Article publié le 6
/janvier 2010 sur le Site Le-Cercle-Psy ,
de " Sciences Humaines ".Tribune
libre
"Pourquoi
l'école ne parvient-elle pas
à donner à chaque enfant une
chance égale de stimuler son
désir d'apprendre, de
déployer son humanité ?"
Pourtant, les expériences de
terrain encourageantes ne manquent pas.
Plaidoyer pour un projet de
société qui veillerait
à assurer une véritable
éducation psychosociale, et
humaniste.
Face aux promesses et aux menaces de la
modernité, peut-il y avoir une politique et
une éducation pertinentes sans interrogation
sur la vision de l'être humain vers lequel
nous tendons ? Les questions de la famille, de
l'école, de la société, de
l'action politique, et celle de l'évolution
de l'humanité sont en effet liées.
Les apprentissages bons pour l'école le
demeurent pour la vie : apprendre à
connaître, apprendre à faire,
apprendre à se connaître, apprendre
à vivre ensemble. Ces quatre voies d'une
éducation humanisante, au plein sens du
terme, définies par l'Unesco, auxquelles
s'ajoute aujourd'hui la voie écologique,
devraient constituer la trame et la chair de toutes
les formations de 7 à 77
ans
Le terme " humanisant " se
rapporte ici au processus évolutif qui peut
nous conduire, individuellement et collectivement,
à partir d'apprentissages et non
d'exhortations ou des " bonnes intentions dont
l'enfer est pavé ", au
déploiement de ce qui fait la
maturité humaine, à savoir : la
qualité du lien dans toutes ses nuances,
allant de la cordialité et la
tolérance à l'amitié et
l'amour ; la lucidité de l'esprit qui est
connaissance de soi et force du jugement
dégagé des préjugés ;
l'autonomie et la solidarité, vitalement
complémentaires. Cela exige des formes
d'éducation, d'auto-éducation et de
coéducation sans lesquelles l'humanisme
demeure un chemin très mal
assuré.
Ce qu'il faut affirmer avec force,
c'est que les expériences de terrain,
les voies d'actions et les outils existent
mais restent largement ignorés ou
négligés. Bien qu'essentiels
à la réussite humaine, des
savoirs et des apprentissages tels la
connaissance de soi, la capacité
d'écoute, d'empathie, le sens du
dialogue, la capacité de
coopérer, l'esprit critique et
autocritique, ou encore la capacité de
mettre des mots sur ses émotions et
motivations, de se lier à autrui sans
soumission ni domination, de ne pas laisser
les ressentiments et les conflits se
dégrader en violences, ne figurent pas
au programme de l'école.
Pourquoi
?
Ignorer cette éducation psychique :
émotionnelle, relationnelle, introspective
(que l'on dira ici psychosociale), n'est-ce pas
pour le moins comme oublier d'enseigner
l'éducation physique ? Cela s'apprend. Mais
l'Institution, malgré les Recommandations du
Haut Conseil de l'Éducation sur
l'École primaire (2006), ne lui fait pas
concrètement sa place, alors qu'elle est une
" voie royale " indispensable au plein
accomplissement des deux missions,
inséparablement liées, de
l'école :
instruire et
éduquer,
ou, si l'on préfère, transmettre et
former. Les décideurs politiques comme tout
un chacun, peu sensibilisés à cette
dimension, peinent à saisir la nature
profonde du désarroi de l'école.
Ainsi, par exemple, préoccupés
à juste titre par les questions d'ordre et
de sécurité, la grande
majorité d'entre eux restent
étrangers aux éclairages que les
sciences humaines apportent à la question
hypersensible de l'autorité, à son
vrai sens et à ses conditions d'exercice
(cf. " Pour une autorité éducative ",
in ouvrage
collectif, Véronique
Guérin
".
