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La rédaction sur "le pays des chiffres"

Voir la présentation de la thèse de Benoît MAURET

 

Hypothèses

a) Il existe une composante affective mise en jeu par l'élève dans l'apprentissage et l'utilisation des chiffres et des nombres.

b) L'inconscient participe dans les représentations et les comportements des élèves à l'égard des nombres et en particulier à l'égard des chiffres.

c) Les élèves dont l'affectivité dans la relation aux chiffres est ni trop importante ni trop faible, obtiennent en moyenne de meilleurs résultats à un test comportant des activités numériques.

             Cette recherche a pour objectif de faire apparaître les composantes fantasmatiques de l'objet nombre. Nous pourrons également observer l'expression symbolique et les mécanismes de défense mis en jeu ainsi que les différentes stratégies pour lutter contre la prise de conscience de mobiles inconscients, avec les frustrations et les angoisses qui peuvent en résulter.

Test proposé aux élèves. (45 élèves de 4 ème de L.E.P. section: E.T.C.)

             Il s'agissait d'une rédaction faite en classe pendant une durée d'une heure. Les élèves ne connaissaient pas la finalité du test et ont participé avec le seul souci de réaliser une rédaction.

            "Après avoir parcouru des plaines et traversé des montagnes vous arrivez au pays des chiffres. Racontez ce que vous observez et ce que vous ressentez"

             Le test s'est passé pendant le cours de français. Le professeur a écrit le texte de la rédaction au tableau. Les élèves ont réalisé leur travail comme à l'habitude sur une feuille de copie. Nous n'avons pas observé de comportements différents des autres rédactions. Le contrat didactique a été respecté et chaque élève a rendu à la fin de l'heure sa rédaction. Pour le professeur de français ce travail correspondait à une épreuve où l'élève devait manifester de l'imagination.

 Analyse des réponses des élèves

 

PULSIONS DE VIE

Pulsions orales

             Les pulsions orales renvoient aux processus du stade oral. Il s'agit du premier stade de l'évolution libidinale pendant lequel le plaisir est associé à la nutrition. Cette centration sur l'activité buccale se retrouve à l'intérieur des fantasmes exprimés par les élèves dans leur relation à l'objet nombre.

 

«Quant je suis rentré chez moi à l'heure que tous les habitants devaient être chez eux j'ai été dîner. Même mes couverts étaient composés de chiffres transparents ou multicolores puis tout à coup, il se mit à pleuvoir pendant des mois. Les gouttes de pluies ressemblaient aux chiffres et endormaient. Quand j'ai fini mon dîner je suis allé me coucher».

             On ne peut qu'être frappé par l'apparition d'un temps à l'intérieur d'un temps : "Pendant des mois" se trouvant à l'intérieur du temps d'un repas. Cette durée qui s'allonge n'est pas sans évoquer le fantasme d'un temps de nourriture très long où la satisfaction orale s'éterniserait. Nous pouvons également faire le rapprochement entre gouttes de lait et "gouttes de pluies en forme de chiffres" et qui endormaient Ce fantasme se termine par la plénitude du repos et du dormir.

             Une autre élève présente le pays des chiffres comme un paradis. Elle écrit :

«Ce monde était merveilleux. Les chiffres étaient en chocolat, de l'amande, ils tenaient en suspension dans le ciel ... ».

Pulsions à caractère phallique.

              Les pulsions de type phallique sont en relation avec la phase pendant laquelle la libido se positionne sur les organes génitaux. Freud dans ses différents travaux montre la primauté du phallus. Selon lui la libido est : "de nature masculine aussi bien chez la femme que chez l'homme". D'autre part : "la zone érogène directrice chez la fille est localisée au clitoris qui est l'homologue de la zone génitale mâle (gland)" Dans le protocole suivant l'élève utilise des archétypes phalliques : chêne,oiseaux

<<Dans ce pays merveilleux où il y a des chiffres en forme de chêne, le trois en forme d'oiseaux, dans ce monde où j'arriverais n'était pas comme tous les autres, il me faisait peur en même temps.>>

             Nous pouvons également observer le trouble qui se produit devant des sexes. Toujours dans le même protocole l'élève écrit :

«ce paysage était rempli de chiffres de 1 et 2, 3, 4, 5 ... jusqu'à l'infini et quand je m'enfonçais au plus profond de la forêt où il faisait sombre je ressentais affreusement la peur».

