1) Un
changement se prépare et demande du
temps
C'est
une difficulté générale de
l'E.N. de ne pas tenir compte du temps, du temps
nécessaire pour apprendre, pour
évoluer, pour comprendre, pour s'adapter,
pour mettre en place de nouvelles structures. On a
tendance à croire (comme les jeunes!) qu'on
peut tout, tout de suite! On organise "une
journée" de formation pour de nouveaux
programmes(!!); une formation de médiateurs
en deux jours (!!), on fait paraître une
circulaire qui doit être applicable
immédiatement, on demande de remplir un
questionnaire qui doit être envoyé
dans les 24 h, on fait paraître un appel
d'offre qui doit être renvoyé à
une date parfois déjà
dépassée (!!) etc... Il faut courir,
finir le programme à temps... (Voir:
Notre
rapport au temps).
Il
nous faudrait apprendre à respecter les
temps d'évolution des changements; c'est ce
qu'on fait par exemple dans les GAPP:
<<La
régulation suit le mouvement de
la vie. Plutôt que de vouloir
traiter un thème
complètement et
prématurément de
manière volontariste, on
l'accueille dans une sorte d'annonce
lointaine lorsqu'il apparaît sous
forme d'esquisse brève. Quelque
temps après entre six
mois et un an en général
, il est repris et exploré
plus « à fond »
pendant deux ou trois séances,
fussent-elles légèrement
espacées. On s'aperçoit
que le problème a mûri.
Puis il n'en est pratiquement plus
question. Toutefois, quelques
phénomènes de
résurgence se produisent encore
à retardement. L'ensemble est
comparable à la démarche
du peintre qui tente quelques
ébauches, laisse reposer, traite
à fond et retouche à
l'occasion.>> p. 183 Albert
Moyne
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2) Un
changement s'explique
Un
changement n'est en général pas
compris immédiatement, il devient l'objet
d'une "polémique" où chacun se bat
contre des moulins à vent; il donne lieu
à toutes sortes de "rumeurs" qui en
réalité ne font qu'exprimer les peurs
imaginaires des personnes concernées. Ces
rumeurs doivent être écoutées,
entendues car l'explication commence par une
écoute de l'imaginaire suscité par ce
changement annoncé. Les arguments
rationnels sont utiles, ils peuvent participer
à la création de ce cadre rassurant,
propice au changement .
3) Un
changement se discute
Tout
responsable (un ministre comme un enseignant dans
sa classe) sait qu'il ne peut saisir
complétement la complexité d'une
situation qu'il veut changer. Il lui est donc
nécessaire de "discuter" de ce changement
avec les intéressés (syndicats,
élèves de la classe) de façon
à découvrir les
éléments qu'il n'a pas vus, qu'il n'a
pas pris en compte mais que les
intéressés sont les premiers à
connaître. Sinon les résistances
seront plus fortes et porront engendrer ce qu'on
appelle des "effets pervers" c'est-à-dire
des effets opposés à ce qu'attend le
responsable (minitre ou enseignant). Ceci
étant, chacun a sa fonction d'informer ou de
décider avec les responsabilités et
conséquences pour lui-même que cela
comporte.
4) Une
aide au changement est nécessaire
Bien
souvent un changement est demandé (dans un
établissement ou dans une classe...) sans
qu'on donne en même temps l'aide
nécessaire aux intéressés pour
acomplir ce changement, comme si, dans l'imaginaire
du responsable, le changement était
"évident" et "applicable
immédiatement". On ne sera pas surpris,
alors, de l'échec de ce changement par
"désobéissance", par "mauvaise
volonté", par "oubli d'application", par
"une application stricte qui le rend inapplicable"
etc...
C'est
ainsi que peuvent s'expliquer les
résistances à l'aide
personnalisée aux élèves en
primaire. On demande aux professeurs des
écoles d'exercer un nouveau métier
(celui des instituteurs spécialisés)
et ceci sans formation ni aide. "Pour le Snuipp,
"il semble que les enseignants aient besoin d'aide
pour mieux élaborer leur
dispositif""(cafépédagogique)
C'est évident!
