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Un entretien de Bernard MAURET

avec une élève Christelle de 3 ème C.A.P. section E.T.C.

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             Cette élève a 17 ans 6 mois au moment de l'entretien. En difficulté dans les classes primaires elle a redoublé la classe de C.P. puis celle de C.M.1 Elle a suivi une année la classe de perfectionnement puis elle est restée trois années en S.E.S. Actuellement en classe de 3ème année de C.A.P. section E.T.C elle a toujours beaucoup de difficultés en mathématiques. Cependant son comportement et sa bonne volonté révèlent une relation convenable avec les mathématiques. L'élève reste agréable et présente une attitude positive même si elle est souvent déçue par les résultats qu'elle obtient. Physiquement elle est grande, souriante avec un regard bleu, innocent, étonné. Durant l'entretien son imaginaire laisse percevoir une forte émotivité et conduit à une animation des nombres qui deviennent alors des êtres humains ou des animaux : "Je ne sais pas... ça vit... des fois on'a l'impression que ça marche... par exemple le 6 on dirait un petit serpent qui s'enroule avec des yeux ..."

 ENTRETIEN DE CHRISTELLE

 

M - Pour toi, qu'est-ce que tu ressens quand tu utilises des nombres ou quand tu fais des opérations avec les nombres

C : - ça dépend pour quoi...

 M- Pourquoi ?

 C -Si on reçoit de l'argent, si on perd c'est plus dur que si l'on en reçoit.

 M- Pour toi les chiffres te font penser à l'argent ?

 C -Pas qu'à l'argent aux numéros de téléphone, aux codes pour les mathématiques

 M- Pour les mathématiques tu vois comment les chiffres ?

C- Pour les opérations, pour faire les calculs de pesées ou d'autres choses

M -Oui, mais qu'est-ce que tu ressens ?

 C : - On peut faire des dessins... il y a des planches avec plein de chiffres... oui pour faire du coloriage. On obtient un dessin. On joint les 1, les 2, les 3, on suit le trait et ça fait un autre dessin.

M -Mais en mathématiques ?

C -Je sais pas... ça vit... des fois on a l'impression que ça marche... c'est bête mais c'est vrai.

M -ça vit, c'est-à-dire ?

C - Par exemple le 6 on dirait un petit serpent qui s'enroule avec des yeux.

M - Ah oui !

C -Alors par exemple chez moi, quand je fais des exercices, j'y arrive bien et quand je suis devant ma feuille je n'y arrive plus...

M -Alors comment tu expliques cela ?

C -Moi je dis c'est émotif.

 M -Emotif, pourquoi ?

C -J'ai peur de mal réussir.

M -Est-ce que tu as aussi peur devant les chiffres ?

C -Quand je vois des fractions normales... et s'il y a des divisions on croit de ne pas réussir... il y a plein de chiffres... ça fait peur

M -Pourquoi cela te fait peur ?

C -On est habitué à certains chiffres... et pas plus.

M -Quelles habitudes ?

 C : - Je sais pas... quand on fait des fractions ... des divisions... qu'elles sont plus grandes... même au tableau j'ai toujours eu peur... même les chiffres ... par exemple quand il y a eu les grands nombres.

M -Qu'est-ce que tu appelles les grands nombres ?

C Les divisions. Y'a... vous mettez 1447 divisé par 400, je sais pas ... 70 par exemple alors il faut faire des grands chiffres... c'est beau ! enfin... on peut dire que c'est beau.

 M -Mais?

C -C'est impressionnant je sais pas comment dire

 M -A la fois c'est beau mais?

C -Mais quand la division est finie pas seulement quand elle est seule.

M -Quand elle est terminée ?

C -Même quand les chiffres se suivent : 1, 2, 3, 4, 5 et sont alignés alors on dirait qu'ils veulent marcher, ça fait marrant... ils se prennent le bras.

 M -Quand ils sont alignés

C -Par exemple 1, 2, 3, 4 Ils sont ensembles et ils marchent vers les opérations.

 M -Qu'est-ce que tu en penses ?

 C -Je trouve ça marrant ça me plait.

 M - Tu aimes les chiffres ?

C -Je peux pas dire que je déteste les chiffres. Au début quand j'étais en primaire on faisait des additions petites 24 + 32 puis après on faisait 3450 + 2660 ... Je sais pas au début c'est impressionnant.

 M - C'est la grandeur ?

 C - Oui, c'est la taille mais par exemple on fait 3x + 2y + etc ... alors là c'est impressionnant. Quand il y en a plusieurs... pas quand il y a deux.

