Je
me suis appuyée tout dabord sur les
travaux de Claude Hagège pour tenter
de mieux saisir
la distinction entre
langue, langage et discours ou parole. Cet auteur
constate que si tous
les
linguistes parlent de
langage, de langue, de discours, « le besoin
de proposer des
définitions
explicites apparaît
comme un aboutissement, non comme un a priori
» Il souligne que «
ce
qui est
reçu est de la langue, ce qui est produit
(plus ou moins bien) est de la parole
».
Lauteur précise
ainsi que « le langage » est le
premier des concepts de base : « Cest
pour
lespèce une
aptitude définitoire. Etudier le langage,
cest considérer le rapport de
lhomme
avec cette aptitude,
depuis les "origines" [
]. Cest
examiner, par exemple, les formes
autres
que verbales (langages
gestuels, langages des signes de sourd etc.) ou la
pathologie (types
divers daphasie)
».
Pour C. Hagège, la langue se
situe en « contrepoint du langage
»,
distincte dune
langue ou des langues mais en tant que «
concept de langue ». Car,
une
langue, «
cest-à-dire un système de
systèmes, utilisé dans la relation
dinterlocution,
et
répartissant
des signes à deux face, sonore et
sémantique », correspond quant
à elle à «
un
objet dont
lépistémologie peut fixer les
contours »...
Mes premières investigations
mont conduite vers les travaux
de
Françoise
Dolto, qui dans son ouvrage : «
Limage
inconsciente du corps
» développe
la
notion de castration
symboligène pour retracer les
étapes du développement psychique
de
lenfant.
Jusquà aujourdhui, et
malgré mes nombreuses lectures
sintéressant à la
naissance
du langage chez
lenfant, je reste attachée (ou je
nai pas réussi à men
détacher) à
cette
modélisation qui
consiste à montrer que
chaque progrès
implique à la fois un gain mais
aussi
une perte, dont le
but consiste en son élaboration.
La
notion de castration
symboligène
F. Dolto définit la notion
de castration symboligène comme
représentant linterdit par
lequel
le sujet
désirant sera « initié
à la puissance de son désir,
qui est une valeur, en même
temps
quil
sinitie à la Loi, laquelle
lui donne dautres voies à
lidentification des autres
êtres
humains,
marqués eux aussi par la Loi
». Ainsi, pour cette auteure,
cest dans
la
confrontation
de son désir à la loi, que
lenfant va se constituer en tant que
sujet,
lui
permettant
laccès au langage.
La notion dinterdit ne
correspond pas seulement à un
arrêt
barrant
laccès à un objet
poursuivi ; la notion de castration, telle
que F. Dolto le
précise,
montre
quà chaque stade
dévolution de la libido, il y
aura un deuil à accomplir, une
perte
à
supporter
dun objet à jamais perdu qui
nous satisfaisait jusque-là et sous
une forme
particulière.
La castration implique que le
renoncement à la satisfaction
dun désir engendre
le
refoulement des
pulsions, et de ce fait, permet
laccès à la
symbolisation. Ce qui est
perdu,
considère
F. Dolto, représente en quelque
sorte la base de ce qui va être
conquis. Cest
parce
que le
désir de lenfant se heurte
à la castration qui
représente linterdit que la
symbolisation
sera
possible.
Comme le souligne F. Dolto, «
cest grâce à la
castration que la
communication
subtile à
distance des corps devient
créatrice, de sujet à sujet,
par la communication, à
travers
limage du
corps actuel et le langage, au cours de
chaque stade évolutif de la libido
».
|
"A
travers la notion de «
castration symboligène
», jai cru
reconnaître une part de ce
qui mavait personnellement
fait défaut dans mon
accès à la parole ;
de même, il ma
semblé que
lémission du mot
« non » na pas eu
sa place en tant
quorganisateur de « ma
» propre vie psychique, si
bien que ma période de
silence à
lécole aurait
peut-être ressemblé
à un « non »
nayant pu sexprimer
en son temps. Par ailleurs,
jai cru identifier dans ma
difficulté à
exprimer une parole qui
mappartienne en propre et
non pas « portée
» par une autre ainsi que le
dirait Piera Aulagnier, comme une
sorte de « barrage »
à un espace tiers
permettant louverture
à
laltérité.
Cest pourquoi
le
choix de certaines
théories
correspond
peut-être à une
sorte de « reconstitution
» de mon propre accès
au langage et de ses
empêchements ; ainsi,
jai le sentiment que ce
repérage pour
moi-même ma permis
dappréhender
certains aspects de ces
empêchements chez autrui."