Ecole et
Société
C'est à toute la
société, et non seulement à
l'école, qu'incombe la responsabilité
de repenser les principes, valeurs et modes
d'action par lesquels elle favorise ou non le
développement des qualités
existentielles que nous avons rappelées.
Ainsi, ce que l'on voudrait trouver au fondement
des choix politiques c'est :
- une
vision écologique et anthropologique
fondée sur une meilleure
compréhension du processus
d'humanisation, c'est-à-dire de
maturation mentale et émotionnelle de
l'espèce ;
- une vision
psychologique concernant la maturation des
personnes, nourrie des connaissances des
sciences humaines et sociales accumulées
depuis plus d'un siècle (incluant la
culture psychothérapique,
l'éthologie humaine, les
neurosciences ) ;
- une vision
de la vie sociale, elle aussi mieux
fondée sur ces sciences et permettant des
apprentissages innovants et féconds d'un
" meilleur vivre-ensemble ".
Or à part l'écologie, que la
peur de catastrophes annoncées pousse, non
sans mal, à prendre en compte, ces
perspectives vitales n'apparaissent pas dans les
politiques proposées : l'éducation
psychosociale est loin de prévaloir à
l'école et dans la société.
Elle n'est pas identifiée et reconnue, "
sacralisée " comme les autres
savoirs, en France en particulier où
prévaut le " quotient intellectuel "
(QI). Alors que ce qu'on désigne, par
paraphrase, le " quotient
relationnel" (QR)
appelle des formations appropriées (Olivier
Clerc, " Développer
le quotient relationnel : un programme pour le
millénaire
" ). Leur prise en compte ne devrait-elle pas
pourtant devenir partie intégrante de la
préparation à des professions
où la relation aux personnes tient une place
essentielle ? Enseignants, travailleurs sociaux,
médecins et métiers
paramédicaux (Édouard Zarifian
déplorait naguère que les
qualités relationnelles ne comptent en rien
dans le recrutement ou la certification des futurs
médecins, qui ne reçoivent, dans le
meilleur des cas, que très peu d'heures
d'enseignement de psychologie médicale
durant leurs études !) ; mais aussi
métiers de justice, de police, de personnel
pénitentiaire (où depuis peu, il est
vrai, de telles formations commencent à se
mettre officiellement en place). Cela ne
s'impose-t-il pas d'urgence aux métiers de
service aux personnes, dits de proximité,
appelés à se développer
massivement? Ce surcroît de
professionnalisation les ennoblirait comme ils le
méritent : les rendant plus attractifs, il
contribuerait sans doute en partie à la
solution du problème de l'emploi. Pour
quand, de même, une formation psychosociale
à l'ENA et autres Grandes Écoles
?
Le comble, c'est que les étudiants en
psychologie n'y sont pas spécifiquement
formés ! souligne Edmond Marc, professeur
émérite à l'Université
Paris X (" Les
enseignants face la
psychologie
" ). L'expérience montre pourtant qu'il
s'agit d'une formation qui peut être mise en
uvre à l'école, par où
nous passons tous, dès le cours
préparatoire - et même avant -
jusqu'à l'université. Elle
retentirait fortement sur la prévention des
grands travers de l'esprit humain, tels
l'intégrisme et le fanatisme qu'ils soient
religieux ou idéologiques; la tendance
à projeter ses peurs et sa
responsabilité sur des boucs
émissaires ; la xénophobie et, pire,
le racisme qui relève de la psychopathologie
pure. Travers qui touchent tant des gens instruits
que des analphabètes.
La tâche de l'école est
d'ouvrir l'élève à la
complexité du réel, plus animé
de questions que de certitudes dogmatiques.
Davantage encore qu'à ses applications
techniques, c'est à l'histoire et à
l'esprit de doute créatif de la science
qu'il faudrait le former. L'esprit de
curiosité qui favorise au mieux la
maturité des jeunes n'est-il pas aussi ce
qui assure la jeunesse des vieux ? (Edgar Morin, "
Mieux
répondre à la curiosité de
l'enfant ").