 M - Quand il y a beaucoup de chiffres ?

C C'est ça qui m'impressionne.

M - Qu'est-ce que tu ressens ?

 C - Il faut d'abord essayer de comprendre les chiffres après essayer de faire l'exercice en réfléchissant.

 M - Pour les chiffres il faut réfléchir ?

C - ça dépend ?

M - ça dépend ?

C - S'il y en a beaucoup ou pas ; pour beaucoup il faut davantage réfléchir.

M - Tu penses que les chiffres sont importants ?

C - Oui ! parce que par exemple on a deux mains, si on avait pas les chiffres qu'est-ce que l'on dirait ? Les mains bien sûr

M - C'est utile ?

C - C'est utile et ça sert pour la comptabilité, pour apprendre à compter... S'il n'y avait pas les chiffres comment on apprendrait à compter ?

M - Est-ce que les chiffres peuvent être dangereux ?

C - Oui, si on a un grand calcul et si on se trompe. Par exemple, mon père est métreur; alors il doit donner des prix sur une fenêtre, sur une vitrine et s'il se trompe d'un chiffre, d'un nombre, ça peut tout changer il faut qu'il arrive exactement au même prix.

M - Pour lui c'est un danger...

C - Oui, il doit être très prudent et se relire, se relire...

M - Il doit être attentif !

C - Oui, même dans les magasins, si la boulangère dit un pain au chocolat 7 francs, c'est important, elle peut perdre des clients. Les chiffres peuvent jouer des tours. Pour les maths si je marque un autre chiffre, mon résultat est faux.

M - A cause seulement d'un chiffre ?

C - Il faut se méfier. C'est un peu dangereux. Il y en a qui joue avec mais moi je n'y jouerais pas; ça peut entraîner des choses graves. Si mon père se trompe d'un certain million il peut être "viré".

M - Et en classe ?

C - C'est grâce aux chiffres qu'on apprend à compter... aux chiffres... disons...

 M - Alors en mathématiques comment tu vois les chiffres ?

 C - Ils sont sérieux, il faut les mettre là où il faut les mettre.

M -On ne peut pas les manipuler n'importe comment ?

C - Non, il faut avoir une règle.

M - Une règle ?

C - Un règlement sinon on y touche pas, il reste à sa place

M - Si on y touche sans règlement

C - Ca va faire des embrouilles, des 'bric-brac".

M - Des "embrouilles"

C - Ça serait le fouillis, les chiffres n'aiment pas qu'on les déplace comme on veut. Ils n'aiment pas ça, 0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9... Ils se suivent à la queue leu leu. Si le chef s'arrête à dix...

M - Le chef, c'est lequel ?

C - C'est le dernier qui commande le groupe.

 M - Comment tu vois le groupe ?

C - Ils se suivent... et quand... je m'arrête à dix : le chef il dit 8 va à droite ! 9 suit le huit... il le fait. S'il n'y a pas un chef des chiffres ils continuent à marcher sans qu'ils aillent à droite ni à gauche.

M - Ce serait le désordre ?

C - Oui... les chiffres ils n'aiment pas tellement la pagaïlle Par exemple si vous voyez un fouillis de chiffres vous essayez de les remettre en place en mettant le chef en premier pour qu'il essaye de commander le groupe.

M - Alors tu trouves les chiffres organisés ?

C - Oui, car il y a toujours un chef.

M - Le chef c'est lequel ?

C - Non, le grand c'est lui qui commande... mais comme c'est à l'infini... il faut que ce soit nous qui arrêtions.

 M - Sinon, si cela ne s'arrêtait pas qu'est-ce qui se passerait ?

C - On serait envahi par les chiffres comme les insectes.

M - Oui, que faire !!!

 C - Oui ! je sais pas ce qu'il faudrait faire, il faudrait les emprisonner.

 M - On ne pourrait peut-être pas

C - Oui il faudrait les écraser car les insectes on les écrase. Quand on a une fourmilière on les écrase... On n'a pas le choix malheureusement... pour les chiffres ça serait pareil...

 M - Est-ce que tu as des nombres préférés ?

C- Non.

M - Tu n'as pas de préférence ?

C - Non.

M - Qu'est-ce que tu penses du zéro ?

 C - Zéro c'est une mauvaise note. On est nul enfin quand on a zéro ça me fait aussi penser à des bulles.

M -Des bulles...

C -Des bulles de savon.

M -Oui.

C -Il n'est pas beau... c'est rond... ça n'a pas de forme...

