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Comment des enseignantes d’école maternelle

« entendent » le silence de l’élève ?

Chantal COSTANTINI  

           Extraits de la THÈSE Pour l’obtention du grade de Docteur en Sciences de l’éducation présentée et soutenue publiquement par Chantal COSTANTINI le 17 juin 2008 sous la direction du Professeur Claudine BLANCHARD-LAVILLE

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Présentation de la recherche

           Lorsque j’ai entrepris cette recherche, j’étais animée par des questions d’ordre pédagogique issues de ma propre expérience professionnelle. Je m’interrogeais sur les stratégies mises en oeuvre par des enseignantes d’école maternelle pour aider des élèves « silencieux » à entrer dans la langue de l’école. Portée par quelques intuitions, j’ai choisi d’inscrire ma recherche dans le cadre de l’approche clinique d’orientation psychanalytique ; j’étais particulièrement intéressée à appréhender certains processus psychiques à l’oeuvre en situation d’enseignement en lien avec ces questions. Sans vraiment se transformer, mon questionnement s’est déployé progressivement en empruntant des chemins qui m’ont amenée à explorer d’autres pistes me permettant d’approfondir mes premières questions.

           Ainsi, à la suite de la lecture « clinique » du conte de la Petite Sirène que je vais présenter en guise de prologue, j’ai été amenée à interroger mon propre rapport au silence. En me remémorant le contexte dans lequel j’ai entendu ce conte pour la première fois, j’ai pris conscience de l’impact qu’il avait eu sur moi, ou plus précisément, j’ai réalisé que je lui avais attribué un sens sur lequel certains aspects de mon parcours personnel et professionnel avaient pu se fonder.

 

           L’institutrice qui me fit connaître ce conte était ma mère ; j’étais dans sa classe en grande section de maternelle. Cet élément a renforcé l’idée selon laquelle une sorte de « message psychique » me fut transmis ; le contenu de ce conte m’est apparu comme une réponse à une question jamais formulée par des mots mais sans doute entendue à un autre niveau : pour grandir, il faudrait accepter de sacrifier quelque chose de soi. Mais si la « langue » est sacrifiée comme chez la Petite Sirène qui accepte d’échanger sa voix pour posséder deux jambes, alors comment grandir sans parler ?

           Elève « mutique » durant mes deux premières années de scolarité en maternelle, j’ai longtemps pensé que la seule manière d’entrer dans la langue de l’école ne pouvait être facilitée que par une enseignante-mère, seule apte à « entendre » le silence de son élève-fille. Or, si je fus une très bonne élève jusqu’en classe de troisième prouvant ainsi que j’avais pu accéder à « la langue de l’école », mes résultats moyens jusqu’à l’obtention du baccalauréat et mon désintérêt progressif à l’égard des matières enseignées à l’école m’ont laissé supposer que mon rapport à l’école et à l’apprentissage avait peut-être été marqué par certains événements ; peut-être que cet attachement aux premiers liens établis entre ma mère et moi furent un obstacle pour conquérir une « autre langue » que la langue maternelle. Ce que j’avais réussi à recouvrir durant la première partie de ma scolarité s’est comme désagrégé par la suite.

 

           C’est en prenant connaissance de la conversion et du changement de nom de Georges Devereux que j’ai été amenée à questionner mon propre rapport à l’origine et à l’identité ; en m’intéressant à la « méthode » qu’il préconisait dans le cadre des « sciences du comportement », je me suis retrouvée confrontée à des questions que je n’aurais pas imaginé mettre au jour, en particulier dans le contexte universitaire.

           Convaincue de l’intérêt que pouvait revêtir l’analyse des élaborations contre-transférentielles du chercheur, j’ai estimé nécessaire de maintenir constant ce travail d’élaboration à chaque étape de la recherche et de rendre visibles certains éléments, comme le soulignent les auteurs de la note de synthèse concernant les recherches cliniques en sciences de l’éducation1 :

« c’est le contre-transfert du chercheur qui est exposé comme fil méthodologique majeur et permet les avancées du travail sur les objets étudiés »

.Ainsi, j’ai été conduite à approfondir l’idée développée par Jacqueline Barus-Michel concernant le rapport que le chercheur entretient avec son objet de recherche, à savoir : « que cherche-t-on si ce n’est ce qui pose question à soi-même » ?

           La connaissance du nouveau nom de G. Devereux et des hypothèses formulées par Tobie Nathan pour saisir le sens de sa construction (D. evereu,) m’a ramenée à une période de ma scolarité au cours de laquelle je percevais mon nom de famille comme dévoilant trop mes origines ; je me souvins du sentiment de honte que j’éprouvais à l’époque de toujours me sentir « d’ailleurs ».

