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Les représentations de l'élève

Thèse de Stéphanie LELOUP

Les représentations de l'élève « idéal »

             Pour les lycéens, l'élève « idéal » se définit d'abord par son attitude en classe, puis par un certain nombre de traits de caractère. En cours, il est attentif, il écoute et il ne perturbe pas le cours (ce qui rejoint encore une fois l'idée que le « bon » cours, pour les élèves, c'est d'abord un cours sans problème de discipline.) Par ailleurs, il participe. C'est essentiellement un élève « sérieux », qui travaille et qui est intéressé par toutes les matières. Ce dernier item a surtout été invoqué dans les entretiens élèves sur le thème du manque :

« Les différences [avec l'élève idéal] ? Être motivé dans toutes les matières... Des fois, je donne l'impression que je suis motivée mais je ne le suis pas. » (élève 14). S'il ne l'est pas, il doit au moins donner le change : prendre des notes, faire ce que le professeur attend de lui, bien se tenir. L'élève idéal parvient aussi à réussir sa vie hors du lycée : il ne sacrifie pas ses loisirs à ses études, mais il obtient tout de même de bonnes notes.

             Être autonome, intelligent ou heureux est moins important qu'être sociable. Certains élèves ont beaucoup insisté sur le fait qu'un élève idéal, cela ne devait pas être « un élève coincé, tout seul dans son coin ». C'est un élève qui établit aussi bien de bonnes relations avec ses camarades qu'avec ses professeurs.

             Pour les enseignants, l'élève « idéal » se définit tout autant par son attitude en cours que par ses qualités personnelles. C'est principalement un élève qui participe et qui travaille. Quant au principal trait de caractère qu'ils apprécient, c'est d'être motivé par le savoir.

             Autrement, l'élève « idéal » est gentil, intelligent et autonome. Il joue un rôle actif dans sa formation : l'élève « idéal », mature et autonome, aide ses camarades en difficulté et les respecte.

             Cette autonomie revendiquée, la maturité, l'esprit critique, le fait qu'il ne soit pas scolaire doivent cependant s'exercer dans des limites bien définies : l'élève « idéal » commence toujours par répondre aux exigences de son enseignant.

On demande moins à l'élève d'avoir de la personnalité que d'effectuer ce qu'attend l'enseignant de lui.

             Qu'il soit heureux et décontracté a aussi moins d'importance. Il faut aussi qu'il soit attentif et qu'il écoute « la bonne parole », comme le dit en souriant l'enseignant 7 :

« Mais c'est sûr que j'ai des séquences de cours de 10 minutes -'1 /4 d'heure où c'est moi qui parle et qui donne la "bonne parole" ». Ces exigences et cette référence à l'église sont peu surprenantes. De nombreux auteurs [Houssaye, 1996] ont souligné comment à l'école, comme dans d'autres institutions telles que l'armée, l'église ou les tribunaux, le pouvoir de parler était largement asymétrique. Au lycée, seul l'enseignant a la parole légitime.

             La culture secondaire et supérieure, en revanche, s'enracine dans une conception presque cléricale : l'enseignant dispense une vérité révélée, il parle et demande qu'on l'écoute ; il exige qu'on s'approprie son discours en son absence (c'est le « travail à la maison ») ; et qu'on le lui restitue ; il évalue les résultats au regard de la conformité à des canons académiques stabilisés ...[P. Meirieu, 2001, p. 126]

             Les élèves aussi bien que les enseignants s'accordent à dire que l'élève « idéal » est un élève qui participe en cours et qui travaille. L'attention est aussi un thème prépondérant : il est attentif, il écoute, « il ne parle pas » rajoutent les élèves. On peut noter aussi qu'une certaine fraction de l'échantillon, les professeurs comme les élèves, refuse d'admettre qu'il puisse y avoir un élève « idéal » (alors que le professeur « idéal », lui, existe).

Ceci dit, il y a un certain nombre de représentations non partagées.