CC
|
|
Le processus de castration
dans sa dimension symboligène ne
sera assuré que si lenfant
voit en ladulte qui pose les
limites, un modèle dans lequel
il percevra que ce quil va perdre
est la promesse de satisfactions plus
grandes.
Ainsi, chaque étape du
développement libidinal de lenfant
sera marqué par une castration qui
produira des effets symboligènes ou non,
dont le but est déloigner «
progressivement le sujet du recours au plaisir du
corps à corps » qui empêche la
relation de sujet à sujet, qui elle, se
fonde sur la communication langagière. Mais
la castration se réactualisera à
chaque stade du développement de la libido.
Afin de mieux appréhender ce processus
symboligène en lien avec
lentrée dans le langage, je vais plus
particulièrement me pencher sur la
définition de castration orale.
La castration orale « aboutit
au désir et à la possibilité
de parler » Cest par la
découverte de nouveaux moyens de
communication hors du corps à corps, avec
des objets dont lincorporation nest pas
ou plus possible, que lenfant va rencontrer
les plaisirs nouveaux liés aux premiers
renoncements.
Le sevrage correspond à la
privation imposée au bébé vis
à vis de sa mère, impliquant
delle quelle accepte également
la rupture du corps à corps. Il est
nécessaire que le corps à corps
mère/enfant soit érotisant, mais le
sevrage doit marquer cependant la mutation
symbolique pour accéder à la
communication à distance de ce corps
à corps. En se séparant du sein en
tant quobjet partiel, lenfant
sinitie à dautres «
nourritures » par le renoncement à
lillusion de cannibalisme à
légard de cet objet
partiel.
En dautres termes, la
relation du corps à corps entre la
mère et lenfant est
indispensable pour soutenir les pulsions
libidinales de lenfant, mais les formes
de satisfaction quelle implique,
arrêtées par le sevrage vont
permettre au langage de sinstaller en
se réorientant vers dautres
voies pour assouvir le désir
poursuivi. F. Dolto emploie une
métaphore pour montrer que le langage,
en se mutant en « circuit long »
par les vocalisations et le sens des mots qui
recouvrent des perceptions sensorielles
différentes, toutes
transformées par la voix de la
mère, devient symbolique du «
circuit court » que représente la
relation de corps à corps. Cette
relation représente la voie la plus
facile pour accéder à la
satisfaction du désir ; la castration
orale quimpose le sevrage, en
permettant la symbolisation implique le
refoulement des pulsions exprimées
pour atteindre lobjet
visé.
F. Dolto considère que
lassimilation du langage ne commence à
se faire quaprès le sevrage du corps
à corps et pose lhypothèse
quelle débute par les « premiers
mots répétitifs de deux syllabes
correspondant au sentiment dexister de
lenfant lorsquil est conjoint comme un
semblable à sa mère, et doublure de
leur sensation » ; comme elle le suppose,
cest la répétition des deux
syllabes identiques (mama, papa), qui provoque chez
lenfant « lui-autre, pareil,
appareillé », le début du
parler. La période qui se situe autour du
sevrage correspond à une «
époque de rythme à deux temps »
dans laquelle lenfant est « la
doublure de la mère », ainsi
quelle le précise : «
Evidemment, cela senracine dabord
dans le coeur et ses battements, mais surtout par
le fait quil faut être double, se
dédoubler avec déplaisir quand la
mère sen va, et se réunifier
avec plaisir quand on se retrouve double et se
re-dédoubler pour que le symbolique advienne
à la notion de sentiment différent de
sensations avec la mère et sans elle
». Selon F. Dolto, cest
lensemble de cette métaphorisation des
présences/absences de la mère
qui expliquerait la syllabisation double
constituant les premiers signifiants entre
lenfant et la mère. On peut se poser
la question de savoir si les premiers mots
doublés tels que mama, papa correspondent
à la définition dun
début de langage véritable, qui ne
serait en fait que la réplique symbolique
dune relation à deux. Autrement dit,
lémission de ces premières
apparitions linguistiques signerait
lentrée dans la symbolisation, sans
être toutefois le début du langage
même si cela commence par des
mots.
F. Dolto considère que
lensemble des castrations (ombilicale,
orale, anale, génitale) modèle
limage du corps, sans laquelle les mots
ne peuvent prendre sens, comme elle le dit :
«
les mots, pour prendre sens, doivent
dabord prendre corps, être
du moins métabolisés dans
une image du corps relationnelle
». ..