<<Bien
qu'il s'agisse principalement ici de
l'étude de nouvelles
méthodes, j'aimerais une fois
encore examiner le problème qui
consiste à désapprendre ou
à abandonner des pratiques et des
routines existantes/Un changement dans la
méthode pédagogique peut
entraîner une perte de
compétence, des risques divers, une
surcharge d'information et une tension
nerveuse étant donné que la
part de l'incertain prend le pas sur celle
de l'incontestable. En plus d'une aide
pratique, il est extrêmement
important d'apporter au professeur un
solide soutien psychologique (Day,
1981).>> p.103 Ducros
Voir: Dossier
accompagnement
5)
Pour changer il faut savoir sortir des chemins
habituels
Nous avons du mal,
face à un problème, à
inventer,à créer quelque chose de
nouveau pour sortir des sentier battus (Pour
remédier à cela, notre enseignement
pourrait inciter à la création plus
qu'à la déduction!). Nous sommes
tentés de renforcer ce que nous connaissons
et savons faire, à demander les même
choses; c'est le fameux "Toujours Plus" de
François de Closet: toujours plus d'argent
pour l'E.N., toujours plus de profs, toujours plus
d'heures d'enseignement pour les
élèves, toujours plus d'heures pour
notre discipline! Autrement dit "Plus de la
même chose"
|
<<La
recette consistant à faire "plus
de la même chose" est une
"solution" qui crée le
problème.
Nous
estimons qu'on retrouve cette
même complication dans un grand
nombre de problèmes humains
réfractaires, dans les cas
où le bon sens porte à
opposer son contraire à un fait
pénible ou douloureux. Par
exemple, rien ne paraît plus
raisonnable tant aux parents qu'aux
amis, que de « remonter » une
personne déprimée. Or, il
est fort vraisemblable que la personne
déprimée ne s'en sentira
pas mieux, mais, au contraire,
s'enfoncera un peu plus dans sa
tristesse. Voyant cela, les autres
redoublent d'efforts pour lui faire
voir le bon côté des
choses. Guidés par la «
raison » et le « bon sens
», ils ne peuvent pas se rendre
compte (et le patient ne peut pas dire)
que Ieur aide, au"fond, consiste
à exiger que le patient ait
certains sentiments (de joie,
d'optimisme, etc.) mais pas d'autres
(de tristesse, de pessimisme, etc.). Il
en résulte qu'au lieu de
connaître un épisode, qui,
à l'origine, aurait pu
n'être qu'un accès
passager de tristesse, le patient est
maintenant envahi de sentiments
d'échec, de
dévalorisation et d'ingratitude
envers ceux qui l'aiment tant et font
tout cela pour l'aider. C'est bien cela
qui constitue la dépression,
et non pas la tristesse du
début.>>p.52
Watzlawick
|
Watzlawick propose un
autre type de changement qu'il nomme "changement
2" et qu'il compare à ce qui se fait au
Judo:
<<
(la technique du changement 2 consiste à
"recadrer") En terme très
abstrait, en effet, re-cadrer signifie faire
porter l'attention sur une autre appartenance de
classe, tout aussi pertinente, d'un
même objet, ou surtout introduire cette
nouvelle appartenance de classe dans le
système conceptuel des personnes
concernées... A plusieurs
égards, cette façon de
résoudre les problèmes ressemble
à la philosophie et à la technique
du judo où l'on n'arrête pas
l'attaque de l'adversaire par une contre-attaque
de force au moins égale, mais où
on la laisse venir et on l'amplifie en
s'effaçant et en l'accompagnant. C'est
à quoi l'adversaire ne s'attend pas, car
il joue un jeu de force contre force, de
"plus de la même chose", et selon les
règles de ce jeu, compte sur une
contre-attaque et non sur un jeu totalement
différent.>> p. 119, 126
Pensons
à la réaction qu'un enseignant peut
avoir en face d'un élève qui
l'agresse
verbalement.
