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Un entretien de Bernard MAURET

avec une élève Sophie de 3 ème C.A.P. section E.T.C.

             L'analyse du test précédent a permis de mettre en évidence une dynamique fantasmatique dans la relation d'un élève à l'objet nombre. Nous avons observé comment se construisent des mécanismes de défense afin de rétablir des équilibres pulsionnels. L'analyse de cas cliniques facilitera l'approche de représentations spécifiques autour des nombres et permettra d'approfondir certains mécanismes pulsionnels. (Cet entretien a été préparé par la constitution d'une "grille d'entretien")

ENTRETIEN DE SOPHIE

.             Suite à des problèmes de santé et une grave opération très jeune, elle a suivi une scolarité difficile. Après une classe atelier, elle est rentrée au L.E.P. Actuellement elle est en classe de 3ème C.A.P. section E.T.C. (employé de collectivité). D'un niveau très faible, ses connaissances en mathématiques correspondent seulement à un C.E. C'est une élève très bien élevée, très discrète, avec une facilité d'élocution. Fille unique, elle est l'objet de beaucoup d'inquiétudes de la part de ses parents. Bien intégrée dans la classe, ses camarades l'accompagnent et l'aident beaucoup pour son travail. C'est une élève qui est très encouragée par l'équipe des professeurs. Voici son entretien :

M=Mauret. S= Sophie

 

M. -Nous allons parler des chiffres. Pour toi, qu'est-ce que représentent les chiffres ?

 S. -Quelque chose d'assez dur, de très difficile... enfin pour moi c'est une science assez spéciale... c'est les gens intellectuels... tout est intellectuel mais ça, il faut encore plus de concentration...

 M. - De la concentration ?

S. - Je pense, oui

 M. - Pourquoi ?

 S. - Pour réfléchir, pour les mesures... enfin... le travail d'architecte ne doit pas être facile du fait qu'il faut mesurer, faire des plans... reproduire... schématiser...

 M. - Les métiers qui utilisent les chiffres...

 S. - Ils sont difficiles. Oui, se tromper dans les laboratoires... les gens qui font des analyses de sang... s'ils se trompent, cela peut coûter une vie humaine... pour les globules blancs... il y en a beaucoup... beaucoup, puis et l'angoisse des cancers de leucémie. Les personnes qui font ça doivent se sentir responsables de la vie du... un peu du client... pas leur dire d'erreurs... il faut faire ça calmement, c'est sûr

 M. - Et, en dehors de cette responsabilité est-ce qu'il y a d'autres risques ?

S. - Des calculs faux... mais ça revient un peu au même.

M. - C'est gênant de faire des erreurs avec les chiffres ?

S. - C'est très embêtant, si par exemple nous sommes dix à faire et puis, bon c'est seulement une qui ne trouve pas une erreur... je me trompe donc c'est grave par rapport aux résultats des autres.

 M. - Est-ce que tu vois tous les nombres de la même façon ?

 S. - Oui à peu près... le 7 on dit que ça porte bonheur... sinon, je peux pas dire que j'en ai tellement de préférés... non... le 13 on dit que ça porte malheur, je ne crois pas. Vendredi dernier c'était le vendredi 13 et il ne m'est rien arrivé de particulier.

 M. - Tu n'as pas une préférence...

S. - Non ... non. M. - Non ... S. - Les centaines... les milliers... M. - Qu'est-ce qui est différent pour eux ? S. - Quand on part de 10 et qu'on rajoute 3... zéros... enfin... ça peut faire des millions. M. - Oui... alors... S. - Je pense que les chiffres c'est important, on peut partir de 10 pour arriver à des nombres... des milliards... les chiffres sont un peu l'infini... on peut jamais s'arrêter...

 M. - ça va toujours plus loin ?

 S. - Je pense jusqu'à l'infini

 M. - Et à l'infini ?

S. - Oui, enfin, ça doit s'arrêter un jour

M. - Comment cela s'arrête ?

S. - Je pense pas que les gens, si vous voulez, aient le courage et le temps de compter à l'infini... tout le temps jusqu'au plus... jusqu'au maximum...