La contradiction
fondamentale
Sans mettre en question
l'investissement positif des personnels de
l'école, c'est la contradiction
insidieuse et profonde entre les valeurs
républicaines invoquées et les
valeurs réellement transmises, qui
reste principalement à repenser.
Car à l'école, tout autant que
dans la société, l'excellence se
juge sur la capacité à surpasser les
autres et non sur l'émulation constructive
face à des savoirs ou des compétences
à acquérir, et notamment celles
de la coopération, du travail en
équipe, des échanges positifs de
savoirs et de savoir-faire. Aussi, l'invocation de
" l'égalité des chances
" se révèle être un recours
éthique et pratique de faible portée
dans notre système de compétition
effrénée. Dans une remarquable
analyse, François Dubet en a décrit
avec précision les effets pervers (Le Monde,
1er décembre 2009). L'égalité
des chances " sauve " quelques-uns, mais la bonne
conscience qu'elle suscite conduit à
éluder la vraie question : pourquoi
l'école ne parvient-elle pas à donner
à chaque enfant une chance égale de
stimuler son désir d'apprendre, de
déployer son humanité ? Elle est
loin, répétons-le, d'être seule
en cause, encore faudrait-il qu'elle assume plus
lucidement la part de responsabilité et
d'intervention positive qui lui revient.
L'école qui devrait être une
promenade heureuse et studieuse dans la belle
forêt des connaissances, mais aussi un large
chemin d'apprentissage de l'autonomie et du lien
social, est devenue une course où les
élèves, incités à se
comparer obsessionnellement, entrent sourdement ou
bruyamment en rivalité." (cf.
Désorientation de l'enfant face au jeu et au
travail, in Vivre s'apprend
). Il peut être salutaire de s'interroger sur
la cohérence d'un système scolaire
où, dans cette course incertaine, même
les mieux adaptés se trouvent dans la
contrainte de prendre des cours particuliers pour
assurer leurs succès. Les
élèves fragilisés par des "
handicaps " socio-économiques et culturels
se trouvent naturellement le plus vivement
exposés aux effets pervers de ce
système aberrant de gagnants-perdants. Mais
s'ils y sont plus nombreux, les perdants ne se
rencontrent pas seulement dans " les banlieues qui
brûlent ", ils sont de tous les milieux. On
comprend dans ces conditions que le "
Collège unique " demeurera une
de ces bonnes intentions dont l'enfer est
pavé, tant que l'école fonctionnera
selon cette contre-éthique, en
vérité
antirépublicaine.
La carence de la dimension
psychosociale dans la formation des
enseignants peut expliquer pour partie leur
mal-être face à la
difficulté de répondre à
la démocratisation massive d'une
école qui continue, globalement, de
fonctionner selon les critères et les
valeurs d'un système où seuls 5
% des élèves accédaient
au lycée. Beaucoup d'enseignants en
ont conscience, se forment individuellement,
en tirent profit ; des expériences
fleurissent mais se fanent faute de relais
officiels.
La
souffrance à l'école et les
risques de dépression des enseignants
sont plus élevés que dans les
entreprises privées ou
pseudo-publiques, bien que l'emploi y soit a
priori assuré.
Qu'elle le reconnaisse ou non,
l'école est en bien comme en mal fille et
mère de la société et de ses
valeurs. Elle gagnerait à mieux s'expliquer
en quoi, en profondeur, elle stimule ou contrarie
les potentialités de l'élève.
Pourquoi, grâce à l'empathie de tel ou
tel adulte, certains élèves
très vulnérables restaurent l'estime
de soi et la confiance dans leurs capacités
intellectuelles. (Jacques
Lecomte, " Les enseignants : tuteurs potentiels
de
résilience
" ).
Analyser les problèmes sous cet angle
essentiel permet d'approcher, dans toute leur
profondeur et complexité, les causes des
échecs scolaires, et plus encore de mieux
comprendre les conditions de la réussite, au
sens plein du terme (ICI).
