| <<Oui,
                     je te tourmente. Mais ce n'est pas mon but. Je
                     ne veux savoir qu'une seule chose : quand
                     j'enfonce toutes ces paroles en toi tels des
                     couteaux, qu'est-ce que tu ressens ? Qu'est-ce
                     qui se passe en toi ? >> Robert
                  Musil. Les désarrois de
                  l'élève Törless             Je
                  pars du présupposé que chacun ici a
                  pris connaissance du rapport
                  d'Eric Debarbieux
                  très complet dans le recueil des
                  données, dans son analyse et ses
                  préconisations et ma contribution ici est
                  une modeste réflexion à voix haute
                  sur ce thème qui dit la souffrance là
                  où on devrait trouver un creuset
                  d'humanité. Pourquoi ais-je accepté
                  d'apporter une contribution sur ce thème ? A
                  cela plusieurs raisons et motivations, qui
                  irriguent mes interrogations et parfois m'inspirent
                  quelques pistes de solutions.             
                  La demande m'est arrivée par des structures
                  qui me sont chères, avec lesquelles je
                  collabore depuis longtemps, et qui uvrent
                  pour une Ecole d'avenir, veillant à la
                  qualité des savoirs, à la
                  qualité humaine de ses fonctionnements,
                  interrogeant ses visées, dans une approche
                  marquée par la complexité. C'est donc
                  une collaboration de conviction à ce
                  tricotage collectif.           
                  Dans la littérature qui a bercé mon
                  enfance puis ma jeunesse, j'ai été
                  très marquée par les récits de
                  maltraitance, décrits dans les contes, dans
                  la littérature classique ou contemporaine
                  (Jules Renard, Jules Vallès, Gilbert
                  Cesbron
 à l'école ou dans la
                  famille, Dickens ou Daudet, Bernard Clavel dans le
                  monde de l'apprentissage
) ou le terrible
                  roman de Robert Musil " Les désarrois de
                  l'élève Törless ", repris
                  dans le film de Schloendoffer.           
                  C'est aussi en pleine effervescence de 1968, mon
                  premier poste comme inspectrice de l'Aide sociale
                  à l'Enfance de la Seine St Denis, avec ses
                  10000 enfants suivis par nos services,
                  placés soit en " dépôt
                  temporaire ", soit en " garde " par décision
                  judiciaire, ou abandonnés en vue d'adoption,
                  intégrés dans des internats ou en
                  familles d'accueil, ou simplement
                  accompagnés en milieu ouvert par les
                  services sociaux et la justice.
                  Pépinière de récits de
                  maltraitances diverses, dont celles liées
                  à leur statut d'enfants de " l'assistance "
                  comme on disait encore à cette
                  époque. Mais la maltraitance sociale et
                  familiale faisait alors passer au second plan, les
                  situations de brimades ou de vexations en milieu
                  scolaire qui n'arrivaient à notre services
                  que filtrées par l'école, les
                  familles d'accueil ou les responsables des antennes
                  de placement des enfants en province.           
                  Mon investissement dans L'éducation
                  Nationale, dans son versant consacré
                  à la formation des personnels en Champagne -
                  Ardennes, en IUFM comme directrice adjointe, en
                  France et en Europe. (Stages
                  FNTE/Nimier). La
                  conception et la réalisation de programmes
                  de formation à la relation, dont des
                  sessions consacrées à la violence, la
                  médiation ou à la gestion des
                  conflits m'a convaincue que la qualité de
                  la
                  formation aux relations
                  humaines, dans le
                  cursus initial comme dans la formation continue est
                  une aide à la qualité de la vie
                  relationnelle dans la prévention des
                  maltraitances, à la régulation et au
                  traitement des situations qui ont franchi le seuil
                  de tolérance.            
                  Pour être intervenue 10 ans au Luxembourg,
                  j'ai vu les évolutions dans l'apparition de
                  nouveaux problèmes et dans les
                  manières de les aborder en
                  bénéficiant de mon expérience
                  en France.           
                  Mes travaux sur la mémoire des
                  génocides, la
                  Shoah surtout, mais
                  aussi arménien, m'ont conduite à
                  m'interroger sur ces mécanismes collectifs
                  plus encore qu'individuels, qui font basculer un
                  individu dans l'inhumanité, un père
                  de famille en assassin d'enfants, un amateur de
                  musique classique en barbare, un voisin aimable en
                  prédateur ou dénonciateur. Et par
                  extension à m'interroger dans la vie sociale
                  ordinaire, sur ce qui fait que les pulsions
                  destructrices ou sadiques qui sommeillent en chacun
                  de nous, se déploient à la faveur de
                  circonstances ou de phénomènes
                  de groupe.