 M. - Tu penses qu'il faudrait beaucoup de courage,?

S. - Je pense, je pense

 M. - Oui

S. - Oui, enfin ça finit jamais malheureusement; c'est nous qui commandons en énumérant.

M. - Pourquoi malheureusement ?

S. - C'est pas sûr, c'est tellement vaste. On sait pas où ça va comme par exemple quelqu'un peut être centenaire ou mourir beaucoup plus jeune.

M. - Et comment tu vois l'infini ? quelles idées tu te fais de l'infini ?

 S. - Je sais pas... je ne me l'imagine pas très bien... je pense ... enfin, moi je n'ai que dix huit ans... je ne vois pas très loin l'avenir si vous voulez ... je pense que... je pense pas grand chose.

 M. - Si tu devais le décrire ?

 S. - ça ne finit jamais. L'infini peut apporter des dates de bonheur, des dates de malheur comme un décès... je crois, enfin... il y a certaines dates qu'on se souvient toujours dans la tête. L'infini c'est un peu une angoisse, on ne sait pas trop ce qui va se passer au long d'une vie... on peut le voir très large ou très étroit selon les peurs. Les années devant soi, on se dit : est-ce que l'on va être heureux ? est-ce que notre travail nous plaira... il peut y avoir du très mal... Tous les malheurs qui peuvent arriver malheureusement dans l'existence d'une personne... les opérations... in... enfin la mauvaise santé... avoir pas de travail... (les choses comme ça...)

 M. - Oui

 S. - Je dirais ... enfin pour les êtres humains ce qui est fini c'est au moment où on arrive à la mort ... c'est fini...

 M. - Qu'est-ce que tu penses du zéro ?

 S. - C'est un chiffre triste du fait... bon... il n'a... pas... il a de l'avenir mais pas du passé ... zéro c'est ce qu'il y a de plus bas. C'est un chiffre enfin pour moi qui n'a pas de valeur ... c'est sûr... que quand il y a un un devant ça fait 10... ça n'a pas de valeur ou c'est très mauvais, en général pour les notes quand on a zéro c'est que c'est mauvais.

 M. -: Mauvais

 S. - Je pense oui... oui, ça démarre à partir de zéro

M. - Quel est son rôle alors dans les nombres ?

 S. - Il commence, à compter à partir de 10, et... à chaque dizaine 20 on rajoute 3 pour faire 30, c'est là qu'il a son importance, enfin le plus où l'on s'en sert.

M. - Le zéro est utile ?

S. - Indispensable ? euh c'est un peu la base de calcul, ça part de là

M. - Pour les nombres pairs et les nombres impairs qu'est-ce que tu penses

S. - Pairs, c'est 2, 4, 6, 8,

M. - Oui.

S. - Pour vous dire la vérité, je ne vois pas la différence, enfin sauf pour les numéros des immeubles

M. - Et pour les petits nombres ou les grands nombres est-ce que tu as une préférence?

S. - J'aime bien... les petits, bon ils sont plus faciles à retenir, ils sont plus courants on s'en sert dans la vie de tous les jours, dès que ça dépasse 3 chiffres et même moins ça me fait peur.

M. - Peur pourquoi ?

S. - J'ai peur de ne plus me rappeler et puis peur de me tromper dans la monnaie ou de faire des bêtises tout court pour acheter quelque chose... et je trouve... on s'en sert beaucoup, c'est plus difficile à écrire, oui et puis quand on pense qu'un chiffre peut changer le résultat de quelque chose et que cela peut faire tout tromper...

M. - A lors...

S. - C'est très important, souvent c'est au chiffre près et sur une lettre si on oublie le dernier chiffre la personne ne reçoit pas la lettre... la lettre est perdue

M. - Oui

S. - C'est vraiment la chose indispensable... tout le monde doit savoir un minimum , pour l'argent, pour le commerce...

M. - Et toi ?

S. - Moi j'aimerais pas faire d'erreurs devant les commerçants, connaître l'argent, savoir compter et vite... avoir le réflexe... en attendant mes parents me disent, les commerçants peuvent abuser ou augmenter de prix ou rendre mal la monnaie... c'est bien pour eux et mal pour le client...

M. - Tu crois qu'un jour...

 S. - J'espère me débrouiller chez un commerçant, pas faire des bêtises... pas faire de chèques sans provisions... des âneries qui peuvent coûter la prison... savoir gérer son budget...