Ces conditions, qui seraient hautement
préventives, restent largement
méconnues...
Pour une éducation
humanisante
Dans une orientation générale
centrée sur le déploiement de
l'humain, on pourrait au niveau de l'école
recommander huit mesures - parmi d'autres - dont
l'efficacité psychopédagogique a
été largement vérifiée.
À noter qu'elles n'entraîneraient que
de faibles coûts supplémentaires, car
elles sont avant tout qualitatives :
1)
Développer l'aptitude à
coopérer et officialiser le " travail
en équipe " des adultes comme des
élèves. Assurer les formations
appropriées ;
2)
Initier les personnels de l'école
à la psychologie de l'enfant et des
adolescents, complétées par la
psychologie des élèves et celle
des enseignants. Les former à l'animation
des groupes, du groupe-classe en particulier
;
3)
Promouvoir les Analyses
de Pratiques
professionnelles
(partage en groupe des expériences,
libérateur des méfaits du "
splendide isolement de l'enseignant " (3))
;
4)
Abandonner progressivement - au profit de
modes d'évaluation novateurs et
auto-formateurs - les modes stigmatisants
d'évaluation, plus ou moins arbitraires,
qui fragilisent la confiance de l'enfant dans
ses capacités et son
auto-efficacité, exacerbent l'esprit de
compétition, créent la hantise de
la note et des classements, sous l'il
anxieux des parents, et pervertissent ainsi les
motifs et le désir d'apprendre
;
5)
Conférer un statut positif à
l'erreur dans les processus d'apprentissage
et de formation : les libérer de la
phobie de la faute. Cela constituerait une
véritable révolution mentale et
culturelle, qui ferait notamment passer d'une
pédagogie intimidante à une
pédagogie sécurisante et
stimulante. Un certain nombre d'enseignants
uvrent en ce sens, mais l'archaïsme
du système reste surdéterminant.
(Daniel Favre " L'erreur et la faute " (1)).
Selon l'enquête européenne PISA,
évoquée plus loin, les jeunes
français se rangent parmi les
élèves les plus " inhibés "
quant à leurs capacités
d'expression;
6)
Appliquer les instructions officielles de la
réforme de 1989 concernant les
apprentissages de base en cycles de maturation,
et non par année d'âge, ce qui
éviterait l'effet pervers de vouloir
faire avancer au même pas des
élèves de 5 et 6 ans, les uns
étant nés en janvier et d'autres
en décembre de la même année
; c'est sans doute un élément plus
déterminant de difficultés et
d'échecs scolaires que l'influence de
telle ou telle méthode d'apprentissage
;
7)
Assurer la formation à " la
médiation et à la
résolution des conflits " pour les
élèves comme pour les adultes. Ce
qui reviendrait à développer une
culture de dialogue et de paix qui ne soit pas
un vu mais un apprentissage au quotidien.
La loi qui instaurerait un droit de l'enfant
à la non-violence ne saurait être
séparée du droit de l'enfant
à une éducation à la
non-violence.
8)
Enrichir l'heure d'éducation civique par
des pratiques d'éducation
psychosociale éprouvées,
favorisant la maturation de l'esprit et du
sentiment de coresponsabilité
démocratiques (cf. notamment les
approches performantes de la Sociopsychanalyse
ou de la Thérapie Sociale, in ouvrage
collectif :
Claire Rueff-Escoubès et Charles Rojzman
).
Soulignons que les programmes
d'éducation et de formation psychosociales
de grande valeur ne manquent pas. À retenir
particulièrement le Programme pour
l'école de la Coordination française
pour la culture de paix et de non-violence,
www.ecole-nonviolence.org.
