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Analyse de l'entretien de Sophie

Benoît MAURET

Voir l'entretien de Sophie

1) Thèmes centrés sur les nombres

 

             Le Zéro évoque pour Sophie une mauvaise note.

             Aussi elle le ressent comme un chiffre triste sur lequel elle projette une dynamique fantasmatique de type originaire. Devant l'angoisse qu'évoque pour elle le zéro Sophie va utiliser la dévalorisation comme mécanisme de défense. Il devient pour elle un nombre sans valeur.

             Mais ce qui est plus étonnant c'est la relation qu'elle établit entre la suite des nombres. Chaque nombre possède une origine dans son antécédent. Seulement zéro a un descendant mais n'a pas d'antécédent.

             Cette "filiation" qu'elle attribue au nombre constitue comme une chaîne familiale et ce départ du zéro sans origine parentale la trouble et l'interroge :

«c'est un chiffre triste du fait ... bon... il n'a... pas... il a de l'avenir mais pas du passé... ».

 

L'infini est pour l'élève complètement associé à l'avenir. Cela rejoint la chaîne de descendance qu'elle considérait pour le zéro.

Il y a superposition entre la suite des nombres et le déroulement du temps.

             L'infini devient ainsi le développement de la vie, avec les difficultés d'existence, maladie, deuil mais aussi la mort qui se trouve au bout de cette évolution . «Je dirais... enfin pour les êtres humains ce qui est fini C'est au moment où on arrive à la mort... c'est fini ... ».

             Nous pouvons nous interroger sur cette association que l'élève réalise entre infini et avenir. Nous savons tout l'intérêt que Young portait à la synchronicité et à la relation des nombres et du temps. C'est ce que souligne Marie Louise Von Franz ( Marie Louise Von Franz : 'Nombre et temps", La Fontaine de Pierre (1983).) dans son ouvrage - "Nombre et temps".

             Cette association entre nombres et temps permet de comprendre certains troubles affectifs que le concept d'infini peut provoquer chez les élèves.

             Si l'élève n'a pas de préférence entre nombres pairs et nombres impairs elle préfère les petits nombres qu'elle trouve plus familiers. Par contre elle exprime sa peur pour les nombres plus grands. Cela rejoint sa relation avec l'infini / avenir.

 

2) Thèmes centrés sur les qualités intrinsèques des nombres.

             Si l'élève considère les nombres comme indispensables dans la vie quotidienne cependant elle les ressent comme dangereux, occasionnant même la mort en cas d'erreurs.

             En particulier pour avoir subi de graves problèmes de santé quand elle était très jeune, l'élève continue d'avoir très peur de la maladie et projette cette peur sur les dangers que représentent les nombres.

Il y a déplacement d'objet.

             La peur de la maladie se transforme en peur de l'erreur dans les calculs numériques :

"oui se tromper dans les laboratoires... Les gens qui font des analyses de sang... s'ils se trompent cela peut coûter une vie humaine... pour les globules rouges... pour les globules blancs... il y a beaucoup... et l'angoisse des cancers, de leucémie".

             Nous retrouvons les rapports de l'élève avec les grands nombres et son inquiétude face à l'avenir du fait des maladies.

             Ce sentiment de danger se retrouve dans son rapport à l'argent et sa maîtrise pour compter l'argent :

"J'espère me débrouiller chez un commerçant, pas faire des bêtises... pas faire des chèques sans provision... des âneries qui peuvent coûter la prison... savoir gérer son budget...

             Ainsi nous constatons que toute réalisation en relation avec les nombres devient investie de sentiments de peur qui l'inhibe complètement.

             Cette emprise de l'affectivité va jusqu'à conduire l'élève à établir des hiérarchies affectives et modifier la valeur de l'argent : «on a l'impression que ça a plus de valeur quand c'est regroupé que lorsque on a une pièce que des petites... oui... réellement ça a la même valeur, j'ai l'impression que c'est plus si on perd les petites pièces ça s'éparpille partout... c'est plus embêtant mais on est content d'avoir une grosse pièce, c'est plus... ça reste plus... et puis si on dépense ça après on a plus rien».

             L'ordre est seulement envisagé, dans l'utilité des nombres mais ne constitue pas une structure propre aux nombres. Tout au contraire, l'élève ressent un désordre qui la désoriente et la gêne :

"non malheureusement ça peut aussi bien marcher à l'endroit qu'à l'envers mais c'est sûr qu'il faut un ordre pour se retrouver

 

3) Thèmes centrés sur le vécu de l'élève.

             Dans la période d'apprentissage des nombres l'élève décrit son inhibition.

Le savoir mathématique lui apparaissait comme inaccessible, interdit, étranger à elle-même.

             Nous retrouvons une grande peur des nombres qui l'a très certainement beaucoup handicapée dans sa scolarité. Dans ce contexte nous comprenons bien ses difficultés de mémorisation des nombres; pour la table mais aussi pour certains actes de la vie quotidienne. Elle nous donne un exemple avec les numéros de téléphone pour lesquels elle procède à des mécanismes d'inversion. Comme précédemment c'est la peur qui devient le principal obstacle.

 

CONCLUSION

             Tout au long de l'entretien, nous pouvons observer chez l'élève un manque de confiance en elle-même et une grande peur de l'objet nombre.

             Cette peur provient en grande partie du sentiment de danger en relation avec des pulsions de mort.

             Les nombres sont associés à des responsabilités où l'erreur peut avoir des graves conséquences. C'est le cas pour les métiers paramédicaux, le travail dans les laboratoires etc...

             Devant ces différentes pulsions qui terrorisent l'élève nous constatons qu'elle ne met en place aucun mécanisme de défense. Son extrême passivité, sa fragilité ne peuvent faciliter un équilibre psychique et contribuer à son épanouissement intellectuel.

-            Nous comprenons mieux comment sa relation à l'objet nombre réactive fortement une angoisse et une peur qui l'inhibe et la limite.

Textes tirés de la thèse de Benoît MAURET , Nombres et affectivité

dans l'U.E.R. de Sciences de l'Éducation de PARIS V sous la direction du Professeur Gérard VERGNAUD

Sommaire de la thèse de Mauret

Ethnologie et nombre

Entretien avec Sophie
Entretien avec Christelle
Approche de l'intrication de l'affectif et du cognitif

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