             Pour les enseignants, l'élève « idéal » n'est pas forcément en tête de classe. Cette idée est si prégnante qu'elle se retrouve quand on demande aux enseignants ce qu'est pour eux un élève qui réussit au lycée. Ils répondent que pour eux, ce n'est pas un élève qui a forcément des bonnes notes (cité 3 fois), mais qui est prêt à faire des efforts (cité 4 fois). Ce que l'on apprécie surtout, c'est sa bonne volonté, les progrès qu'ils réalisent (ce type d'élève est peut-être plus gratifiant pour le professeur). Cette remarque doit être toutefois nuancée par le constat suivant : un enseignant commence par souligner que l'important ce n'est pas les notes, mais quand on lui demandera de décrire la classe idéale, il mettra en avant le fait que c'était une classe brillante.

             Alors que pour les élèves, un élève « idéal », c'est surtout un « intello », « toujours dans ses bouquins », qui obtient de bons résultats scolaires, même si certains récusent ce modèle.

             Les enseignants apprécient aussi beaucoup plus que les lycéens le fait qu'un élève soit autonome. En fait, pour les professeurs, l'élève « idéal » est une personne qui maîtrise son « métier d'élève » sur le bout des doigts et qui peut donc se permettre d'être non scolaire, de manifester un certain esprit critique, le lycée étant alors un moyen d'épanouissement de la personnalité.

             Alors que pour les élèves, si l'élève « idéal » est un jeune qui exerce en professionnel son « métier d'élève » (il est capable de donner le change, il a de bonnes notes...), l'épanouissement de sa personnalité ne passe pas forcément par le lycée.

L'élève « idéal » selon les élèves
L'élève « idéal » selon les enseignants

Caractéristiques de l'élève
Nombre de citations

Caractéristiques de l'élève
Nombre de citations
Ses traits de caractère

Total=7 (6,4%)

Il est heureux

II est sociable

 

 

 

3

4

 

 

 

Ses traits de caractère

Total=12 (12,4%)

Il est heureux

II est gentil

Il est décontracté

Il a de la personnalité

Il n'est pas scolaire

2

4

1

2

3

Les conditions de sa réussite

Total=31 (28,4%)

Il est intelligent

Il est sérieux

Il est demandeur par rapport au savoir

II est autonome

Il est travailleur

II est intellectuel

 
2

5

5

1

12

6

 

Les conditions de sa réussite

Total=37 (38,1%)

Il est intelligent

Il a l'esprit critique

II est demandeur par rapport au savoir

Il est mature

Il est autonome

Il est travailleur

Aller au lycée a du sens pour lui

4

3

9

3

4

11

3

Son attitude en cours

Total=61 (56%)

Il est attentif

Il écoute

Il ne perturbe pas le cours

Il participe

II prend des notes

II ne parle pas

Il fait ce que veut le prof

II donne l'impression d'être intéressé

Il se tient bien

Il s'intéresse la matière

10

8

10

11

3

4

4

3

3

5

Son attitude en cours

Total=37 (38,1%)

Il est attentif

Il écoute

Il ne perturbe pas le cours

Il participe

Il fait ce que veut le prof

Il tient compte de ses camarades

 

 

 

 

5

5

5

11

5

6

 

 

 

Les conséquences de ses actions

Total=8 (3,7%)

Il a de bonnes notes

Il réussit aussi sa vie non scolaire

 

II n'existe pas

4

4

 

2 (1,8%)

Les conséquences de ses actions

Total=9 (9,3%)

Il n'a pas toujours de bonnes notes

Il fait des progrès

Il a des connaissances

Il n'existe pas

4

4

1

2 (2,1%)

 

Les représentations de l'élève « réel»

 

Le comportement des élèves dans la « réalité », d'après les élèves

 

             Pour la plupart des élèves (18 sur 23), leur comportement n'est pas le même selon les matières. Il dépend du tempérament de l'élève (plus ou moins bavard par exemple), mais il dépend aussi du professeur (de sa sévérité ou non par exemple), de la classe (si les autres élèves suivent dans ce cours-là ou non), de la compétence perçue de l'élève (s'il se croit doué, il participera plus par exemple) et de l'intérêt qu'il peut avoir pour la matière ou pour le sujet que le cours peut aborder. Le comportement en cours est donc éminemment variable, c'est sans doute pourquoi la plupart des élèves disent suivre, mais aussi bavarder ou faire autre chose à l'occasion.

             Ce comportement en cours dépend donc d'un certain nombre de variables, dont la plus importante reste l'élève lui-même, ce qu'il définit comme étant son « tempérament ».

