En
tout état de cause, les temps semblent plus
mûrs : les mentalités et
préjugés les plus coriaces commencent
à se fissurer suite à l'acuité
des manifestations de la crise scolaire
(décrocheurs, violences etc.) et grâce
aux enquêtes internationales comparatives si
peu favorables au Système français
(PISA).
La Concertation a su
dégager des accords tant sur le diagnostic
que sur les voies de sortie de la Crise scolaire.
Précisons au passage que ces échanges
ont été l'occasion d'amorcer la
mutualisation d'approches parallèles ou
complémentaires qui mènent des
combats d'autant plus
désespérés qu'elles
s'ignorent.
Sans
récuser l'intérêt de " refonder
" et transmettre explicitement la morale
laïque à l'école, c'est la
morale laïque implicite de l'école,
inhérente à ses finalités,
à ses valeurs et pratiques, qui demeurera
l'essentiel. Mais conçue (selon ce qu'en a
pu dire le ministre) comme un atelier de formation
à l'esprit d'ouverture, d'apprentissage de
la sociabilité, de lucidité et de bon
usage de la raison, la morale laïque pourrait
constituer une discipline à part
entière.
Dispensée mensuellement avec des
pédagogies et des outils appropriés,
il serait à l'école,
psychologiquement parlant, contre-productif de la
noter. L'intérêt vital qu'elle
susciterait serait le gage de sa
fécondité. Inscrite au programme des
prochaines "Écoles Supérieures de
Professorat et d'Éducation" (ESPE), elle
retentirait profondément via des enseignants
plus informés et mieux formés, sur la
morale implicite de l'école.
Nos treize propositions de transformation lui
offrent un socle " moral " ou, pour l'exprimer de
façon plus neutre, des fondements pour un "
humanisme " revitalisé et actif. Leur
portée éducative et préventive
épargnerait bien des souffrances
personnelles et sociales et, faut-il l'ajouter, des
dépenses de santé publique, voire de
justice...
En résonance avec beaucoup d'autres
approches, elles aussi investies dans la
Concertation, ces propositions reçoivent un
vif accueil de la Communauté
éducative. De nature à donner tout
son sens à l'école, elles vivifient
le désir d'apprendre de l'enfant et
transforment en profondeur le climat de la classe.
L'expérience le démontre amplement,
Répondant mieux au besoin de
développement humain commun à chaque
enfant, elles donnent à l'école la
chance de mieux assurer la réussite de
tous.
Nous écrivons dans louvrage collectif
cité ci-après : «
Opposées à la contre-éthique
de la concurrence effrénée qui fait
et défait nos sociétés, nos
propositions visent au renouveau du projet
éthique de lhumanisme : du
désir de pouvoir vivre en êtres
humains libres et coopératifs et non en
rivaux. Cela sapprend ! Et où le
peut-on mieux, quà lécole
où nous passons toutes et tous ?
Lécole démocratique et
républicaine lexige plus que jamais :
"Ce qui manque depuis toujours au système
scolaire ce nest pas lascenseur social
où lon aide quelques-uns à
monter, cest lascenseur humain
où tous monteraient" » écrit
(Bruno Mattéi)
Citons-en ici les items 3 et 4
extraits de "Donner
toute sa chance à l'école. Treize
transformations nécessaires et
possibles"
3. Intégrer de la
Maternelle à l'Université les apports
de " l' éducation psycho-sociale ".
L'éducation psycho-sociale,
c'est-à-dire l'intégration
méthodique de la connaissance
de soi et des
interactions
interhumaines dans le
champ des savoirs et des pratiques sociales et
citoyennes, est un tout jeune legs, à faire
fructifier, que notre époque offre à
la culture de l'avenir. Antidote des comportements
inhumains, violents, fanatiques, sexistes et
xénophobes, mais aussi des interrelations
conflictuelles au quotidien, l'éducation
psycho-sociale vise le développement des
compétences humaines fondamentales : sens de
la responsabilité, esprit critique et
autocritique, sens de la complexité, de
l'humour,
capacité d'empathie et de dialogue, de
relation
sans domination ni
aliénation
à autrui, sens de la justice et de la
fraternité, capacité d'autonomie et
de coopération
L'école
où nous passons tous n'en devrait-elle pas
en être au quotidien le meilleur vecteur
?