Pour F. Dolto, le mot dépend de la
constitution de limage du corps de chacun,
« reliée aux échanges vivants
qui ont accompagné, pour lui,
lintégration, lacquisition de ce
même mot ». Pour que les mots du
langage deviennent les mots qui appartiennent
à une personne, ils doivent être
incorporés, pris en soi. Mais comment ces
mots sorganisent-ils pour que le sujet entre
dans la communication ?
Pour parler,
faut-il savoir dire « non » ?
:
En minterrogeant sur les conditions
favorisant lentrée dans le langage,
jai été particulièrement
intéressée par les travaux de R.
Spitz. Ces travaux, antérieurs à ceux
de F. Dolto, mont fait prendre conscience que
la notion « dorganisateur » de la
vie psychique et en particulier le rôle du
mot « non » dans la construction
identitaire de lenfant rencontraient mes
propres préoccupations ; mon silence
à lécole nétait-il
pas une forme de revendication de soi ? Pourquoi
avais-je choisi cette forme dexpression ?
Etait-ce une forme détournée du mot
« non » ?
En sappuyant sur lobservation
directe des nourrissons, R. Spitz a
proposé le concept dorganisateur
psychique. Ce concept permet de rendre compte
du fonctionnement de lappareil psychique,
comme résultant des processus de
déplacements des investissements libidinaux,
et où plaisir/déplaisir,
satisfaction/frustration ont un rôle de
façonnement de cet appareil. R. Spitz montre
que trois organisateurs psychiques jalonnent la vie
de lenfant afin de le conduire à la
parole :
le
sourire de lenfant adressé
à un autre, langoisse du
huitième mois, et le geste de
secouement de la tête
associé au mot non.
Je vais plus particulièrement
mattacher à comprendre comment
lauteur appréhende ce troisième
organisateur psychique qui correspond au mot «
non ». Dans le langage courant, « un
organisateur » est un outil qui permet
à quelque chose de fonctionner grâce
à la combinaison de plusieurs
éléments ; pour Spitz un organisateur
correspond à « des processus de
convergence menant à linduction
dagents et déléments
régulateurs ». La communication au
départ égocentrique, expression de
processus internes puis allocentrique,
cest-à-dire dirigée, se
constitue par le développement de la
fonction symbolique. La psychanalyse insiste sur le
fait que toutes les fonctions psychiques,
sensations, perceptions, pensées ou action,
sexercent grâce à des
déplacements dinvestissements
libidinaux perçus par lindividu en
tant quaffects et processus affectifs ; en
retour, les manifestations affectives indiquent les
déplacements dinvestissements
fournissant la motivation pour activer les
fonctions psychiques, plaisir et déplaisir
ayant un rôle de « façonnement de
lappareil psychique et de la
personnalité ».
Spitz insiste sur
limportance de la frustration dans
lapprentissage et le
développement. Il
considère que cest dans la
capacité de tolérance
vis-à-vis de la frustration que le
principe de réalité trouve
son origine, ce principe
étant la reformulation dune
fonction de détour. Cette
capacité de pouvoir surseoir
à la satisfaction dune
pulsion, de tolérer un délai
dans la décharge de la tension, de
renoncer à un plaisir
immédiat dans le but davoir
la certitude dun plaisir plus
lointain constitue, pour Spitz, «
une étape mémorable dans
lhumanisation de lhomme
»
Spitz observe quautour dun an,
lenfant en acquérant la
capacité de se déplacer lutte pour
gagner son autonomie et se mettre hors de
portée de sa mère. Il peut
échapper au regard de sa mère, mais
ne peut pas se soustraire à sa voix. Par
conséquent, les relations objectales
fondées sur la proximité et le
contact, subissent un changement radical ; la
mère intervient davantage par la parole que
par les gestes.
La nature des échanges se transforme
également ; la mère, libre
jusqualors de satisfaire ou non les
désirs et besoins de lenfant, est
forcée dorénavant de
réfréner et dempêcher les
initiatives de lenfant pour lui éviter
les dangers au moment où les
activités infantiles accusent une
poussée. Les échanges
mère/enfant seffectuent donc autour
des poussées dactivité de
lenfant et des ordres dinterdiction de
la mère.