                             
                  Mes engagements dans le bénévolat
                  autour de la prévention
                  du suicide, notamment
                  des jeunes, ou auprès de parents
                  endeuillés, et dans l'accompagnement
                  d'équipes qui prennent en charge des
                  troubles psychiques.           
                  Mon
                  travail de coach,
                  sollicité dans l'accompagnement de
                  situations de harcèlement en institution ou
                  en entreprise, et les analogies avec les processus
                  observés à l'école.           
                  Enfin, comme gestalt-thérapeute, j'entends
                  les traces de ces blessures d'enfance, moins
                  spectaculaires que celles des grandes violences,
                  mais qui érodent la confiance en soi,
                  maltraitent l'estime de soi, éveillent
                  parfois des besoins de revanche ou au contraire
                  fossilisent les ex-enfants dans des postures
                  chroniques de victimes. Blessures parfois
                  réveillées dans la vie d'adulte dans
                  une compulsion de
                  répétition.   " L'arbre qui
                  dévoile la forêt
                  "              
                  Mes propos ici s'insèrent dans une
                  journée d'études sur le
                  harcèlement entre pairs à
                  l'école, et je n'ai pas comme mission de
                  balayer tous les champs de cet impressionnant
                  sujet, mais d'orienter le projecteur sur les
                  aspects psychologiques et psychosociologiques qui
                  le favorisent ou sur lesquels nous pouvons nous
                  appuyer pour contenir, sinon éradiquer ces
                  pratiques. Bien entendu, cette perception va varier
                  en fonction des établissements, et il
                  importe de les resituer aussi dans l'ensemble plus
                  large de la
                  violence à
                  l'école et
                  dans la société. Comme le souligne le
                  rapport Debarbieux, la perception de la violence a
                  évolué en fonction des cultures, des
                  codes sociaux, des avancées du droit et de
                  l'éthique, et nous sommes sans doute soumis
                  à des sentiments d'insécurité
                  qui prennent en compte les représentations
                  légitimes de ce que devrait être une
                  société apaisée, à
                  l'Ecole notamment.   Voyage dans
                  quelques " lieux communs "             
                  La forêt, c'est l'ensemble des
                  incivilités et violences
                  régulières que des
                  élèves pratiquent entre-eux, à
                  l'égard du plus faible ou du
                  différent, quelque soit la nature de la
                  différence, dans le cadre scolaire ou dans
                  des activités périscolaires (les
                  vestiaires des centres sportifs ne sont pas exempts
                  de ces pratiques), et c'est ce territoire que nous
                  nous proposons d'arpenter ici, sachant que d'autres
                  formes de violences
                  scolaires se
                  manifestent par ailleurs (vandalisme, agressions
                  ponctuelles, alcoolisation, drogue).           
                  Mais la forêt, c'est aussi l'ensemble des
                  incivilités des parents à
                  l'égard des enseignants et des personnels
                  éducatifs, le harcèlement parfois de
                  collègues entre eux ou le silence complice
                  devant des persécutions des
                  élèves à l'égard de
                  collègues peu appréciés, ou la
                  maltraitance pathologique, rare certes, de chefs
                  d'établissements envers des collègues
                  ou des élèves. J'en ai
                  connu.           
                  La forêt, c'est enfin la dilution du lien
                  social, la perte de repères, de
                  cadre,
                  de boussole, la fragilisation de la loi symbolique,
                  l'ensemble des difficultés sociales et
                  économiques qui sont un terreau favorable
                  aux pulsions agressives, ou qui aggravent ces
                  capacités de nuire ou de violence qui sont
                  présentes en chacun de nous, le plus souvent
                  canalisées par l'éducation, nos
                  valeurs
 et la loi ! Ce sont aussi des
                  pratiques analogues que nous observons dans le
                  monde des adultes, dans la famille, dans des
                  institutions de santé à
                  l'égard de patients ou de résidents,
                  dans des entreprises, ou même chez ceux qui
                  sont mandatés pour faire respecter la
                  loi.           
                  C'est donc bien ces tonalités qui dessinent
                  un nouveau paysage social et vont se
                  décliner différemment selon les
                  lieux. Si je limite mon propos à ce qui m'a
                  été demandé, il n'a cependant
                  de sens que dans une reliance au contexte, aux
                  caractéristiques spécifiques de
                  l'établissement : sa structure sociologique,
                  sa taille, la force des équipes
                  éducatives et la personnalité du
                  principal, proviseur ou directeur, qui amplifient
                  ou limitent les dérives, et son
                  environnement économique et social. Aucun
                  établissement n'est à l'abri de ces
                  déviances, pas même les plus
                  prestigieux lycées publics ou privés.