Pour illustrer avec précision ses voies et
ses pratiques, nous pouvons renvoyer au "
Programme
pour l'école ",
collectivement élaboré dans le cadre
de la " Coordination française pour la
Décennie internationale de la promotion
d'une culture de non-violence et de paix au profit
des enfants du monde " (décidée par
l'ONU en 1998). Ce programme éducatif
(prêt à l'emploi !) balise des pistes
et offre des outils auxquels les
enseignants-élèves gagneraient
à être initiés. Plusieurs
membres de notre Collectif y ont
contribué.
Parmi des approches complémentaires,
généralistes, qui valent aussi pour
l'école, citons la Sociopsychanalyse
de Gérard Mendel (cf.
Claire Rueff-Escoubès) dont les
visées sont de rendre les pratiques
institutionnelles authentiquement
démocratiques, responsabilisantes ; et la
Thérapie sociale de Charles
Rojzman qui conduit,
elle aussi, à susciter dans les Institutions
et en chacune des personnes qui les composent, des
prises de conscience de leur co-implication dans le
mieux-être ou le mal-être collectif.
Appliquées à l'école, ces deux
approches ont une incidence très performante
sur les relations
élèves-élèves et
élèves-adultes. À noter
qu'elles sont largement utilisées hors de
France.
4. Repenser
l'autorité
L'approche elle aussi "formative et
responsabilisante" de l'autorité
lui confère d'autres assises qui
l'émanciperaient de l'ambivalence entre
autoritarisme et laxisme. Elle fonde
l'autorité à l'école sur
quatre fondamentaux :
a)
la
loi,
c'est-à dire le Règlement
général de la vie dans
l'établissement ;
b) les
règles de vie de
classe
établies avec une implication
participative des élèves qui
les responsabilise ;
c) le respect mutuel,
manifesté par des " rituels " de
politesse, d'écoute et de prise de
parole mutuelle, d'entraide ;
d) la
sanction juste,
réparatrice, auto-éducative.
Avec le souci d'apporter des réponses
personnalisées aux
élèves en grande
difficulté
comportementale.
Une exigence pressante serait de renforcer autant
que nécessaire le nombre d'assistantes
sociales, de psychologues scolaires,
d'accompagnants formés à
l'éducation psycho-sociale.
Il faut ajouter que
l'autorité pourra retrouver sa fonction
socialement nécessaire si, par ses
pratiques, l'école parvient à mieux
conforter en chacun le sentiment profond qu'elle
est un lieu authentiquement favorable au
développement de ses qualités
intellectuelles et relationnelles.
Les chahuts, les
violences
banalisées entre élèves,
(harcèlement
et racket des plus vulnérables,
persécutions des premiers de classe
étiquetés hier " fayots ",
aujourd'hui " intellos " voire " collabos ", jeux
à risques parfois mortels... l'insolence
envers les enseignants, tout comme l'ennui pesant,
les rêvasseries, les insomnies et autres maux
d'estomac, ou encore l'absentéisme, etc.
sont motivés chez l'écolier par le
sentiment décourageant et rageant que
l'école n'est pas faite pour lui ni lui pour
l'école. Ce qui conduit les " perdants "
à rechercher des compensations ascolaires ou
asociales à leur besoin vital d'estime et
reconnaissance.
C'est cette perte de confiance dans ses
capacités et la situation
d'échec et d'exclusion qui nourrissent
au plus profond les décrochages, les
repliements silencieux, la
multiformité des violences
Ici
aussi c'est le sens et les conditions de la
réussite qui sont avant tout à
réinterroger : c'est à ce
niveau qu'une réponse vraiment
préventive pourrait se
développer.
Cet article est paru
également sur: http://www.ecolechangerdecap.net
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