De nombreuses pistes théoriques et pratiques
sont signalées à la fin des chapitres
de l'ouvrage collectif, École
: changer de cap
et dans le Guide des ressources, www.nonviolence-actualité.org
, ou dans les sites de Georges Hervé,
http://assoreveil.org
et de Jacques Nimier, Les facteurs humains dans
l'enseignement et la formation
d'adultes,
www.PedagoPsy.eu
etc.
Beaucoup de ces outils de formation
psychosociale trouveraient leur place naturelle
dans les Groupements d'établissements
publics d'enseignement (GRETA), qui
fédèrent les ressources de ces
établissements, les enseignants et aussi les
équipements, et organisent des actions de
formation continue pour adultes, www.education.gouv.fr.
Réponses de
fond
Sans sous-estimer toute la complexité
des facteurs en jeu, l'application (non exhaustive)
de ces mesures basiques, dont chacune a fait ses
preuves, pourrait susciter des effets
systémiques
profonds sur les représentations
comme sur les valeurs et comportements
implicitement induits et transmis. Elles
contribueraient à remotiver les
élèves : à éviter
l'ennui, le désinvestissement, le "
décrochage ", voire l'entraînement
dans des spirales d'échec dont on
connaît les conséquences
spectaculaires, mais trop peu les souffrances
intimes qui souvent marquent toute une vie. De
nature à apaiser le climat
de la classe,
ces mesures entraîneraient une
économie d'énergie et une
récupération précieuse du
temps perdu à obtenir l'attention des
élèves. Elles constitueraient des
réponses de fond aux problèmes de la
violence
et de
l'autorité.
Elles auraient naturellement tendance à
diffuser dans le corps social, à
féconder les comportements politiques, et
à s'intégrer au long cours dans
une
éthique
et des pratiques citoyennes.
Souvent cités comme modèles,
les pays nordiques, où la réussite
humaine et la réussite scolaire sont
implicitement reliées, et où "
chaque enfant est important ", obtiennent au
niveau européen les meilleurs
résultats. À noter
qu'en
Finlande,
qui se classe en tête des pays
européens, il n'y a pas de notation, au sens
où nous la pratiquons, avant l'entrée
en cinquième. Cette dernière mesure
ne suscite, bien sûr, des effets positifs
durables que dans une réorientation
éthique et pédagogique plus
générale du système scolaire.
En tout état de cause, on peut souhaiter que
le monde enseignant et les décideurs
politiques " planchent " sur ces résultats
(Henri Charpentier, " Systèmes
scolaires et équité
sociale
").
S'engager dans ce sens permettrait à
notre école d'intégrer pleinement la
dimension anthropologique, qui appelle une
éducation où savoirs, savoir-faire,
savoir-être et savoir-être-ensemble
s'apprennent conjointement, et la dimension
écologique, qui requiert un
développement économique sensé
opposé au rendement à tout prix,
aveugle sur ses conséquences. Dans cette
optique, fondatrice de plus d'humanité,
les
Sept Savoirs existentiels préconisés
par Edgar Morin offrent
pour l'avenir des pistes d'or
incontournables
Sans les
idéaliser, les exemples nordiques montrent
que nous nous trouvons devant une évolution
culturelle et sociale possible, et non une utopie.
Un projet de société plus
authentiquement accordé au processus
d'humanisation, et pouvant insuffler plus
d'âme, de sens et de consistance à
l'idéal républicain et à
l'action politique. Seule une compréhension
systémique de l'ensemble des
interactions
interpersonnelles, sociétales et politiques
peut fonder des changements de cap significatifs.
C'est penser et uvrer dans le long terme, ce
qui permet au mieux de fonder dans le
présent nos réponses aux attentes
actuelles et aux souffrances pressantes.
La bonne
nouvelle
Voici un siècle, Péguy
écrivait que " les crises de
l'enseignement ne sont pas des crises de
l'enseignement, mais des crises de vie ". Nous
pourrions, prolongeant sa profonde remarque, dire
aujourd'hui que la crise de l'école, la
crise de l'écologie, et la crise de
l'économie (avec ses immenses
inégalités sociales qu'elle corrige
d'un côté et augmente gravement de
l'autre) ont des racines anthropologiques et
éthiques communes : l'immaturité de
l'espèce face à son prodigieux et
fragile destin, et ses erreurs de calcul dans sa
recherche vitale de satisfaction, selon les mots de
Paul Diel
.
