1).
THEMES CENTRES SUR LES
NOMBRES.
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Zéro
évoque pour Christelle la mauvaise note, la
sanction et de ce fait devient l'objet d'une
blessure narcissique qui conduit à
l'anéantissement de soi-même : "on est
nul enfin quand on a zéro...". Comme
mécanisme de défense elle utilise des
projections négatives. Tout d'abord par
dévalorisation en évoquant la laideur
du zéro puis par retournement de l'action de
"former" l'élève réduit le
zéro au temps "pré-fécal".
Dans un retournement de la pulsion anale le
zéro devient la "matière"
uniforme.
L'infini est ressenti par
l'élève comme un objet très
envahissant et menaçant. Ce danger se
traduit dans un mécanisme de gigantisation
qui se rapproche du processus psychologique
d'agrandissement accompagnant la
déréalisation schizophrénique.
Devant cette menace l'élève utilise
un mécanisme de défense en se
distanciant de l'objet dangereux. Pour elle,
l'infini est très loin, associé
à une planète magique : «les
nombres peuvent se transformer en hommes et quand
-ils veulent, ils peuvent se mettre en nombres ...
». Ainsi l'élève évoque
une relation anthropomorphique avec les nombres et
procède au mécanisme de
gullivérisation : «Toutes les couleurs
avec des petits bonhommes... des autres êtres
que nous ... ». Il s'agit d'un autre
mécanisme de défense devant les
fantasmes provoqués par l'infini, en
réduisant l'objet menaçant à
un univers miniaturisé.
La parité est associée
au couple. L'élève manifeste un grand
souci d'ordre et d'organisation. C'est à
mettre en relation avec l'expression de certaines
pulsions de type anal. Le chiffre 2
représente l'équilibre et l'harmonie.
Les nombres impairs deviennent source de
déséquilibre, de désordre, de
mésentente. Il apparait une projection sur
le couple familial avec intrusion d'un
troisième partenaire : «parce que
ça tombe toujours juste ... que les
autres... par exemple 3 et ben... il y a toujours
une personne qui est en trop ... ». Nous
retrouvons la problématique oedipienne avec
rejet fantasmé de la triangulation. Ce rejet
évoque la mentalité de certaines
tribus africaines où le système de
numération est uniquement basé sur la
parité.
Pour le clivage grands nombres / petits
nombres. L'élève considère
la difficulté de réaliser des
opérations avec des grands nombres tout en
étant fascinée par l'obstacle
à surmonter. Nous retrouvons dans sa
relation aux grands nombres l'attirance et la
répulsion correspondant à
l'ambivalence
2
) . Thèmes centrés sur les
qualités intrinsèques des
nombres.
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Pour l'élève les nombres sont
utiles, ils permettent le
dénombrement et les calculs. Cependant, le
risque d'erreur exige la méfiance et la
prudence.
En évoquant le métier de son
père, l'élève manifeste toute
une fantasmatique de type sadique anal et son
discours révèle de nombreuses
projections anthropomorphiques avec un désir
de toute puissance pour une "foule" composée
de nombres.
Confrontée à la suite des
nombres entiers, l'élève ressent
des fantasmes d'envahissement. Les nombres
s'agitent et s'animent comme des fourmis. Nous
retrouvons l'archétype du fourmillement et
du rampant tel que le décrit Gilbert Durand
: "Le schème d e l'animation
accélérée qu'est l'agitation
fourmillante, grouillante ou chaotique, semble
être une projection assimilatrice de
l'angoisse devant le changement, l'adaptation
animale ne faisant dans la fuite que compenser un
changement brusque par un -autre changement
brusque". Comme mécanisme de défense
et avec un souci très fort de l'ordre,
l'élève manifeste des pulsions de
type sadique anal : «oui il faudrait les
écraser car les insectes on les
écrase. Quand on a une fourmilière on
les écrase. On n'a pas le choix
malheureusement. Pour les chiffres ça serait
pareil ... ».
Nous ne pouvons qu'être
étonné devant une telle dynamique
psychique conduisant à la libération
de pulsion de destruction.
3
) . Thèmes centrés sur le
vécu de
l'élève.
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L'élève a un souvenir assez
confus de son apprentissage des nombres et de la
table de multiplication.
Il est intéressant d'observer
"l'érosion didactique" des méthodes
et des structures pédagogiques
utilisées pour enseigner les chiffres et la
table de multiplication chez cette
élève.
Quelles représentations
restent attachées à cet
apprentissage ?
Nous pouvons observer que seuls des
éléments géométriques
émergent des souvenirs : «on faisait
par carrés deux fois quatre on mettait huit
carreaux. On entourait les carreaux... Il y avait
des cubes. Il fallait construire des petits
carrés enfin... des bandes... on avait des
ardoises aussi : oui c'était assez dur ...
».
L'élève pense avoir des
problèmes de mémoire pour les
nombres. Cela rejoint la difficulté qu'elle
a eue pour apprendre la table de multiplication. De
ce fait elle a beaucoup d'admiration pour son
père dont la profession nécessite une
bonne maîtrise de la mesure et du calcul :
«mon père est fort».
En dehors du zéro
l'élève n'a ni attirance ni
répulsion pour des nombres particuliers.
Dans l'entretien il n'apparait pas de
mécanismes projectifs pouvant contribuer
à un clivage selon un mode Klénien
"bons nombres" et "mauvais nombres".
4 )
Conclusion.
Cet entretien nous permet
d'observer la place importante de
l'affectivité dans la relation avec
l'objet nombre. Nous retrouvons certains
mécanismes de défense contre
les blessures narcissiques et les pulsions
de mort.
A l'aide de la distanciation
(gullivérisation)
l'élève peut se
libérer des pulsions de
destruction. Son souci de l'ordre, de
l'organisation souligne un surmoi
important et facilite l'apparition d'une
fantasmatique de type
sadique-anal.
Du fait de cet investissement de
l'objet nombre, nous pouvons davantage
comprendre les difficultés
qu'à pu rencontrer
l'élève au cours de sa
scolarité et en particulier comment
sa relation avec le zéro a pu
perturber certains schèmes
utilisés dans le changement
d'unité ou les puissances de
dix.
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