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La tyrannie du "Bien vieillir"

Michel Billé & Didier Martz

Préface de François Dagognet

Editions Le bord de l'eau. ISBN: 978-2-35687-077-3 (2010) 15 €

Dernière de couverture

Voilà bien un paradoxe ! Comment une aspiration largement partagée et souhaitée, vieillir et vieillir bien, pourrait-elle devenir tyrannique ? En devenant une injonction, discrète voire sympathique.

L'injonction à « bien vieillir » s'insinue progressivement dans nos mentalités au point de donner forme à notre rapport individuel et collectif à la vieillesse. Vieillissez, mais vieillissez bien !

Il faut alors chercher à débusquer cette idéologie du « bien vieillir » là où elle se cache : chez le médecin et dans notre assiette, dans nos vêtements et dans le rapport que nous avons avec notre propre corps, dans les multiples publications sur la vieillesse et dans les médias, dans la peur que nous avons de la mort et dans l'idéologie dans laquelle nous baignons...

Si « bien vieillir » devient le projet personnel et politique auquel nul ne saurait déroger, vieillir mal devient une erreur, une faute, presque un délit vis-à-vis de soi-même et vis-à-vis de ceux qui auront à en assumer les conséquences.

II est alors urgent de mettre en question ce que recouvre cette construction idéologique porteuse d'un sens presque invisible tant elle est liée au désir humain. Tyrannie douce qui a pour effet d'asservir nos contemporains et d'exercer une contrainte sur les années de vie qu'ils ont à vivre en vieillissant...

Michel Billé est sociologue, ancien Directeur adjoint de l'Institut Régional du Travail Social de Poitiers. ll a notamment publié La chance de vieillir, essai de gérontologie sociale, L'Harmattan, 2004.

Didier Martz est philosophe. Il a notamment coordonné Vous avez dit euthanasie ?, Le Bord de L'eau, 2003 et Alzheimer : vous avez dit démence ?, Le Bord de l'eau, 2006.

Table des matières

PRÉFACE AVANT-PROPOS

CHAPITRE 1 QUELLE IDÉE

UNE IDÉE CONSENSUELLE

UNE IDÉOLOGIE

UN ABUS DE LANGAGE

UNE INTRANSIGEANCE

UNE ANGUILLE SOUS LA ROCHE

« LE BONHEUR, C'EST TOUJOURS POUR DEMAIN... » « BIEN VIEILLIR », OUI MAIS...

CIRCULEZ, ON « BIENTRAITE » ...

CHAPITRE 2 VIEILLIR SANS DEVENIR VIEUX

LE SACRIFICE DES UNS POUR LE BONHEUR DE TOUS

PEUR DE VIEILLIR, PEUR DE MOURIR...

FAIRE PAYER AUX VIEUX LE PRIX DE NOTRE FINITUDE

AGE ET VIEILLESSE...

COMMENT PENSER LA VIEILLESSE

FAUT-IL AVOIR PEUR DE VIEILLIR

QUE RESTE-T-IL OUAND ON A TOUT PERDU

CHAPITRE 3 LE SPECTRE DE LA MORT

L'AGE DE L'INDIGNATION

VIEILLESSE ET RETRAITEMENT

FICHONS-LEUR LA PAIX !

SOUS LE REGARD DE L'AUTRE

« L'ILLUSION DE LA RESSEMBLANCE »

VIVRE, C'EST MOURIR À PETIT FEU

UNE INJONCTION EN TROMPE I'OEIL.

LA NORMALISATION

DE L'INJONCTION À LA TYRANNIE

« BIEN » SE FAIRE SOIGNER.

CHAPITRE 4 VIEUX ET AUTONOME

AUTONOMIE ET DÉPENDANCE

AUTONOMIE OU AUTOMOBILE?

« LE GRAND RENFERMEMENT »

PRENDRE SOIN DE SOI

SOUFFRIR POUR ÉTRE BEAU...

UN POUVOIR SUR LES CORPS

CHAPITRE 5 LE TEMPS DE LA VIEILLESSE

LA CULPABILISATION

UNE IDÉOLOGIE DE LA PRÉVENTION

DE LA LIBERTÉ

LA SOCIÉTÉ DÉSORIENTÉE

PRENDRE SON TEMPS

UNE VIEILLESSE SANS TEMPS

ÉLOGE DE LA LENTEUR

LE TEMPS DE VIVRE...

BIBLIOGRAPHIE

Un passage

<<D.M. Pourquoi ce refus de la vieillesse et, plus largement, pourquoi ce refus de la personne handicapée ? Pourquoi ce refus des individus qui sont marqués dans leur corps ? Ne s'agit-il que de raisons politiques, économiques ou fmancières évoquées plus haut et ne suffirait-il pas de quelques aménagements, mêmes importants, pour que l'injustice sociale dont ils sont victimes soit levée. Peu probable, car nous touchons là à une dimension anthropologique que j'ai déjà mesurée mais sur laquelle il faut revenir. Le vieux et le handicapé renvoient chacun à leur manière à notre condition d'être mortel, notre finitude, notre vulnérabilité, notre fragilité. Et nous ne voulons pas le voir. À certains moments de l'histoire, les sociétés et leur gouvernement n'ont pas pris de gants pour se débarrasser de cette vision. Ils (et elles) se sont débarrassés purement et simplement des individus porteurs de cette faiblesse inhérente aux hommes. Tantôt sous des formes symboliques, c'est le cas des enfants nés difformes à Sparte ; tantôt sous des formes politiques, c'est le cas et dans l'outrance, de l'Allemagne Nazie. Les sociétés démocratiques, aidées en cela par la pastorale chrétienne de charité, ont, elles, procédé autrement. Elles ont habillé leur refus, déguisé leur rejet, masqué leur aversion sous un discours humaniste. Discours d'autant plus présent et lancinant que l'exclusion est plus forte. Il suffit de mettre en parallèle la masse des discours sirupeux sur l'éthique, et plus particulièrement, sur la dignité des personnes âgées et handicapées, et leurs conditions réelles d'existence. Annie Ernaux décrit (et quiconque a été amené à accompagner un proche dans sa « fin de vie » peut en témoigner) ce que c'est que vivre lorsque ces personnes sont au bout de leur âge : « à nouveau attachée. Elle n'arrive pas à manger son gâteau, une mousse aux abricots, sa main ne trouvait pas ses lèvres, sa langue tirée vers la gâterie inaccessible. Je l'ai fait manger comme mes enfants autrefois. Je crois qu'elle s'en rendait compte. [...] Elle s'est mise à déchirer le carton des gâteaux, à ten-ter de le manger. Elle déchirait tout, sa serviette, une combinaison, essayait de tordre toutes les choses, complètement insensible. Son menton est tombant, sa bouche ouverte'. »p.74

Commentaire

Une réflexion utile sur un sujet tabou.

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