En témoignent les mille milliards d'euros
que la société internationale a
consacré, en 2008, aux dépenses
militaires, et son impuissance à mobiliser
les cent milliards d'euros par an qui
permettraient, en peu d'années, de
régler le problème de l'eau dans le
monde, d'éradiquer la famine et la
mortalité infantile, scandaleuse,
liée à la misère
matérielle et au défaut de soins
Patrick Viveret, cofondateur des " Dialogues
en Humanité ", ne cesse de rappeler que
l'inhumanité de l'humanité est
devenue le problème central de la politique
Entre les progrès exponentiels des
techniques, qui nous éblouissent à
juste titre, mais dont les applications restent
pour partie chargés de méfaits,
actuels ou potentiels, et les pas lents de notre
lucidité et de notre sagesse, le contraste
ne reste-t-il pas vitalement préoccupant
?
Mais au-delà de nos peurs - voire de
l'angoisse abyssale - que cela entraîne,
c'est dans la mobilisation concrète des
acquis théoriques et des atouts pratiques
fondamentaux dont nous disposons, que nous pouvons
positivement ancrer notre espérance et nos
actions..
C'est sur un vrai changement de notre
regard sur nous-mêmes et sur le monde que
l'humanisme peut se refonder.
On comprend pourquoi Michelet affirmait, de
façon volontairement réductrice, que
la partie la plus importante de la politique
était l'éducation. Et la seconde, lui
demandait-on ? L'éducation. La
troisième ? L'éducation. Nous dirions
aujourd'hui une Politique et une École
habitées par le même projet, le
même souci d'humanisation.
La bonne nouvelle c'est, j'insiste, que nous
savons comment nous pourrions, dans cette aventure
inconcevable de l'émergence de
l'espèce pensante, avancer un peu plus
sûrement sur les chemins escarpés de
l'évolution. (Voir:
Idées-Forces pour le XXIe
siècle
)
Nous en laisserons-nous le temps
?
Bibliographie
complémentaire
Revue
de Psychologie de la Motivation : Éducation
et humanisation, n° 31, 2001 ;
Développement individuel et
développement collectif, n° 32, 2001 ;
Repenser la réussite, n° 37, 2004 ;
Éducation et Société, n°
41, 2008 cf. www.psychomotivation.net
Eric
Debarbieux.
Violence à l'école : un défi
mondial ? Armand Colin, 2006
Daniel
Favre.
Transformer la violence des élèves.
Cerveau, motivations et apprentissage. Dunod,
2006
Jacques Fortin.
Mieux vivre ensemble dès l'école
maternelle. Hachette Éducation,
2008
André
Giordan.
Une autre école pour nos enfants. Delagrave,
2002
Claire et Marc
Héber-Suffrin. Savoirs et réseaux.
Editions Ovadia, 2009
Jacques Lecomte.
Introduction à la psychologie positive.
Dunod, 2009
Armen
Tarpinian,
directeur de la
Revue de Psychologie de la Motivation (1986-2008),
cofondateur du Projet Transformation Personnelle -
Transformation Sociale. Il a codirigé les
ouvrages collectifs : Être
Psychothérapeute. Questions, pratiques,
enjeux (Dunod, 2005) ; École changer de cap.
Contributions à une éducation
humanisante (2007), et Idées-Forces pour le
XXIe siècle (2009), chez Chronique Sociale.
Il a publié en 2009, chez le même
éditeur, Vivre s'apprend Refonder
l'humanisme ; et aux Éditions La Part
Commune, un recueil de poèmes, (1945-2005),
Le Chant et L'Ombre.