Nous pouvons souligner les expressions . «enfonçais / profond / forêt / sombre / peur".(pp.132/135)

 

Pulsions liées à des fantasmes de type originaire

             Pour l'élève suivante on s'aperçoit de la recherche inquiète d'une ressemblance anatomique entre les sexes et,surprise,que voit-elle...

«Comme tous les jours, j'étais chez moi. Allongée sur mon lit en train de lire un livre, puis tout à coup un trou noir... Quelques temps plus tard, je me réveillais mais je n'étais plus chez moi. J'étais arrivée je ne sais comment au pays des chiffres. Je vais vous raconter mon aventure. Je me réveillais tout à coup puis je regardais un peu partout pour savoir où j'étais. J'aperçus au loin un petit homme et il avait l'air comme moi. Puis en s'approchant je m'aperçus qu'il avait deux jambes, deux pieds, deux bras, une tête, une bouche, deux yeux, mais oh! là, là ! à la place de notre ventre il avait un chiffre. C'est comme ça que j'ai su que j'étais au pays des chiffres. Puis un frisson me vint car le petit homme s'approchait de moi. Il me demanda comment j'étais arrivée ici. Je lui répondis que je ne savais pas, puis on fit connaissance. Il était gentil et il m'emmena voir sa famille. C'était la famille du 1 ce qui représentait là-bas les chefs du village puis nous sommes devenus de bons amis et il m'a appris que sa mère était magicienne et que c'est elle qui m'aurait fait venir car elle s'était trompée de formule. Quelques jours plus tard il m'apprit que je pourrais rentrer chez moi. J'étais très contente mais un peu moins de quitter mon ami. Le moment fut enfin arrivé je dus repartir je dis au revoir à tout le monde puis tout un coup je fus à nouveau dans un trou noir puis je me suis réveillé chez moi sans aucun souvenir de cette histoire».

             Tout au long du protocole nous pouvons observer chez l'élève le souci de connaître l'origine de la scène «originaire», l'origine de la sexualité, l'origine de la différence des sexes. La scène fantasmatique débute par un trou noir et se termine par un trou noir : "je fus à nouveau dans un trou noir". Nous pouvons rapprocher ce fantasme originaire des rites initiatiques chez certains peuples Africains. Les nouveaux initiés doivent ramper à l'intérieur d'un tunnel noir symbole d'une "renaissance". L'élève s'inquiète également de l'origine de la différence des sexes. Après avoir fait l'inventaire des similitudes : "deux jambes, deux 'pieds, deux bras, une tête, une bouche, deux yeux" elle s'étonne de ce qui est à la place du ventre - "un chiffre". Puis c'est l'inquiétude de l'élève à travers un fantasme de séduction et le surgissement de la sexualité: "puis un frisson me vint car le petit bonhomme s'approchait de moi". L'élève s'inquiète à nouveau sur sa propre origine : "il me demanda comment j'étais arrivée là-bas. Je lui répondis que je ne savais pas".

             Dans la suite du protocole apparaît une magicienne ayant fait une erreur de formule. Nous pouvons penser aux formules de mathématiques. Ainsi sa présence / naissance serait le résultat d'une erreur... A travers ce protocole nous observons la dynamique simultanée de différents fantasmes de type originaire. Le rapport avec les nombres a permis à l'élève de libérer certaines pulsions et exprime toutes ses inquiétudes sur ses origines. (pp.135/137)

 

Les nombres comme objet d'amour

«je pense que je suis dans la famille du dix qui sont les nombres que j'aime, qui sont gentils avec tout le monde; que je me sens bien avec eux, que je les vois tous les jours quand je me lève le matin et quand je rentre à l'école».

Pour l'élève cette famille dix devient une famille idéale ou elle serait heureuse de vivre.

 

             Dans le protocole suivant nous observons un mécanisme d'associations qui permet à l'élève d'éprouver des sentiments heureux envers certains nombres

«Je les aime bien en particulier le 14 mais je ne dirais pas pourquoi. Quand je pense au 14 ça me fait rêver. Je ressens plein de joies dans mon coeur ... ».