M -Oui...

C -Et puis j'aime pas... quoi... je préfère un à un zéro.

M -Il te fait penser

C -Aux mauvaises notes.

M -Oui...

C -Oui.

M -Et l'infini qu'est-ce que tu en penses ?

C -ça grandit de plus en plus quand on compte, et ça peut envahir toute une pièce...

M -Comment tu le vois?

C -Très loin.

M -Comment ?

C -Et ben... je suppose qu'on le verra jamais... peut-être nos enfants ?

M -Si tu devais le décrire à quelqu'un, comment tu le verrais ?

C -Toutes les couleurs... oui

 M -Oui

C -Toutes les couleurs avec des petits bonhommes des autres que nous

M -Oui

 C - Et dedans presque des robots, des machines

 M - Et les nombres

 C - Ils sont dans les machines et avec nous. On pourrait peut-être se balader avec les maisons en briques... ça sera d'autres voitures... les produits exprès... électriques. Les nombres peuvent se transformer en hommes et quand ils veulent ils se mettent en nombres... toujours le même. C'est très grand... beaucoup de montagnes... beaucoup de sable... de la mer... un petit peu et des fleurs... beaucoup de fleurs... pas au même endroit que le sable... c'est séparé.

 M - Oui c'est comme ça que tu vois l'infini ?

 C - Oui, c'est comme ça.

M - Est-ce que tu ressens une différence entre nombres pairs et nombres impairs ?

C - Oui, les 2, les 4, les 6 ceux là, je préfère

M - Pourquoi ?

 C - Parce que ça tombe toujours juste que les autres par exemple 3 et ben il y a toujours une personne qui est en trop, même pour 5, pour 7 etc...

M - Tu préfères...

C - Les nombres pairs... ça tombe toujours juste... on peut partager par 2, le 4, s'il y a deux personnes qui se plaisent pas ensemble ils peuvent se partager 2 fois 2.

 M - Oui

 C - Oui, ça se partage mieux.

M - Est-ce que tu as une préférence entre les petits nombres et les grands nombres ?

C - Ça dépend pourquoi.

M - Pourquoi ?

 C - Pour les achats les petits nombres

 M - Et en mathématiques ?

 C - ça dépend pour quelles opérations... par exemple les divisions ou les soustractions... enfin... très grand... les opérations trop compliquées...

M - Et alors

C - Pour les petits nombres, pour faire les opérations c'est plus facile.

 M - Pour l'apprentissage des nombres dans les petites classes comment cela s'est passé?

C - Un par un

M -Comment ?

C - interrogeait,

 M - Oui

C - Je sais plus.

M -Et alors?

C - J'avais un petit peu des difficultés.

M - Pour quels chiffres ?

C - A partir de 10

M - Pourquoi ?

C - Je sais pas

M - Et pour la table ?

 C - On faisait par carrés deux fois 4 on mettait 8 carreaux. On entourait les carreaux... Il y avait des cubes. Il fallait construire des petits carrés... enfin... des bandes... on avait des ardoises aussi...

 M - Pour apprendre les tables ?

C - Oui c'était assez dur.

M -Comment ?

 C - A l'ardoise, il nous disait 3 x 7 il fallait alors écrire

 M - Ça allait?

C - Ça dépend

M - Comment ?

 C - Si je m'en rappelais j'ai un problème de mémoire

 M - Pour lesquels ?

C - Surtout 8 et 9, 8 fois 9, 9 fois 9, 9 fois 6 enfin vers la fin de la table de 9, de 8, de 7...

M - Là, tu avais des difficultés ?

 C -Ben... un jour jusqu'à 5 et l'autre jour jusqu'à 10

M - Et maintenant ?

 C - Maintenant ... non

 M - Ca va

 C - ça va ... oui

 M - Est-ce que tes parents réussissaient avec les nombres ?

 C - Oui, mon père est fort

 M - Oui...

 C : - Oui ça va...

Qu'est-ce qui vous a frappé dans cet entretien?

Qu'avez-vous entendu?

Comparer avec l'analyse de cet entretien faite par le chercheur. Analyse de l'entretien

Textes tirés de la thèse de Benoît MAURET , Nombres et affectivité

dans l'U.E.R. de Sciences de l'Éducation de PARIS V sous la direction du Professeur Gérard VERGNAUD

Sommaire de la thèse de Mauret

Ethnologie et nombre

Entretien avec Sophie
Entretien avec Christelle
Approche de l'intrication de l'affectif et du cognitif

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