AFFECTIVITÉ
ET
INVARIANTS OPÉRATOIRES Nous en
donnons ici des extraits et des
synthèses qui sont
évidemment choisis de façon
subjective.
Toute tentative
de vouloir montrer une intrication possible entre
les invariants opératoires et
l'affectivité semble relativement
paradoxale. Piaget
(1)
Cependant
l'observation en situation nous montre combien
ces même invariants constitués des
savoirs socialement déterminés
peuvent se trouver modifiés lorsqu'ils
constituent la représentation privée
d'un sujet. C'est pour cette raison qu'à
la suite de Vergnaud il nous apparaît
indispensable de distinguer l'invariant
"représenté" (le signifié) et
l'invariant "représentant" (le
signifiant) provenant d'un savoir
constitué socialement.
Pour
mieux comprendre les déformations
et les dysfonctionnements de l'invariant
"représenté" par rapport
à l'invariant "représentant"
pris comme élément de
référence nous serons
amenés à le dissocier selon
les éléments
suivants: * La
structure (syntaxique,
rhétorique, etc...) * Sa
signification (sens privé et
sens social)
C'est
autour de ces trois principales
composantes que nous chercherons les modes
d'intrication possible entre l'affectif et
le cognitif. L'invariant
"représenté" est lui-même
composé d'éléments langagiers
conventionnels et de signes naturels ou artificiels
qui lui confèrent sa morphologie et sa
matérialité. Dans une dynamique
représentative, l'invariant peut se
présenter sous l'expression d'un
énoncé en tant que production
linguistique ou d'une scène sonore,
spatiale, fixe ou dynamique etc...
C'est-à-dire tous les éléments
qui peuvent participer aux possibilités de
la réalité perceptive et
intellective. Nous retrouvons la relation
décrite par Claude Hagège
(2)
entre l'énoncé et le système
de langue selon un point de vue
morphosyntaxique.
Cette
composante de l'invariant
"représenté" contribue à
établir des relations d'objets avec le sujet
qui l'a construite.
Ainsi chaque
mot, chaque lettre, chaque phonème, chaque
chaîne de mots définissent directement
ou par contamination des relations où
peuvent apparaître de nombreux
mécanismes affectifs. Selon le sens que le
sujet leur attribue et selon la perception qu'il
privilégie, consciemment ou inconsciemment,
nous retrouvons tous les mécanismes
d'investissement : fantasmes,mécanismes de
défense, transferts etc... Par
conséquent à partir des
signes/signifiants que constitue l'invariant
"représenté" s'organise une dynamique
pulsionnelle. Cette dernière est
également constituée
d'éléments cognitifs. Il s'agit
d'un premier niveau d'intrication entre
l'affectivité et le cognitif.
Le
deuxième niveau intervient dans la
dynamique qui utilise le nouveau signifié
"représenté" comme un nouveau
signifié "représentant".
C'est-à-dire un signifiant privé
qui lui-même pourra subir des
mécanismes d'investissement dans la relation
d'objet qu'il entretient avec le sujet. Nous
pouvons avoir ainsi de nombreux niveaux de rapports
internes, liés à la dynamique
psychique, et intégrés dans la
dynamique d'un schème. Ces rapports
internes, vécus par le sujet lui-même,
sans relation avec le monde extérieur, sont
l'objet de déviations qui peuvent perturber
le fonctionnement du schème et même
parfois éclipser l'objectif de sa mise en
action.
A ce
mouvement de représentation interne
à l'appareil psychique peut
s'associer une dynamique de
contamination par la suite
d'investissements affectifs. Si un
élément E1 d'un invariant
"représenté" entre en
relation avec un élément E2
d'une représentation R2 qui entre
elle-même en relation avec un
élément E3 puis E4, E5...En,
des représentations R3, R4,
R5...Rn, alors un élément Ei
dans cette chaîne associative peut
subir un mécanisme d'investissement
pulsionnel qui pourra venir contaminer
l'élément E1 de
départ et lui conférer une
dynamique affective
transférée.
Ainsi
tel mot, telle figure participant à
l'énoncé d'un invariant
"représenté" pourront subir
des investissements affectifs par suite
des relations qu'ils établissent
avec d'autres
représentations. Pour
reprendre la thèse
Kléinienne de
contamination entre les
équivalents symboliques :
nourritures, connaissances et
ventre de la
mère, nous pouvons
considérer que tout
élément d'un
invariant
"représenté"
entrant en relation avec une
représentation
elle-même en relation avec
la mère pourra en retour
subir par contamination des
investissements
semblables.