                  Mais leur forme, leur nombre, leur repérage
                  et leur traitement ont leur propre
                  dynamique.   Un mot-valise ?
                  N'en jetez plus, la valise est
                  pleine   <<
                     Il est possible de détruire quelqu'un
                     juste avec des mots, des regards, des
                     sous-entendus : cela se nomme violence perverse
                     ou harcèlement moral>>.
                     Marie-France Hirigoyen.             
                  Le terme de Harcèlement moral a fait
                  irruption dans le paysage linguistique à la
                  sortie du livre de Marie-France Hirigoyen, en 1998.
                  Le mot a-t-il créé l'objet ou bien
                  a-t-il rassemblé dans un nouveau concept une
                  constellation de pratiques qui depuis le nuit des
                  temps parasitent la vie sociale des classes et des
                  cours de récréation: jeux cruels,
                  rumeurs, brimades, agressions physiques ou
                  verbales, vexations, humiliations, sobriquets, "
                  vannes " répétées, surnoms,
                  racket, persécutions, bizutages et autres
                  trouvailles colorées selon
                  l'évolution des murs ou de la
                  technologie et que nos chères têtes
                  blondes ou brunes manient à notre insu ou
                  sous nos yeux aveugles ou simplement complaisants
                  ?           
                  Il est probable que cet ensemble de
                  dysfonctionnements tolérés durant des
                  siècles dans le paysage social, autant dans
                  les familles que dans l'univers professionnel,
                  s'inscrit dans la logique de rapports de domination
                  : maître/esclave, parents/enfants,
                  hommes/femmes, puissants/faibles, et que
                  l'évolution de notre démocratie, la
                  puissance féconde d'un droit au service des
                  différentes causes d'émancipation, ne
                  sont pas étrangers à cette
                  émergence (Droit du travail, droit des
                  femmes, droits de l'enfant pour ne parler que des
                  plus récents).           
                  Par ailleurs, les enfants et adolescents
                  épongent volontiers ce qui est dans l'air du
                  temps, et par mimétisme introjectent les
                  rapports sociaux de leur environnement : violences
                  des scènes de films ou de l'institution
                  scolaire. Dans La guerre des boutons, si les
                  enfants se malmènent, l'intervention des
                  adultes (quand ils sont présents) remet de
                  l'ordre dans les débordements. (Actuellement
                  les adultes sont bien souvent inopérants
                  dans les rixes de la rue) ; dans Le Cercle des
                  Poètes disparus, c'est l'institution qui est
                  violente et persécutrice, non les
                  élèves, et ceci grâce à
                  certains enseignants qui résistent, dans Les
                  Choristes le mimétisme entre le sadisme du
                  directeur, de certains enseignants et des
                  élèves entre eux est
                  exemplaire.   Comment l'humain
                  fonctionne et dysfonctionne  <<Il
                     existe deux sortes de gens, ceux qui ont une
                     enfance à regretter, et ceux qui ont une
                     enfance à venger.>> Gilbert
                     Cesbron. "Notre prison est un
                     royaume".             
                  La relation maltraitant/maltraité se
                  présente sous la forme d'une relation
                  pathologique, dans une lutte de narcissismes qui
                  peut se dérouler dans un face à face
                  solitaire, mais le plus souvent renforcée
                  par la collaboration active ou passive du groupe,
                  en qui résonne l'une ou l'autre des
                  postures. Cette interaction
                  là est fondamentale.           
                  Mais si ces indications sont des repères, il
                  ne faut jamais oublier que l'enfant et l'adolescent
                  sont en plein développement physique et
                  psychique, et que le soutien éducatif,
                  parfois une thérapie peuvent faire
                  évoluer, contenir, consolider des tendances
                  manifestées. Nous ne pouvons rejoindre les
                  théories des petits délinquants
                  génétiquement programmés -
                  mauvaise graine-, disait déjà ma
                  grand -mère qui n'avait pourtant pas lu le
                  rapport de l'Inserm de 2006, même si des
                  facteurs de risque nous invitent à la
                  vigilance.           