S'il lui répond sur le même ton, en
plus fort (toujours plus), il rentre dans le jeu de
l'élève et sera sûrement
perdant. Ne faut-il pas mieux qu'il re-cadre
l'élève comme l'explique
Watzlawick
<<Le
re-cadrage, pour utiliser une fois de plus le
langage de Wittgenstein, n'attire pas
l'attention sur quoi que ce soit ne
produit pas de prise de conscience mais
enseigne un nouveau jeu qui rend
l'ancien caduc. Le sujet voit «
maintenant quelque chose d'autre et ne peut
plus continuer naïvement à jouer
»..>> p. 126 Watzlawick
6) Un
changement peut se produire à l'occasion
d'une proposition des
élèves.
Perdre
l'illusion que les seuls changements viennent de
l'Etat
<<
mentionnons enfin et peut-être
même surtout les
métamorphoses de
l'échelle de prestige des
sections du secondaire ... Dans tous
les cas, les changements
dépendent non d'une
réforme institutionnelle mais de
stratégies des différents
protagonistes du système
d'enseignement
élèves, parents
d'élèves, maîtres.
Toutes nos études tendent
à montrer que l'Etat n'est pas,
ainsi que le décrivent nombre de
sociologues, le démiurge
omnipotent, construisant à
l'aide d'une règle et d'un
compas un monde social selon les
axiomes qu'il se serait donnés
ou qu'une classe dominante lui aurait
imposés.
Une
telle conclusion ne s'accorde de toute
évidence pas à la
thèse substantialiste selon
laquelle l'Etat serait une
réalité autonome et
supérieure aux individus,
l'expression de la «
volonté générale
» qui, guidée par la
recherche du bien commun, poursuivrait
des fins spécifiques. L'Etat ne
plane pas dans les airs, comme le dit
si bien le 18 Brumaire de Louis
Bonaparte. On aurait tort, cependant,
de croire qu'elle s'accorde à la
conception nominaliste, inverse de la
précédente, qui ne voit
en l'Etat qu'un moyen d'action, un
simple mécanisme commode qui
satisferait soit les demandes
individuelles, auxquelles le
marché ne serait pas en mesure
de répondre, soit les exigences
d'une classe dominante à la
solde de laquelle il serait. Il n'est
pas plus un « comité
chargé de gérer les
affaires communes de la bourgeoisie
tout entière », comme le
soutient la thèse marxiste, que
la somme de tous les citoyens qui,
politiquement égaux,
décideraient collectivement,
comme le veut l'idéologie
libéralels.>> p. 83
Mohamed Cherkaoui
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Les réformes utiles
sont souvent celles que nous initions dans nos
classes, dans nos établissements. Elles
peuvent venir des demandes des élèves
comme le
témoignage personnel
que je donne
ailleurs. Les réformes de l'Etat
devraient le plus souvent permettre la
création de l'espace de liberté qui
nous est nécesaire pour initier ces
changements sur le terrain.
<<A
mon sens, la manipulation des structures en vue
de changer les pratiques n'a de sens qu'en
réponse à un message du type
"obligez-moi à faire ce que j'ai envie de
faire, mais que je ne peux pas faire dans les
conditions objectives où je me trouve".
Ou encore : "empêchez-moi de faire ce que,
dans les conditions où je suis, je suis
enclin à faire pour assurer mes
arrières, maîtriser mon angoisse,
avoir la conscience tranquille" >> p. 64
Ducros
7) Ne
pas oublier que le changement ne se maîtrise
pas: il reste toujours une part
d'incertitude
C'est
notre capacité à supporter, à
accepter l'incertitude qui est la condition de
changement, d'évolution, d'adaptation
possible. C'est peut être un point encore
à aborder avec les élèves qui
seront confrontés tout le long de leur vie
à cette incertitude! (Voir Maitrise
et incertitude)
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