 

           Aussi, à la suite de ces investigations, j’ai pris conscience que l’école n’a pas toujours été pour moi le lieu familier et protecteur qu’elle pouvait représenter lorsque j’étais élève dans la classe de ma mère. Voulant taire mes origines par la suite, c’est toute une partie de moi que j’ai tue, développant ainsi une sorte de « faux rapport » à l’école et au savoir ; j’apprenais comme si j’étais une autre, ou plutôt, comme si une autre que moi apprenait, tandis que la « vraie » moi s’asphyxiait.

 

           Mes premières interrogations d’ordre pédagogique prenaient alors une autre épaisseur ; en investiguant du côté de mon rapport au silence à l’école, je me retrouvais aussi confrontée à la question de la langue parlée à l’école : en quoi différait-elle de celle échangée à la maison ?

           Ainsi que le précisent les programmes de 2002 : « Quand il arrive pour la première fois à l’école maternelle, l’enfant découvre qu’il ne se fait plus comprendre aussi facilement et que lui-même ne comprend plus très bien ce qui se passe et ce qui se dit autour de lui. La communication avec les adultes, comme avec les autres enfants, perd l’évidence attachée au milieu familial ».

          En cherchant à cerner cet objet particulier que représente la langue de l’école, j’ai été amenée à étudier ce que l’on a coutume d’appeler la « langue maternelle », expression faisant tout autant référence à la langue de la mère-patrie qu’à la langue adressée par la mère à l’enfant. Mes investigations m’ont alors menée à appréhender le silence de l’enfant à l’école en référence à ce que j’avais moi-même ressenti enfant ; j’ai supposé que peut-être, la problématique à laquelle j’ai été confrontée pouvait se rapprocher de celle que rencontrent certains enfants entrant pour la première fois à l’école, et que l’effort qu’ils avaient à produire pour adapter leur langue maternelle à celle de l’école correspondait à « la tâche du traducteur ». J’ai alors imaginé que pour ces enfants-là, le silence correspondait à l’expression de leur errance dans un espace de traduction prouvant en même temps le lien qui les retenait au langage.

 

           Ce travail de recherches théoriques et personnelles m’a permis d’appréhender l’analyse des entretiens effectués auprès de sept enseignantes d’école maternelle, « désencombrée » du poids de la responsabilité que j’attribuais à l’école, dont ma mère fut une des premières représentantes. Ainsi, j’ai abordé ces entretiens dans une disposition d’esprit me permettant de saisir une part de la complexité de l’acte d’enseigner ; en me penchant sur ce qui « faisait silence » en moi, je me sentais davantage « outillée » pour atteindre certains processus psychiques à l’oeuvre chez d’autres enseignantes.

           En effet, si j’ai dans un premier temps, imaginé que le silence de l’enfant à l’école pouvait « arranger » l’équilibre psychique des enseignantes les poussant à maintenir parfois certains de leurs élèves dans ce « symptôme », j’ai été amenée chemin faisant, à nuancer la vision un peu schématique dans laquelle je m’étais enfermée ; considérant les stratégies mises en oeuvre par les enseignantes en termes de facilitation ou d’empêchement, j’ai pris conscience progressivement du caractère ambivalent que pouvait revêtir chacune de ces stratégies.

           Mon travail rend compte des résonances produites par les investigations théoriques sur des recherches d’ordre plus personnel ou issues de ma pratique d’enseignante, qui ont répondu elles-mêmes en écho aux recherches empiriques effectuées à la suite de l’analyse d’entretiens menés auprès de sept enseignantes d’école maternelle.

Différents extraits

Conte « La Petite Sirène »

L’ENTREE DANS LA LANGUE DE L’ECOLE : Éléments de mon expérience professionnelle

Comment l’enfant entre dans la langue ?

Historique des classes maternelles

L’école maternelle, fonction maternelle ou paternelle?

Le silence de l’enfant à l’école : un symptôme ?

L'entretien avec Marie

L’entretien avec Ariane

L’entretien avec Françoise

 

 Réaction

<<Salut Parfois en classe "silence" est un cri pour faire taire toutes les critiques pour imposer "silence ! on tue" >>

<<Bonsoir, En allant sur votre site que j'apprécie tout particulièrement, j'ai pris connaissance de plusieurs dossiers, notamment celui sur le silence en pédagogie qui ouvre des voies nouvelles à l'école maternelle mais aussi en primaire et au collège.>>

<<Merci pour ce développement à propos d'un état très (trop?*) recherché dans la pratique quotidienne. Y aurait-il une contribution existante ou à venir sur ce temps que tout cherche (dans un soucis "légitime" de rentabilité et d'efficacité (!?) ) à comprimer à savoir le temps de latence, celui de l'élève qui rumine. ** * Parce que le silence suppose effectivement, des temps d'autre chose que le silence. ** Il est prouvé que les vaches produisent davantage de lait lorsqu'elles ruminent plus longtemps, que lorsqu'elle mangent davantage. N'en serait-il pas autant des élèves les outils à accélérer l'ingurgitation ne seraient-ils pas parfois, contreproductifs ?>>

 

 

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