En
réalité tout dépend dans quel
repère nous nous situons. Nous pourrions
également considérer une
mobilité des éléments
cognitifs si l'on se réfère
à l'organisation affective et ses
structures. Pour reprendre la métaphore de
Piaget nous pourrions également
considérer que les éléments
cognitifs "alimentent" et permettent le
fonctionnement du "moteur" affectif. Mais nous
pensons que ce serait encore introduire une
dichotomie qui selon nous n'existe pas.
Aussi
nous préférerons
considérer l'intrication
déjà au niveau de
l'invariant en tant
qu'élément constitutif du
schème entre l'affectif et le
cognitif. L'un ne peut exister sans
l'autre, l'un est dans
l'autre.
Pour revenir au
micro élément que constitue le mot
nous devons également considérer
qu'il était porteur dans le système
représentatif de tous les
éléments contextuels et
expérimentaux auxquels il a
déjà participé. Il constitue
donc un agrégat affectivo-cognitif
qui existe avant même qu'il participe
à la construction de l'énoncé
langagier d'un invariant
"représenté".
A
l'intérieur de l'énoncé, le
même mot continue son évolution
affectivo-cognitive vers un enrichissement
successif de ses représentations. Il se
transforme dans une dynamique liée aux
effets des assimilations et des accommodations dans
l'interaction avec les milieux extérieurs
mais aussi avec le champ conceptuel
représenté qui peut devenir
également un signifié / signifiant et
développer un deuxième niveau
d'interactivité.
Ainsi nous
pouvons considérer deux flux de
variabilité du complexe affectivo-cognitif
autour de l'élément d'un invariant
"représenté".
Un
premier flux est alimenté par le
courant interactionniste en relation avec
l'extériorité du sujet
c'est-à-dire son domaine perceptif.
Le
deuxième flux est alimenté
par un courant interactionniste en
relation avec l'intériorité
du sujet comprenant l'ensemble des
représentations dont il dispose.
Ces deux flux
rencontrent l'un comme l'autre des
mécanismes perturbatoires conscients ou
inconscients faisant obstacle à des
interrelations possibles et facilitant ou
empêchant des communications soit
intra-sujets soit entre le sujet et le
milieu.
Nous
avons décrit une intrication de
l'affectif et du cognitif au niveau des
composantes les plus
élémentaires; il en
serait de même pour des groupements
de mots, d'images et de sons... Au
niveau des langages nous retrouvons les
structures morphosyntaxiques qui
contribuent à donner du sens
à l'énoncé. Ces
groupements de signes / signifiants de
l'énoncé d'un invariant
"représenté" constituent un
nouveau signifiant plus
élaboré (rapport au tout par
rapport aux parties) qui se comporte comme
un "complexe affectivo-cognitif". C'est
le sens privé attribué
à ce complexe qui orientera les
différentes relations d'objet.
En élargissant les
significations collectives, le sujet
élabore des signifiants
"motivés" qui structurent une
dynamique symbolique.
Nous
prendrons comme exemple le
schème du
dénombrement avec les mots
- nombres comme signifiants. Ces
représentations de mots(3)
en
grande partie acoustique
permettent le passage des
processus primaires au
secondaires. ainsi le mot-nombre
trois , comme nous l'avons
observé dans notre
recherche expérimentale,
peut devenir le substitut
symbolique de la dynamique
oedipienne de la
triangulation. Ces
correspondances symbolique
expliquent en partie les
difficultés pour le
très jeune enfant à
dénombrer correctement une
collection.
Dans
notre analyse du rapport des invariants
d'un schème à
l'affectivité nous avons pu
observer différents niveaux
d'intrication. Nous retiendrons
principalement que l'invariant
"représenté" est avant tout
une construction privée du sujet ou
intervient la diversité et la
singularité de son expression
symbolique. Compte tenu de
l'importance des invariants dans la
structuration du champ des
représentations nous
considèrerons sa portée
à l'intérieur même du
schème(4) dans
l'U.E.R. de Sciences de l'Éducation de
PARIS V sous la direction du
Professeur
Gérard VERGNAUD
*
La matérialité (les
éléments qui le
déterminent)
Ces transferts
observés peuvent conférer à la
composante affective un aspect dynamique et de ce
fait une énergétique comme l'a
souvent évoqué Piaget.