Il apparaît un bonheur d'être aimé et de conserver secret l'objet de son amour. (p.138)

 

             L'analyse de ces différents protocoles nous montre qu'il existe chez les élèves un vécu fantasmatique des nombres lié aux pulsions de vie. Parmi les plus importants nous trouvons les fantasmes de type oral, anal, phallique, originaire, oedipien. Ces fantasmes apparaissent chez les élèves avec des désirs très profonds qui conditionnent leurs rapports différenciés avec les nombres. Même si l'interdit est source de refoulements et de sublimations, nous constatons cependant l'importance et l'influence de ces mécanismes dans la vie psychique des élèves.

PULSIONS DE MORT

Pulsions de haine: les nombres comme objet de haine

«Le 9 pour moi est débordant de qualités et d'ambiances de tout. Le 9 quand je l'observe bien je ne sais pas mais je ne sais comment m'exprimer dans ce que je vais dire je pense qu'il pourrait mieux faire dans son milieu. Pour les autres chiffres je trouve particulièrement pour le 7 je lui trouve une critique. Il a aucune expérience pour moi dans ce milieu des chiffres. D'autre part les autres me paraissent bien, le 3 ou le 0 ce sont les chiffres pour moi qu'on pourrait leur faire confiance donc pour le 3 pour les autres camarades elles leur importe beaucoup pour conclure tous les chiffres peuvent être bons et d'autres non. Je terminerais en disant qu'un voyage au pays des chiffres n'est qu'un récit d'écriture».

             A travers ce protocole apparaît le clivage entre "bons nombres" et "mauvais nombres". L'élève projette sur le 9 des caractères anthropologiques : "débordant de qualité, d'ambiance de tout". Il s'agit d'un bon objet puis s'établit un retournement. Le 9 alors "pourrait mieux faire dans son milieu". L'ambivalence apparaît avec l'insatisfaction. Qu'est-ce que le 9 pourrait mieux faire dans son milieu ? Nous pourrions faire l'hypothèse d'un manque affectif chez cette élève par rapport à son propre milieu personnel et familial. Le 7 a permis de manifester ce qui : "a aucune expérience dans son milieu des chiffres" et par conséquent serait un objet incompétent ne pouvant apporter ce que l'on espère de lui. Il est donc investi comme un mauvais objet. Puis le trois et le zéro deviennent eux par projection de 'bons" objets pour lesquels "on pourrait leur faire confiance". Enfin l'élève termine par un clivage sans nuance : "tous les chiffres peuvent être bons et d'autres non". Dans d'autres protocoles nous retrouvons ce même processus de clivage avec l'introduction d'êtres surnaturels comme les diables et les sorcières. (p.152/153)

 

Pulsion d'agression

             Nous pouvons l'observer également dans des fantasmes de toute puissance. Le protocole suivant montre comment l'élève s'investit du pouvoir de vider l'énergie d'objets extérieurs :

«C'est un jour où je dormais péniblement quand tout un coup mes yeux commencèrent à se fermer. J'étais déjà dans une forêt, arrivée dans cette forêt j'entendais des bruits, je regardais à gauche et à droite. Quand soudain deux jeunes apparurent. Alors ils me dirent : bonjour et bienvenue au pays des chiffres et je répondis. Ils me montrent du doigt, tiens, regardez là-bas il y a que des chiffres, toute cette couleur et d'ailleurs on ira demain les visiter. Le lendemain matin c'était là que les deux personnes font leur connaissance. Ils m'ont dit qu'ils étaient les gardiens des chiffres. Quand j'étais arrivé à côté d'eux ils ont commencé à perdre leur énergie qui leur aide à rester dans l'air. Alors je demandais au gardien pourquoi ils perdaient leur énergie. Il me répond c'est parce que la première personne qu'ils voient c'est comme ça».