 M. - Est-ce que tu trouves de l'ordre dans les nombres ?

 S. - Non, malheureusement, ça peut aussi bien marcher à l'endroit qu'à l'envers mais c'est sûr, il faut une base, par exemple ou de dizaines en dizaines ou pour les francs un franc après l'autre.

 M. - Oui...

 S. - C'est sûr que quand on va chez un commerçant il est content qu'on lui donne de l'argent. Il aime mieux avoir une grosse pièce de 5 francs que des petites pièces dorées et puis même que ça à la même valeur on a l'impression que ça à plus de valeur quand c'est regroupé que lorsque on a une pièce que des petites...

 M. - C'est la même valeur ?

 S. - Oui... oui réellement ça a la même valeur... j'ai l'impression que c'est plus, si on perd les petites pièces ça s'éparpille partout...

 M. - Et la grosse ?

 S. - C'est plus embêtant mais on est content d'avoir une grosse pièce; c'est plus, ça reste plus.

M. - Oui

 S. - Et puis on fait plus attention pour ne pas la dépenser car on se dit, si on dépense ça, après on n'a plus rien.

M. - Oui

S. - Oui, c'est sûr

M. - Est-ce que tu penses que les chiffres sont utiles ?

S. - Oui, indispensables pour tous les numéros de téléphone. On s'en sert enfin des dizaines de fois par jour, sans s'en rendre compte.

M. - C'est important

 S. - Vraiment

 M. - - Est-ce qu'on pourrait s'en passer ?

 S. - Non je pense qu'on peut pas... ne serait-ce que lorsqu'on part en voyage, les kilomètres, c'est important de pouvoir compter sur les autoroutes quand on va arriver au lieu.

M. - Est-ce tu te souviens comment tu as appris les chiffres ?

S. - Pas tellement... C'était mélangé avec le français dans les petits livres... Daniel et Valérie

M. - Oui

S. - Je n'ai pas de souvenirs précis.

M. - Tu avais appris facilement ?

S. - Jusqu'à... après je me mélangeais... non pas tellement... on peut pas dire que j'ai appris facilement... j'avais toujours l'impression que c'était quelque chose de difficile... que ce n'était pas pour moi et que c'était pour les mathématiciens... ça me faisait toujours peur.

 M. - Oui

S. - Oui, vraiment, vraiment, j'avais peur

M. - Et pour la table de multiplication ?

S. - Je la savais dans l'ordre jusqu'à 6, mais je l'ai apprise très difficilement chez un orthophoniste et dans le désordre je ne l'ai jamais sue.

M. - Tu avais des difficultés ?

S. - A retenir, oui... c'est ça... si vous voulez. Elle me faisait apprendre et à la fin de la séance je me rappelais plus.

M. - Pour quelles tables ?

 S. - La 7, la 8, la 9, la 10.

M. - La 10 aussi ?

S. - Oui, oui d'abord on nous dit que si on sait jusqu'à 5 on savait les autres et j'ai jamais compris... non je n'arrivais pas.

M. - Est-ce tu as la mémoire des nombres ?

S. - Jusqu'à 2 chiffres mais pas 3... 3 ça me fait peur, 2 j'arrive mais 3 non... j'inverse les chiffres souvent, le premier devient le dernier, le dernier devient le premier...

M. - Et tes parents comment ça va avec les chiffres ?

 S. - Maman avait du mal. Elle me disait qu'elle avait du mal et... papa... ça allait normalement... Maman a eu un an de retard, papa il suivait normalement... ça allait... ça allait...

 

Qu'est-ce qui vous a frappé dans cet entretien?

Qu'avez-vous entendu?

Comparer avec l'analyse de cet entretien faite par le chercheur. Analyse de l'entretien

Textes tirés de la thèse de Benoît MAURET , Nombres et affectivité

dans l'U.E.R. de Sciences de l'Éducation de PARIS V sous la direction du Professeur Gérard VERGNAUD

Sommaire de la thèse de Mauret

Ethnologie et nombre

Entretien avec Sophie
Entretien avec Christelle
Approche de l'intrication de l'affectif et du cognitif

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