                  Enfin, si ces profils ont une certaine permanence
                  dans le temps, la société voit
                  émerger aussi des formes nouvelles
                  d'expression de ces dysfonctionnements.   Des
                  invariants
                     Le maltraitant
                             
                  Si l'on tente de repérer quelques
                  caractéristiques psychologiques des petits
                  tyrans qui font " la loi des préaux "
                  (Titeuf) et que l'on retrouve à toutes les
                  époques, certaines se retrouvent dans les
                  situations actuelles de harcèlement. Elles
                  peuvent (parfois !) alerter les enseignants et tous
                  les personnels de la vie scolaire. Sauf pour
                  quelques spécimens qui ont
                  défrayé la chronique sociale et
                  judiciaire par l'horreur de leurs gestes, ces
                  fonctionnements restent bien souvent limités
                  à la terrible "banalité du
                  mal".  - Une
                        absence de sens moral, et une
                        incapacité à discerner le bien
                        du mal
                        
                        - Une manière de
                        traiter l'autre en objet et de le mettre
                        à son service - Une façon
                        pathologique de considérer l'autre
                        comme dangereux (attitudes phobiques
                        vis-à-vis du regard par ex) ou
                        différent et la seule manière
                        de ne pas être en danger, c'est de
                        l'anéantir (symboliquement et parfois
                        réellement) - La manifestation de
                        comportements sadiques et d'emprise,
                        derrière un visage d'ange qui trompe
                        son monde et une volonté de
                        nuire - Sa capacité
                        à cristalliser souvent autour de lui,
                        des complices ayant la même structure
                        de personnalité ou simplement des
                        courtisans désireux d'échapper
                        à leur propre faiblesse, des rieurs
                        qui se sentent protégés, des
                        témoins muets effrayés d'avoir
                        à subir le même sort. - Parfois une
                        intelligence et une intuition qui vont lui
                        faire trouver la faille chez l'autre, et
                        investir sa vulnérabilité en
                        même temps qu'une insensibilité
                        à sa souffrance. 
   Le maltraité :
                   - Une
                        tendance à la soumission, allant
                        jusqu'au masochisme.
                        
                        - Certains enfants se
                        trouvent dans des conditions de
                        vulnérabilisé plus visibles :
                        différence sociale ou ethnique,
                        caractéristiques physiques ( trop
                        petit, trop grand, trop gros, roux, albinos,
                        ou habillé hors des codes du milieu
                        dominant, en échec ou au contraire
                        trop brillant, en avance ou en retard , une
                        originalité ou un goût pour la
                        solitude
)  - A l'adolescence, une
                        homosexualité pressentie ou
                        affirmée prête volontiers le
                        flanc à l'ostracisme et à la
                        stigmatisation. L'évolution du regard
                        de la société sur cette
                        question n'a pas forcément
                        gagné l'école dans son
                        ensemble, malgré de belles campagnes
                        d'informations, d'autant que dans certaines
                        cultures, elle reste prohibée ou
                        suspecte. - S'il ne
                        dénonce pas ces pratiques, les signes
                        d'alerte peuvent être des changements
                        de comportements à l'école ou
                        en famille, de repliement sur soi, des
                        baisses de niveau scolaire ou l'apparition
                        d'attitudes asociales, voire des
                        comportements suicidaires. 
   De tristes
                  innovations : des enfants qui nous déroutent
                  :           
                  Les enfants Téflon : décrits
                  dans leur forme extrême et
                  répertoriée comme une pathologie
                  à part entière par Daniel Kemp en
                  1988 pour désigner " l'enfant sur qui
                  rien ne colle: ni les punitions, ni la
                  culpabilité, ni les compliments, ni les
                  promesses, ni la manipulation, ni la politesse, ni
                  les récompenses ". Ils ont gagné
                  nos classes, dans des formes
                  atténuées, notamment en ce qui
                  concerne les sanctions. Parents et
                  éducateurs sont démunis devant ces
                  enfants qui n'offrent pas de prise.            
                  Les ados sans enveloppe (Dominique Demaria).
