Le silence d'un
groupe (d'une
classe) est
un écran blanc sur lequel chacun va pouvoir
projeter ce qu'il a dans sa tête. Autrement
dit il va demander à être
interprété par
l'enseignant. C'est le principe même de
la psychanalyse dans laquelle le psychanalyste
silencieux s'accepte "objet de projection" pour
permettre au patient de découvrir ce qu'il a
dans ses pensées.
<<Je
suis un écran blanc sur
lequel des personnes de tous les
bords peuvent projeter leurs
convictions
politiques>>
Barack Obama in "L'audace
d'espérer" Presses de la
Cité
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Je
me souviens de cet enseignant qui me
disait <<Quand ma classe est
silencieuse j'ai l'impression qu'elle est
"morte">> Alors il s'efforcait
<<de les exciter pour les faire
sortir de leurs gonds
>>. C'est ainsi qu'il
aboutissait à se faire chahuter! et
il en était heureux:
<<Alors j'ai l'impression que les
élèves sont
"vivants">>!
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Des yeux
qui nous regardent en silence ne correspondent pas
toujours à des oreilles qui nous
écoutent!
Ces
élèves sont peut-être en train
de penser à leur prochain W.E, à leur
petit(e) ami(e), à Internet... Leur silence
facilitateur peut être également
déstabilisant .
Le silence
d'une classe peut aussi être le
symptôme d'un fantasme collectif: par
exemple, un désir d'union autour d'un projet
que tous attendent (voir le texte Les
secrets du silence
de Lucette Turbet) ou d'un désir
insatisfait...
Il peut
également résulter de choix
pédagogiques comme le montre Jeanne Moll
dans un
texte fort
intéressant sur les rapports de la
littérature et du silence.( voir
également le
texte
envoyé)
L'enseignant
devant le silence de sa classe, que cela lui plaise
ou non, aura toujours à se demander
"Qu'est-ce qu'ils veulent me dire?"
"Le bruit"
d'une classe est lui aussi à
interpréter:
- est-il
signe d'une intense activité
d'échanges entre élèves sur
le travail demandé? La notion de "bruit
supportable" est alors différente pour
chaque enseignant; ce qui est signe de travail
pour l'un devient insupportable et gêne
pour un autre.
- est-il signe
d'une angoisse diffuse dans la classe? Pourquoi?
Absence de cadre? Ou sentiment que le cadre ne
sera pas défendu solidement?
- est-il
symptome d'un fantasme collectif de la classe?
désir de détruire l'enseignant, le
cadre? fantasme de toute-puissance, tout est
possible dans cette classe? (Voir:
L'écoute
d'un groupe
)
Le silence de
l'élève
Est-il
l'expression d'une parole muette? (Voir
le
texte de Chantal
Constantini).
Il a certainement des raisons bien diverses et dans
tous les cas il est lu par nous de façon
bien personnelle comme le montrent les entretiens
faits avec
Marie,
Ariane,
Françoise
et Nadine.
Ce silence nous renvoie, comme on peut le voir dans
ces entretiens, à nous-mêmes, à
la structure de notre psychisme que nous projetons
sur lui.
Il peut
également nous renvoyer à des
"secrets" (Voir le
texte de Martine
Lani-Bayle).
Silence et secrets ont partie liée parfois!
Les contes,
on le sait, sont une façon d'aborder avec
une classe ou un enfant des sujets difficiles et
permettent une parole sur ce qui n'était que
silence.. Le conte
de la petite
sirène
en est un exemple.
Le silence de
l'enseignant
Nous
enseignants avons souvent envie de parler,
d'expliquer, de donner immédiatement la
solution (de montrer en quelque sorte que "nous
savons") et nous avons bien du mal à
"garder le silence" devant
l'élève qui ne sait pas!
Et pourtant
l'élève:
- a besoin
de temps pour réfléchir, nous
l'oublions souvent , nous qui savons.
- a besoin de
calme pour penser et nos explications risquent
parfois d'être vécues comme un
harcellement.
L'enseignant a
besoin:
-
d'écouter l'élève pour
comprendre ce qui a provoqué son erreur
ou son ignorance.
- de temps pour
réfléchir aux différentes
causes possibles, à ce qu'il serait
judicieux de dire à cet
élève-là, dans ce
contexte-là. Nous avons à
réapprendre le silence comme le dit
Lucette Turbet dans son texte "Réapprende
le silence"
On voit que
le silence de l'enseignant est paradoxalement aussi
important que son discours.
Le silence du
formateur
C'est lui
qui provoque souvent le transfert du stagiaire;
transfert positif moteur de la recherche du savoir
:" il sait, il nous laisse le temps de
réfléchir, il nous invite à
parler") ou du transfert négatif ("il
nous manipule, il veut nous forcer à
parler") qui est à entendre, si on veut
sortir d'un blocage du groupe.
Comment
chaque formateur vit-il ces silences dans un groupe
de formation? Veut-il les "combler" de suite pour
les éviter à tout prix? les
entretient-il avec complaisance pour montrer sa
position? Les laisse t-il mûrir pour
permettre un approfondissement de la
réflexion ? Il y a, en quelque sorte, une
"éthique" du silence dans la formation.
(voir le
texte
envoyé)
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