             Il apparaît dans ce protocole un désir de toute puissante avec droit de vie et de mort sur les objets. La chute des chiffres ne pouvant plus rester en l'air renvoie à une signification phallique. (p.158)

             Les nombres sont véritablement investis et intégrés à la vie psychique des élèves. Nous venons d'observer qu'en fonction de leur vécu personnel les élèves projettent leur réalité et leur singularité sur les nombres. Il en résulte que la relation à l'objet nombre est rarement neutre comme le laisserait supposer une opinion sociale qui fait des nombres un objet de preuve, d'exactitude, de vérité objective dénuée le plus souvent d'affectivité. Nous avons pu observer dans l'analyse de ce test combien les fantasmes les plus universels (oral, anal, oedipien, etc ... ) intervenaient dans cette relation. Nous pouvons confirmer et souligner ce qu'observait J. Nimier par rapport à la relation aux "mathématiques". Pour chaque élève il existe bien un mécanisme personnel lui permettant de s'approprier fantasmatiquement l'objet nombre. Ainsi confronté à des pulsions non satisfaites, l'élève met en place des mécanismes de défense réparation, introjection, retournement, projection, évitement, négation, distanciation, déplacement, etc... Nous pouvons nous interroger sur les conséquences d'un potentiel affectif par rapport au fonctionnement cognitif lié aux activités numériques. A l'aide de cas cliniques nous observerons les mécanismes de défense utilisés à l'égard de l'objet nombre. Nous chercherons également à mettre en évidence une singularité de l'objet nombre par rapport à l'objet mathématique. (p.160)

"NOMBRES ET AFFECTIVITÉ" est le titre de la thèse soutenue par:

Benoît MAURET

dans l'U.E.R. de Sciences de l'Éducation de PARIS V sous la direction du Professeur Gérard VERGNAUD .

Nous en donnons ici des extraits et des synthèses qui sont évidemment choisis de façon subjective.

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Commentaire

Textes tirés de la thèse de Benoît MAURET , Nombres et affectivité

dans l'U.E.R. de Sciences de l'Éducation de PARIS V sous la direction du Professeur Gérard VERGNAUD

Sommaire de la thèse de Mauret

Ethnologie et nombre

Entretien avec Sophie
Entretien avec Christelle
Approche de l'intrication de l'affectif et du cognitif

 Réaction

<<Super >>

<<L'inconscient freudien ou des psychanalystes n'est pas et n'a jamais été une donnée testable. Pourquoi ? Parce que cette théorie dépend du postulat freudien du déterminisme psychique prima faciae, absolu, excluant tout hasard intérieur, tout non-sens psychique. L'inconscient freudien est absolument indissociable, dans la théorie psychanalytique de ce postulat rigoureusement intenable (Cf. Popper in : "L'univers irrésolu, plaidoyer pour l'indéterminisme"). Ce postulat est intenable parce que le déteminisme absolu ne peut donner lieu à aucun projet de description ou de prédiction qui puisse satisfaire à ses exigences démesurées : pouvoir donner , avant le projet une manière de calculer n'importe degré de précision dans le calcul des conditions initiales du projet. De ce fait comme, le démontre Popper, le déterminisme "scientifique" n'est d'aucune utilité pour la science et n'a aucune valeur explicative (et, encore moins prédictive). Toute la psychanalyse est fondée sur une version parfaitement insoutenable du déterminisme. Des fondements théoriques jusqu'à la pratique thérapeutique dite des associations libres. Il n'y a pas de théorie de l'inconscient spécifiquement freudienne ou psychanalytique qui ne soit associée à cette version du déterminisme. Freud, lui-même, a martelé, pendant toute sa carrière avoir une "foi inébranlable" dans ce déterminisme. Il se trompait lourdement et a fait de tout projet psychanalytique, un projet qui échoue, par nature, avant même d'avoir pu commencer. Conclusion : ce qui disent avoir fait des "expériences" sur l'inconscient freudien...se trompent. L'inconscient freuien n'existe pas sans ce que Freud en a explicitement dit : le déterminisme absolu excluant tout hasard. Prétendre avoir "testé" cet inconscient sans tenir compte de ce que dit Freud, c'est donc avoir testé quelque chose d'autre ET PAS l'inconscient de Freud, parce que celui-là reste impossible à mettre à l'épreuve, il est parfaitement irréfutable. Cordialement.>> Patrice

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