                  L'image m'a séduite. Formée à
                  la
                  Méthode ESPERE,
                  elle utilise cette expression pour " indiquer le
                  niveau d'insécurité intérieure
                  de ces enfants qui les fait se défendre
                  avant même de savoir comment ça va se
                  passer avec la personne. C'est comme s'il leur
                  manquait une protection naturelle, "une enveloppe"
                  et qu'en cette absence, tout les heurte. "
                  J'imagine qu'ils franchiront allégrement la
                  frontière du harcèlement "
                  préventif " face à un autre
                  perçu comme toujours dangereux.            Les
                  enfants sans colonne vertébrale. C'est
                  ainsi que je perçois des enfants qui pour
                  des raisons sociales, otages de familles
                  déstructurées, traversées par
                  les bouleversements de l'exil ou du chômage,
                  n'ont pas bénéficié de ce qui
                  se transmet dans la verticalité des cultures
                  et des familles. Et qui n'ont comme bagage que la
                  transmission par les pairs et les règles du
                  quartier. Jean-Marie
                  Petitclerc,
                  éducateur rappelait que les enfants ne
                  manquent pas de règles, ils en ont trop, de
                  préférence 
 contradictoires :
                  celles du quartier, celles de la famille, celles de
                  l'école, celles de la vie en
                  société, là où
                  autrefois, il y avait une certaine convergence. "
                  Faute de pères, il convient d'avoir des
                  repères " rappelle le psychosociologue
                  Jacques Salomé qui nous montre aussi que les
                  enfants ont un seuil de résistance à
                  la frustration devenu très bas.           
                  Les enfants incapables de résister
                  à la frustration. Cette
                  caractéristique est le fruit de plusieurs
                  facteurs : une hyper-sollicitation à la
                  consommation et la généralisation de
                  modes d'achat à portée de main, faute
                  d'être à portée de
                  portefeuille, et une grande difficulté pour
                  les parents à oser dire " non " aux
                  exigences des enfants. Quand ils se trouvent face
                  à une opposition ou à une
                  impossibilité de se procurer ce dont ils ont
                  envie (et non besoin) c'est la porte ouverte
                  à l'agressivité et à des
                  passages à l'acte, ainsi qu'à une
                  pratique répandue : le racket. Cette forme
                  de harcèlement offre la double
                  particularité de pouvoir se procurer
                  à bas pris un objet, ou de l'argent pour
                  l'obtenir, en dépossédant la victime
                  qui disposait d'un vêtement ou d'un objet qui
                  parait ouvrir à une reconnaissance sociale
                  (blouson, montre et maintenant objets de
                  technologie multimédias) et se positionner
                  ainsi dans une véritable négation de
                  l'autre.           
                  Le racket met la victime dans une double souffrance
                  : la peur des représailles et la honte de
                  s'être fait dépouiller, et lorsque
                  qu'il s'agit de racket d'argent, se rajoute la
                  honte d'avoir à voler cet argent à la
                  famille, à des amis, chez un
                  commerçant.    Les nourritures
                  terrestres ont de nouvelles formes :           
                  Les jeux virtuels où celui qui tue le plus
                  est gagnant, les films pornographiques qui
                  chosifient les partenaires favorisent une confusion
                  chez les enfants et adolescents dans une
                  déconnection avec le réel qui sont
                  une source de brutalités et
                  persécutions nouvelles banalisées
                  sans états d'âme.   Les lois du
                  groupe explicites ou implicites           
                  Le harcèlement à l'école comme
                  dans la rue, est le plus souvent amplifié
                  par l'existence du groupe agrégé
                  autour d'un chef qui réunit des admirateurs,
                  s'identifient à lui, qui tentent de se faire
                  reconnaitre ou tout simplement tentent
                  d'éviter d'être eux-mêmes
                  victimes, groupe avec des règles de la "
                  meute " . Certes, elles ont toujours existé
                  avec parfois des rituels clandestins, mais les
                  manquements à ces lois du silence
                  débouchent aujourd'hui sur des
                  représailles psychologiques ou des violences
                  physiques accrues, qui se prolongent hors de
                  l'école (dégradations, violences sur
                  des membres de la famille etc.)           
                  La victime de ces fonctionnement pervers est prise
                  dans son désir d'être acceptée
                  dans le groupe, comme les complices d'ailleurs, et
                  son désir de sortir, sans succès, du
                  cercle infernal, ce qui fait que les maltraitants
                  le méprisent encore plus du fait de sa
                  passivité.            
                  Il s'établit ainsi entre les bourreaux et
                  les victimes des liens invisibles, alimentés
                  par la peur, les désirs ambiguës
                  d'être reconnu et d'être
                  différent cependant, mais aussi par la
                  rencontre des fragilités
                  complémentaires (sadisme et masochisme par
                  ex) qui génèrent des relations
                  mortifères et inconsciemment
                  complices.           