Lenfant commence avec la marche,
à comprendre les interdictions maternelles
à travers les processus
didentification. Le geste de secouement de
la tête et le mot « non »
sont, daprès R. Spitz, les premiers
symboles sémantiques au cours de
létablissement du code de
communication sémantique de lenfant.
De ce point de vue, ces premiers symboles
sémantiques différent
fondamentalement des mots globaux papa, maman,
représentant un grand nombre de besoins et
de désirs infantiles (par exemple maman peut
signifier : « maman jai faim »,
« maman je mennuie », etc.). Le
secouement de la tête associé au mot
non représentent, par contraste, « un
concept ». Ce concept de négation
correspond au premier concept dabstraction
pour lenfant, même sil imite
dabord sa mère au niveau du geste, par
le fait que lenfant choisit les circonstances
dans lesquelles il utilise ce geste et le moment
où il exprime le mot non.
Chaque non de la mère
représente une frustration
émotionnelle pour lenfant,
assumée en tant quexpérience
mnémonique relative à
lexpérience. Linterdiction de la
mère interrompt une initiative de
lenfant, le poussant alors à la
passivité et provoquant chez lui, un conflit
entre ses liens libidinaux lattachant
à sa mère, et son agressivité
suscitée par la frustration qui lui est
imposée. Lenfant se retrouve alors,
entre son propre désir et
linterdiction émanant de lobjet,
cest-à-dire entre le déplaisir
de sopposer à sa mère et le
risque de la perte de lobjet.
Dans un ouvrage récent, B. Golse
qualifie, lui, de « triomphes nostalgiques
», les progrès dun être
humain, comme il le précise : « Pour
ladulte comme pour lenfant, nombre de
progrès savèrent être des
progrès tristes, des triomphes nostalgiques,
ne serait-ce que parce que tout progrès
soriginent dans la perte, ou, à tout
le moins, le remaniement de létat
précédent »
[...]
Avec lacquisition du geste de
secouement de la tête et du mot non,
laction est remplacée par les
messages, et la communication à distance
sinstaure peu à peu. Cest ici
que R. Spitz situe lorigine de la
communication verbale, avec lavènement
des symboles sémantiques quinstaurent
les échanges de messages intentionnels et
dirigés. Le non constitue lexpression
sémantique de la négation du
jugement. Cette première abstraction
sacquiert avec laide dun
déplacement dinvestissement agressif
qui, selon R. Spitz est caractéristique de
toute abstraction. R. Spitz montre ainsi que ce
premier mot a un sens particulier, celui de
lintériorisation de
linterdiction. Cest par lemploi
du mot non que lenfant signale quil a
intériorisé la fonction symbolisante
de la mère, prouvant par là
quil peut reprendre cette fonction à
son compte, laidant ainsi à se
constituer en tant que sujet
différencié de la
mère.
Pour R. Spitz, le début du langage ne
sinstalle pas après
lémission des premières
unités linguistiques telles que papa, maman
; le premier signifiant qui a valeur de mot, en
tant que support de symbolisation est le mot non
qui signe dans la relation à lautre,
la notion dinterdiction. Par ce terme,
lenfant commence à affirmer son
identité face à autrui. Pour R. Spitz
comme pour F. Dolto, cest par la
signification de linterdiction liée
à la frustration qui sensuit, que se
construit le sujet dans son rapport au langage.
Le langage se
façonnerait entre le désir et la loi
symbolisante.[...]
Mais le langage en tant que production
destinée à un autre,
nécessiterait lintervention dun
espace tiers, comme le montre B. Golse dans les
travaux quil a rassemblés autour du
thème : « le père comme
processus ».
Pour parler, il
faut un tiers ?
..
.Par mes précédentes lectures,
jétais pour ma part plutôt
habituée à envisager la fonction
paternelle comme séparatrice de la relation
mère-enfant, et de ce fait portée
à considérer cette fonction comme
nécessaire et structurante pour
laccès au langage. Or, des travaux
plus récents montrent que la fonction
paternelle peut être tout autant une fonction
séparatrice quune fonction contenante
dune part, dautre part peut aussi jouer
le rôle de fonction réparatrice ou
protectrice de la dyade mère-enfant.
B. Golse rapporte les travaux de D.
Rosenfeld qui soulignent que le père peut
jouer le rôle de «
décodeur » des messages
maternels paradoxaux, devenant ainsi « le
traducteur de la langue maternelle à
lintention du bébé ».
