L'agressivité
tonique et dynamique, qui ne vise pas à
contraindre, mais à mieux équilibrer
un rapport de force, existe dans beaucoup de
circonstances, certains sports en sont
l'illustration. Y a t il une agressivité
susceptible de devenir toxique chez certains
enseignant, certainement, comme dans d'autre
professions sensibles (médecins,
chirurgiens) les abus dans cette direction sont
peut être (peut être !) plus
fréquents que dans d'autres métiers.
Je devrais plutôt parler d'un seuil
d'agressivité, plus ou moins fort, qui est
présent, soit à l'état
potentiel, soit à l'état
endémique du fait même d'être
enseignant. C'est à dire, par le fait
d'être en présence, plusieurs heures
par jour, sans beaucoup de contrepouvoir ou des
garde fou pas toujours efficaces. D'être
confrontés à 25 à 30 enfants
ou adolescents plus ou moins malléables, en
construction et d'avoir un pouvoir (surtout quand
on n'a pas d'autorité) qui parfois peut
être mis au service de ses peurs, de ses
désirs ou de ses propres traits de
caractère voire d'une pathologie plus ou
moins intériorisée.
Mais il
me paraît intéressant d'attirer
l'attention des enseignants (au risque de m'attirer
les foudres du corps enseignant tout cursus
confondu) autour de quelques réflexions qui
pourraient s'avérer salutaires pour les uns
et les autres.
L'élève
réveille l'ex enfant en nous
Tout
d'abord rappeler que les enfants (de tout
âge) sont d'une habileté
extraordinaire pour réveiller l'ex enfant
qui est en nous. Et par là même
réactiver de vieilles blessures,
réveiller des situations inachevées
de notre propre enfance, remettre à jour
quelques situations douloureuses de notre propre
histoire et donc ce faisant nous infantiliser ou
nous pousser à des conduites
réactionnelles qui iront à l'encontre
des besoins ou des attentes de l'enfant. Ce qui
donnera certaines situations paradoxales, quand de
loin, on croit voir un adulte penché sur un
enfant et si l'on se rapproche, on va clairement
visualiser qu'il s'agit de deux enfants en
présence et que le plus petit des deux,
n'est pas toujours celui que l'on croit
!
Le choix du
métier
Il y a
le choix même du métier, les
études sur ce point sont discrètes,
mais nous pressentons bien, que certains
enseignants peuvent tenter, plus ou moins
consciemment, de réparer
une image dévalorisée d'eux
mêmes par des conduites
sadisantes
voire perverse sur les enfants. Même si cela
n'est pas facile à reconnaître, tous
les enseignants ont bien perçu que la
conduite, les comportements ou les attitudes "
pédagogiques " de quelques uns de leurs
collègues relevaient de mécanismes
impulsifs et répétitifs, ayant des
origines profondes et donc quasi intouchables et
réfractaires à toute prise de
conscience et par là même
inaccessibles à un changement d'ordre
pédagogique. Il y a bien sûr la
présence du groupe/classe
comme témoin, l' intervention
de parents,
la vigilance des responsables
d'établissement qui peuvent faire
contrepoids aux excès et dérives,
mais aussi beaucoup d'aveuglement, qui se
révèlent lors de la mise à
jour de quelques scandales.
Circonstances
favorisantes à l'expression de
dérapages
Il y a
évidemment des circonstances favorisantes
à l'expression de dérapages, de
l'émergence certains jours d'une
agressivité réactionnelle, quelque
fois salvatrice (pour évacuer un trop plein
de tensions, d'irritations ou de ras le bol). Quand
certains enfants n'obéissant qu'à
leurs désirs, étant enfermés
dans une ITPI (Illusion de la Toute Puissance
Infantile) monstrueuse, qui leur laisse croire que
la réalité est au service de leurs
demandes ou qui sont prisonniers d'une
difficulté à affronter les
contraintes et les frustrations nécessaires
de la réalité (vivant dans un
environnement de transgressions, ayant eu des
parents trop laxistes par exemple), se montrent
réfractaires à tout échange,
résistent à tout changement ou
adaptation et poussent l'adulte loin dans sa
patience et sa cohérence, l'acculent dans
ses zones d'intolérance ou de
vulnérabilité.
Agressivité
plus subtile
Il y a
aussi une agressivité plus subtile, plus
diffuse, déposée au quotidien d'une
journée scolaire, avec des mimiques, des
commentaires ou des remarques dévalorisants,
disqualifiants, des jugements de valeur qui font
rire la classe mais blessent profondément
tel ou tel élève.
Etre
enseignant est-ce encore nécessaire de le
souligner est un métier de solitude. Un
métier à risque, surtout pour lui
même, accumulation de tensions,
difficulté à prendre du recul,
à trouver un lieu
d'écoute
et de partage et pour les enfants dont il a la
responsabilité qui seront parfois
marqués durablement par la rencontre avec un
professeur qu'il n'est pas excessif de qualifier
comme pouvant être toxique.
La
création de lieux
de paroles, de temps de
supervision
ou d'accompagnement de type coaching
ne seraient pas une utopie mais parfois une
nécessité pour aider ceux qui
pourraient se reconnaître dans l'une ou
l'autre des situations que je viens de
décrire.
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