                  Quand les caïds se cherchent un
                  souffre-douleur, ils en trouvent. Les parents
                  invitent bien souvent l'enfant à se
                  défendre sans mesurer l'emprise que le
                  harceleur peut exercer sur lui. Pour peu que le
                  système éducatif familial soit
                  imprégné de la sentence - " cela
                  forge le caractère " -, la victime va
                  attribuer sa propre détresse à un
                  manque de courage et de tempérament. Le
                  harceleur peut ne pas être conscient,
                  notamment pour les plus jeunes des
                  conséquences de leurs attitudes : "
                  C'était pour rire, m'dame ", montrant
                  une incapacité à prendre l'autre en
                  compte.   De la
                  banalité du mal à la force du
                  bien           
                  La force de
                  la loi : " Si tu veux la paix, commences par la
                  justice. "St Augustin.           
                  "Il n'y a pas d'amour sans loi, il n'y a pas de
                  loi sans amour." J-M Petitclerc.             
                  Il y a celle qui s'inscrit dans nos livres de droit
                  et dont les tribunaux sont les garants. Il y a les
                  règlements intérieurs très
                  diversement appliqués, il y a aussi des
                  Chartes relationnelles qui visent à
                  contractualiser la manière de vivre ensemble
                  dans une classe. Ces différents niveaux
                  peuvent apporter la complémentarité
                  de leurs visées pour permettre de lutter
                  contre les pratiques de harcèlement, entre
                  sanction et prévention.           
                  Mais la règle rappelée par tout
                  adulte qui intervient au quotidien, c'est aussi
                  celle du tiers qui dit la loi symbolique et invite
                  à la responsabilisation de
                  chacun.           
                  La force de la loi est un étayage pour
                  établir des règles de vie en commun,
                  elle est là pour sanctionner les
                  dysfonctionnements (en fonction des
                  différents niveaux évoqués
                  ci-dessus). Elle est là ensuite pour
                  participer à une restauration du lien
                  interpersonnel et social.   - On ne
                        répare pas une injustice par une autre
                        injustice qui punirait le coupable sans lui
                        donner une possibilité de s'amender.
                        Cela suppose la reconnaissance du
                        préjudice, la sanction, la
                        réparation et qui sait ensuite, mais
                        plus tard, une réconciliation,
                        parfois, ou un pardon, mais comme le
                        préconise Jacques Salomé
                        seulement après avoir effectué
                        une restitution symbolique de la violence
                        reçue. Cette démarche, pas
                        à pas, a le grand avantage d'ouvrir
                        aux harceleurs comme aux harcelés, une
                        double restauration de leur humanité
                        malmenée. " L'humanité n'est
                        pas héréditaire ", nous
                        rappelle la psychanalyste Marie Balmary, et
                        je confirme qu'elle se développe et se
                        restaure par l'éducation et le travail
                        jamais fini sur soi-même.
                        
                        - Nous avons vu que,
                        comprendre les mécanismes qui
                        régissent les liens psychiques
                        invisibles qui sous-tendent les relations
                        bourreaux-victimes, constitue un des ressorts
                        des actions à mener pour sortir du
                        cercle infernal et que des mesures de soins
                        doivent être préconisées
                        pour les harceleurs chroniques à
                        structures perverses, sadiques,
                        manipulatrices, aux côtés des
                        sanctions.
   Quelques leviers
                  d'action : agir sur les connaissances, sur les
                  attitudes, sur les comportements.   -
                        Promouvoir dans tous les types
                        d'enseignement, la compréhension des
                        différences, l'histoire des peuples et
                        de leurs religions et des drames humains de
                        tous les temps liés à
                        l'intolérance, compréhension
                        sans laquelle il ne peut y avoir ni
                        altérité, ni
                        identité.
                        
                        - Oser une
                        culture où la joie, l'enthousiasme,
                        l'étonnement, la curiosité
                        favoriseront l'exploration des
                        différences interpersonnelles ou
                        culturelles. - Eveiller ( ou
                        réveiller) avec les mots de la
                        modernité, le sens moral et les
                        interrogations de la conscience, sans oublier
                        que le monde des adultes est bien souvent peu
                        exemplaire pour assurer cette mission qui lui
                        revient de droit et ...d'obligation
                        éducative. - Développer
                        la responsabilité et les
                        capacités de résistance des
                        victimes et des " complices du silence " : "
                        Ne courbes jamais la tête et ne
                        confonds jamais le droit et la justice "
                        affirmait mon
                        arrière-grand-mère. - Favoriser la
                        confiance en soi et l'estime de soi, propices
                        à porter un regard bienveillant sur
                        soi et par ricochet sur les
                        autres. - Encourager les
                        enfants, non pas à la délation
                        tous azimuts, mais à pouvoir discerner
                        avec un adulte de confiance ou des
                        médiateurs formés, ce qui
                        relève des " accrochages " sans
                        conséquences, et ce qui contrevient
                        à la loi, au règlement, aux
                        chartes relationnelles, au respect de
                        l'autre. - Sortir de la
                        peur pour aller vers le courage notamment
                        pour les " spectateurs. " - Inviter
                        l'enfant harcelé à trouver
                        en lui des ressources pour faire face. (Voir
                        les références de la
                        Méthode ESPERE en annexe, qui apporte
                        des outils précieux).  -
                        Développer une culture de
                        l'écoute et de l'affirmation de soi,
                        plutôt que celle de la riposte qui fait
                        entrer dans la spirale de la violence.
