
"gestes professionnels" ou developpement des
"compétences d'écoute de la
singularité d'un
élève"?
Des "bonnes
pratiques, outils ou exemples" peuvent servir mais
attention à ce qu'ils ne deviennent pas
"modèles" obligatoires.
<<Les
appels à l'autonomie du terrain, les
discours du type "vous êtes formidables,
vous êtes au contact des
difficultés, donc vous allez inventer des
solutions", ..laissent (les chercheurs)
également perplexes, tout comme ceux qui
portent sur les "bonnes pratiques", qu'on
pourrait ainsi transposer. Se pose
évidemment la question de la formation
des enseignants, et du lien entre les pratiques
et le travail théorique pour "rendre
saillante la question des objets
d'apprentissage". >> JY ROCHEX
ToutEduc.fr
Un choix crucial
dans la formation des enseignants
Quels sont les
objets d'apprentissage dans la formation des
enseignants? comment établir un lien entre
théorie et pratiques dans sa
complexité? (Voir: Soi
et la théorie : petit examen de la
relation ).
Autrement dit n'a t-on pas plus besoin de la
compréhension des processus que de "bonnes
pratiques"?
|