Caractéristiques
Exemples
Nb de citations
Ils écoutent, ils suivent, ils sont sérieux

« Oui, je suis calme, sérieuse, réservée. »

7
Ils écoutent mais ils se livrent aussi à une activité clandestine (bavarder, dessiner...)

«C'est vrai, j'ai l'air d'être absorbé par autre chose... mais tout en écoutant quand même. Je suis capable d'écouter tout en faisant autre chose. »

12
Ils bavardent

«Moi, bavarder ? Oh oui, cela a toujours été comme cela, depuis tout petit. Je bavarde parce que je n'arrive pas à me concentrer deux heures, moi, je ne peux pas. »

4
Ils participent

« Ce que je fais, j'essaie de transmettre aux autres... J'estime... J'estime que j'ai des connaissances, je ne sais pas tout loin de là, mais cela peut être utile d'en faire profiter les autres. »

4

 

 
Les élèves « réels » selon les enseignants
La description des classes se fait en termes
Exemples
Nb de citations
 

             Les enseignants, dans leur majorité, estiment eux aussi que l'écoute des élèves est variable. En général, les élèves sont plus ou moins attentifs selon leurs caractéristiques propres (degré de maturité par exemple), l'horaire où on leur fait cours, et les sujets que l'on aborde. Les problèmes de disciplines, qui n'apparaissaient pas dans la description du cours « idéal » ou « réel », resurgissent dès lors que l'on aborde le comportement des élèves.              D'ailleurs, la tenue de classe, avec l'exercice de l'autorité et la fatigue nerveuse qu'elle suppose, est la difficulté majeure évoquée le plus souvent par les enseignants (cité 10 fois).

De problèmes de discipline qu'elles peuvent poser

« Très dissipés, un manque de respect les uns envers les autres. Ils ne savent pas s'écouter. Pour nombre d'entre eux aussi, la certitude d'en savoir plus que le prof. L'inutilité du prof, des profs quoi. »

10
D'intérêt qu'elles peuvent manifester

« Ils ne sont pas motivés. Globalement pas motivés, j'ai eu des classes plus motivées et plus intéressées. »

6
De travail qu'elles peuvent fournir

« J'ai une classe de seconde..., qui est rentrée dans le coup tout de suite, les élèves se sont mis au travail très vite, sans trop de contrainte. Ils ont compris comment on fonctionnait, il n'y a as besoin de les reprendre. »

5
D' attention qu'elles peuvent fournir

« C'est variable, cela va d'endormi à hyperactif, participant beaucoup. Il y a bavard et attentif, cela change, cela dépend des élèves aussi. »

4
De sympathie qu'elles peuvent inspirer

« Ce sont des classes tout à fait sympathiques »

5

 L'écoute des élèves « réels » selon les enseignants

 
Caractéristiques
Exemples
Nb de citations
Elle est bonne

« Globalement, ils écoutent. Globalement, ils sont curieux, ils sont demandeurs. »

4
Elle est variable
selon les élèves

« Elle est très variable. Quand le message passe au niveau de la responsabilisation des élèves, cela se passe bien. Mais j'ai des élèves qui n'écoutent pas ce qui se passe en classe »

7
selon les moments du cours ou de la journée

« Elle n'est pas trop mauvaise en début de semaine, mais elle se détériore au fil de la journée. »

6
selon les sujets abordés

« Cela dépend de l'intérêt qu'ils portent au cours, du chapitre qu'on est en train d'étudier. »

4
Elle est mauvaise

« Elle est mauvaise. Il faut vraiment sévir par des déplacements, par de la colère, par des moyens un peu... moraux, des menaces. »

4

La présentation de ces différentes représentations de ce que peut être un cours, un prof, un lycée, un élève, « idéal » ou « réel » montre qu'il n'y a pas que des décalages. Ainsi par exemple, les professeurs et les lycéens envisagent à peu près de la même façon l'élève « réel ». Il en va de même pour le cours « idéal » : globalement, les avis des uns et des autres se rejoignent. Il s'agit maintenant d'analyser ces résultats : de quels écarts pourrait venir l'ennui ?

Thèse de Stéphanie LELOUP
SOMMAIRE
Formes de l'ennui
Étude de cas
Décalage entre les représentations des élèves et celle des enseignants
Analyse des écarts
Remèdes à l'ennui scolaire
Le cours
Le professeur
L'élève
Le lycée

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