                         - Favoriser tout
                        ce qui implique la coopération et la
                        solidarité dans la
                        pédagogie. - uvrer
                        pour des approches de communication
                        non-violente, mais en les resituant dans une
                        large culture de la Paix qui saura combiner
                        le sens de la justice et revaloriser la
                        fraternité, la grande oubliée
                        du fronton de nos mairies. - Mettre à
                        leur disposition des formations et
                        enseignements à la communication
                        relationnelle avec des personnels
                        formés à cela. - Consacrer des
                        véritables heures de " vie scolaire "
                        (voir projet Avanti au Luxembourg) pour
                        familiariser les élèves
                        à une régulation des
                        problèmes et des incidents, et
                        à développer à partir de
                        ces situations les qualités pour une
                        vie en société. - Développer
                        les ressources de la médiation
                        : enfants, adultes, espaces
                        de médiation
   Renforcer la
                  formation à la relation pour les enseignants
                  et les équipes éducatives tout au
                  long de la vie professionnelle avec comme objectifs
                  :   - Certes
                        d'acquérir des connaissances mais
                        surtout de favoriser des attitudes nouvelles
                        chez ces personnels, de développer
                        leur écoute des personnes et des
                        groupes, d'aborder l'élève et
                        les autres adultes dans leur
                        globalité. 
                        
                        - De prendre l'habitude
                        de la coopération, de la
                        solidarité. - De faire que chacun
                        se connaisse mieux lui-même en
                        explorant ses forces et ses
                        fragilités. - De leur permettre de
                        faire face aux situations de conflits, de
                        crise, de violence. - De renforcer leurs
                        capacités à exercer leur
                        autorité plutôt que leur pouvoir
                        et leur force.  
 Des temps et
                  lieux de paroles :
                   -
                        Groupes de discussions éducatives
                        comme en Norvège.
                        
                        - Mettre en place des
                        groupes d'analyse de pratique pour les
                        enseignants, les différents
                        personnels, les chefs
                        d'établissements, incontournables pour
                        un partage d'expériences, pour faire
                        évoluer les représentations et
                        sortir de la solitude. 
             
                  Et pour conclure en ouvrant avec quelques
                  convictions et un peu de rêve et d'utopie "
                  à réalisation vérifiable ",
                  selon l'expression de Michel Camdessus : " On dit d'un fleuve
                  emportant tout qu'il est violent, mais on ne dit
                  jamais rien de la violence des rives qui
                  l'enserrent" (Bertolt Brecht) et d'autre part,
                  j'ai pu noter aussi ce proverbe africain : " Un
                  fleuve sans rivages devient vite un
                  marécage ". Je crois qu'elles soulignent
                  la double exigence du travail éducatif dans
                  un environnement imparfait.           
                  Il importe que nous prenions en compte la violence
                  de la société, celle de
                  l'Ecole-institution en particulier, afin qu'elle ne
                  déteigne pas sur nos jeunes. Nous en sommes
                  hélas les passeurs volontaires ou
                  inconscients. Mais il nous importe tout autant de
                  donner à ces enfants et ces adolescents, le
                  cadre et les repères avec et contre lesquels
                  ils pourront se construire.           
                  Cela suppose que nous soyons aussi vigilants avec
                  notre propre violence qui avance masquée et
                  peut faire irruption quand notre surmoi se
                  relâche ! Il n'y a pas de transformation
                  sociale sans transformation personnelle, celle des
                  autres, mais aussi la nôtre. (Voir le
                  collectif TP/TS)           
                  Mais encore faut-il que nous puissions proposer
                  à nos jeunes un horizon, un cap, un
                  sens.           
                  On attribue à Sénèque cette
                  affirmation d'expérience selon laquelle "
                  le vent n'est jamais favorable à celui
                  qui ne sait où il va " et j'ai pu penser
                  en ce sens, un article " Quelle enfance et
                  quelle vieillesse voulons nous pour notre
                  planète ", que l'on retrouvera dans
                  notre livre collectif .            