Pour un auteur comme Donald Meltzer, le
rôle quil attribue au père est
à la fois « dintervenir
auprès de lenfant en tant que
protection et en tant que défense contre la
position dépressive et contre limpact
de ce conflit particulier ». Selon cet
auteur, le père intervient en
protégeant lenfant de
lénigme maternelle, «
dune part, en adoucissant cette
énigme grâce à son rôle
dapprovisionnement nourricier de la dyade (
Maman doit être nourrie avant de pouvoir
nourrir le bébé ), et dautre
part, en distanciant lenfant de lobjet
maternel total par le biais dune aide
à son clivage en objets partiels ».
En dautres termes, le
rôle du père nest pas
exclusivement séparateur mais aussi
réparateur dune relation tout
de même complexe entre la
mère et lenfant, ces
rôles étant envisagés
dans une dynamique de processus dont la
position de la mère occupe une
place centrale de pivot à
lintérieur même de ces
processus.
Alors comment
intervient la fonction (ou le rôle) du
père dans laccès au langage
?
En posant lInterdit dans la relation
mère-enfant, le père agit en tant
quinstituant la Loi qui garantit et
préserve de la transgression de
linceste. Cet interdit est structurant de la
vie psychique et fonde la loi de
lespèce humaine ; mais on la vu,
le père intervient aussi comme contenant et
protecteur, pas seulement séparateur. Si
lon se situe uniquement du côté
de laspect structurant de la fonction
paternelle, on imagine que cette fonction est comme
toujours déjà-là ; or,
daprès ce que jai pu saisir de
ce que les travaux récents apportent est que
cette fonction se construit dans un système
de relations à lintérieur
desquelles la mère et lenfant ont une
part active. Ainsi que le précise B. Golse,
rapportant les propos de Didier Houzel : «
Certes, [
], il y a deux
manières de penser la structure oedipienne :
soit on lenvisage dune manière
presque transcendantale (telle une structure qui se
révèlerait à lenfant et
simposerait directement à lui sous sa
forme achevée), soit on la conceptualise
dun point de vue plus constructiviste
à partir de précurseurs partiels
[
] qui vont avoir à se jouer,
sorganiser et sagencer dans le cadre
des interactions précoces ». Ce qui
permet à lauteur de penser le
père non pas comme représentation
mentale mais comme processus.
Pour que lenfant
parle, lintervention dun tiers semble
nécessaire.
Les travaux évoqués montrent
quil ne sagit pas de trois personnes
isolées, mais de trois personnes prises dans
un réseau relationnel interagissant. Par
ailleurs, chacun des trois transportant à
son insu son « propre trois interne »,
cest-à-dire le paternel, le maternel
et lenfant qui subsiste en eux, le
réseau sétend bien
au-delà des personnes réelles
à lintérieur duquel
sopèreront liaisons et
déliaisons. Le langage apparaît comme
le lieu dans lequel sactualisent ces liens de
liaisons ou de déliaisons, et traduit, selon
B. Golse, ce « dilemme tragique du
langage » tenant en ceci «
quil signe la séparation par le
fait même quil joue comme lien
»
Quest-ce
que la « langue maternelle »
?
Lenfant découvre le langage
à travers la langue que la mère lui
adresse que lon associe souvent à
lexpression de « langue maternelle
». Que recouvre précisément ce
terme ?
« Langue de la
mère, langue première, langue
préférée, langue
maîtrisée, langue choisie ou
imposée, langue fantasmée, langue
aimée ou au contraire rejetée
», selon la linguiste Marina Yaguello, la
langue maternelle peut recouvrir tous ces
termes-là. La langue maternelle serait-elle
une langue vouée à être
abandonnée au profit dune « autre
» langue, celle-ci socialisée ? Ou bien
perdure-t-elle à lintérieur de
soi, et sous quelle forme ? Dans quelle mesure
cette « langue maternelle » empêche
ou favorise laccès au langage de
lenfant ? Les travaux menés par les
psychanalystes Jacqueline Amati Mehler, Simona
Argentieri et Jorge Canestri consacrés
à « la langue maternelle, langues
étrangères et psychanalyse » ont
particulièrement retenu mon
attention.[...]
« Le langage est fondamental dans
lacquisition de lépreuve de
réalité en termes de
vérité du vécu affectif de soi
et des autres et de la transformation de
lempathie en connaissance.
Mais le langage devient aussi le
champ de bataille dans lequel
[
] les conflits inconscients
et les manoeuvres défensives
opèrent en déformant le
langage et les aptitudes linguistiques
|