                  Un livre d'optimisme vient étayer ces
                  perspectives et renforcer mes convictions, celui du
                  psychologue, Jacques Lecomte, connu notamment pour
                  ses publications autour de la résilience et
                  son investissement dans la Psychologie positive :
                  La bonté humaine. Altruisme, empathie,
                  générosité , qu'il
                  étudie à travers les espaces et les
                  temps. Il fait émerger les conditions pour
                  repérer ces potentiels d'humanité, et
                  nous donne les clés d'un optimisme lucide et
                  porteur pour notre projet.             
                  A côté de la riche innovation de la
                  Maison de la Justice dans l'Aube, qui permet un
                  accès plus démocratique des citoyens
                  à la Justice, je rêve que l'on ouvre
                  une maison de l'écoute et de la parole qui
                  à mon avis désengorgerait la
                  précédente : un espace, doté
                  d'un arbre à palabres ou d'un olivier
                  ombrageant de la culture rabbinique (pour respecter
                  toutes les sensibilités), où le mur
                  des lamentations se transformerait en mur des
                  réussites , le pont des soupirs en pont de
                  la paix , et où nous pourrions passer
                  efficacement de la culture de la plainte à
                  la culture de l'espoir. C'est possible, c'est
                  déjà commencé, puisque nous
                  sommes là.     Ressources :
                  sites, associations, personnes ressources,
                  ouvrages  Site de
                  l'Institut
                  Espère:
                  On y trouve des publications et des DVD
                  tournés avec Jacques Salomé autour de
                  l'Ecole, en France, Roumanie, Québec,
                  Belgique. Des personnes ressources (voir
                  coordonnées sur le site) ont mis en place
                  des formations dans les écoles (ateliers de
                  communication relationnelle, cours de
                  communication, de la maternelle à
                  l'Université, prévention de la
                  violence et du harcèlement etc. ), Par
                  exemple : Au Luxembourg en
                     primaire ( M-C Garnier) ; A
                     Sablé-sur-Sarthe en collège (
                     Aleth Naquet) ; dans un lycée de
                     Villefranche sur Saône, ( Pascale
                     Rostaing) ; auprès des directeurs d' IUFM
                     , d'enseignants en formation, et
                     d'équipes éducatives
                     d'établissements scolaires de la
                     Région Centre autour de la
                     médiation et de la communication (Lucien
                     Essique) ;ateliers, enseignements autour de la
                     prévention de la violence, du
                     harcèlement et une meilleure
                     communication, à Goussainville et
                     Gennevilliers, notamment auprès d'ados
                     exclus ou réintégrés (
                     Dominique Demaria), formation à la
                     gestion des émotions en maternelle,
                     personnels, enfants, Inspecteurs en Gironde (
                     Marion Grimaud-Mercier) ;  Et aussi à Tarbes
                  (Monique Laffont) avec l'outil Grain de sable
                  élaboré à Nice.  Gilles Salanou a formé
                  dans l'ensemble des collèges de
                  l'Isère, sur 5 ans, 120 médiateurs -
                  accompagnateurs, et la presque totalité des
                  collèges de L'Ain ont
                  bénéficié d'une formation
                  à la communication relationnelle dans la
                  relation pédagogique.    On notera par ailleurs,
                  l'expérience dans la durée
                  réalisée à Clermont-Ferrand,
                  au collège Albert Camus, qui a
                  mobilisé les équipes
                  éducatives pluridisciplinaires, avec une
                  culture partenariale forte avec les partenaires
                  locaux et le quartier : www.educationsante.be/es/article.php?id=1066,
                  source d'inspiration pour d'autres par la
                  convergence des acteurs. http://alternatives-non-violentes.org/ APHEE : Association pour la
                  prévention des phénomènes de
                  harcèlement entre
                  élèves http://www.jeunesviolencesecoute.fr/espace-professionnels/dossiers-thematiques/harcelement   Quelques livres
                   Catheline(N)
                  Harcèlement à l'Ecole. Albin Michel,
                  2008. Salomé (J) Charte
                  relationnelle à l'Ecole. Albin
                  Michel. Tarpinian(A) Donner toute sa
                  chance à l'école. Treize
                  transformations nécessaires et possibles.
                  Éditions Chronique sociale, juin
                  2011. Tarpinian (A) (sous la
                  direction de).Ecole, changer de cap. Chronique
                  sociale, 2008. |