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Le rapport à l'agressivité

dans notre métier d'enseignant 

   L'agressivité n'est pas à confondre avac la violence ( voir:   L’agressivité, à l’opposé de la violence  ). C'est une force qui revêt deux formes:

- l'une d'origine primitive "destructice" pour renforcer le narcissisme (moi ou l'autre)

- l'autre qui, après "transformation heureuse", renforce les pulsions sexuelles au service de l'amour et de la créativité.

 Que faisons-nous de notre agressivité?

 

           Cette force qui est en nous, nous pouvons "l'appliquer" à différents "objets" (à notre matière enseignée, aux élèves, aux collègues etc...)

Nous pouvons la "transformer" en passion, attention, amour...

           Nous pouvons "l'apprécier" comme une de nos qualités ou au contraire "nous en méfier", nous en protéger, la retenir...

           Dans tous les cas elle existe en nous et nous devons la "gérer" c'est-à-dire en faire quelque chose. 

           Evidemment nous pouvons "la nier", "la refouler" mais ce n'est pas pour autant qu'elle n'agira pas dans la façon d'exercer notre métier et cette fois à notre insu et peut être d'autant plus fortement!

           Voici quelques exemples:

Définition

<<Au niveau dynamique il s'agit d'une union, somme toute pervertie, entre les pulsions sexuelles et les courants brutaux primitifs. Les premières venant colorer de plaisir les seconds dans un sens devenu destructeur, alors que dans l'évolution heureuse qui se manifeste dès l'oedipe, et se confirme à l'adolescence, les dynamismes violents primitifs viennent logiquement renforcer les pulsions sexuelles dans leur finalité propre au service de l'amour et de la créativité. Telle est la description qu'en donne Freud dans son concept d'étayage.

Le but de la démarche imaginaire appartenant à l'agressivité implique une satisfaction libidinale prise dans l'atteinte d'un objet représenté sous la forme (consciente ou inconsciente) d'un rival oedipien, alors que la mise en jeu précoce des dynamismes instinctuels violents primitifs se limite à une défense narcissique, sans tenir compte des dégâts éventuellement causés à celui qui est vécu comme simple menace extérieure et non dans une optique authentiquement objectale.>> Dictionnaire international de la psychanalyse. p.32 Ed. Calmann-Lévy

 

L'agressivité "refoulée"

           Il s'agit d'une enseignante agrégée de lettres qui veut être sympathique avec ses élèves, elle est contre les punitions qu'elle dit ne servir à rien. Evidemment les élèves le sentent et en profitent. Elle menace souvent, répète sa menace de punition mais ne passe jamais à l'acte de peur de leur faire mal et de se sentir coupable à leur égard.

           Elle a conscience de sa difficulté et c'est pourquoi elle demande à assister à un de nos stages de formation continue. Deux mois après ce stage elle nous écrit:

<< (Je constate) en moi quelques signes de changements symbolique. Par exemple j'ai commencé l'année scolaire en achetant un cahier "Super Conquérant" au lieu du tendre "Claire Fontaine" habituel, j'ai donné des punitions dès la première semaine et je continue à en donner régulièrement>>.

 

           Sanctionner est une marque d'agresivité et il faut y voir clair sur son agressivité pour ne pas s'en trouver culpabilisé et faire face à la peur de représailles éventuelles (internes et/ou externes).

 

 

Projection de notre agressivité sur les élèves

           L'exemple suivant est intéressant dans la mesure où il montre comment la projection de notre agressivité sur les élèves va être ressentie et entraîner par interaction leur propre agressivité à notre égard. On trouvera sur le coté gauche de la page le compte rendu de ce qu'un professeur nous dit dans une lettre deux mois après un stage de formation continue; puis sur le côté droit une proposition d'analyse de ce qui s'est passé entre lui et ses élèves.

Entretien

«Stagiaire : Ce qui a changé avec les élèves s'est produit à l' issue du premier stage qui remonte maintenant à 18 mois environ. Après ce stage, j'ai senti une diminution des tensions entre les élèves et moi.

Interviewer - Diminution des tensions dites-vous ?

Stagiaire : Je veux dire qu'il y a eu une époque où j'avais l'impression, c'était pas gratuit car j'avais des classes très difficiles, que les élèves étaient agressifs à mon égard, je soupçonnais un peu systématiquement qu'une conversation dans mon dos ou un ricanement étaient dirigés contre moi. Jai l'impression que je ne peux pas dire que ça n'existe plus, mais j'ai l'impression qu'à priori je ne considère plus que si des élèves rient ou parlent c'est forcément contre moi. Et cela je l'ai éprouvé dans les semaines ou les mois qui ont suivi le 1 er stage.

Interviewer : Pour les élèves, est-ce qu'il s'est passé quelque chose ?

Stagiaire : J'ai eu probablement une autre attitude avec les élèves sans que ce soit quelque chose qui relève de décisions du genre «A partir d'aujourd'hui je fais comme ceci ou comme cela». Mais je pense que.. ça s'est installé naturellement, et il est probable que je traverse les couloirs et que je circule en classe avec un esprit plus détendu sans être sur la défensive et je pense que cela doit être perçu des élèves et que du même coup ils ajustent leur comportement sur le mien>>

Schéma explicatif

 Avant la formation:

           Un professeur qui ressent une certaine violence en lui (...et qui n'en a pas?) peut chercher inconsciemment à se débarasser de ce sentiment culpabilisant en le projetant sur ses élèves (C'est classique!). Il se sent donc agressé et réagit vis-à-vis de la classe. Les élèves, en danger, se rebellent pour de bon et le professeur, justifié dans son impression, peut alors légitimement les agresser sans plus avoir de conflit interne.

 

 

 

Après la formation:

           Après sa formation, la tension interne ayant diminué, le professeur n'a plus besoin de projeter son agressivité à l'extérieur. Il voit la classe de façon plus réaliste, les élèves ne se sentant plus agressés, n'agressent plus à leur tour. C'est-à-dire qu'ils adaptent leurs attitudes à celle du professeur. Il y a interaction entre le professeur et eux.

 

 L'agressivité à l'égard des élèves au service du "machisme"

Voici ce que dit un prof qui se souvient de son ancien prof de maths:

 <<Pascale - C'était un type qui dictait un cours. Il marchait de long en large dans la salle, et il s'arrêtait au milieu d'une phrase et disait: «Un tel, continuez. » Et le "un tel", c'était toujours les filles, ma copine et moi. Alors que nous, on "ramait" et on était terrorisées. On ne savait pas de quoi il s'agissait, on ne comprenait rien... on n'a plus rien compris toute l'année. On essayait de s'en tirer, d'apprendre pour les colles. C'était affreux, mais vraiment épouvantable! (...) Son grand plaisir, c'était de fourguer des exercices qu'on ne pouvait pas trouver et, en colle, ce n'était que cela, des exercices avec des astuces.

N. - Comment as-tu vécu cette année?

P. -J'ai été malade, j'ai eu une colite toute l'année. A la fin, mes parents sont venus me chercher, affolés... Je veux dire qu'il y a même eu des symptômes physiques. On arrivait à deux heures de l'après-midi, après le repas. On attendait, on le guettait: il va arriver... il va arriver... la porte s'ouvrait: il rentrait. Tu vois, c'était du théâtre: «Interrogation écrite. Prenez une feuille. » Sur le repas! On ne digérait pas, nous. Ce n'est pas étonnant que j'aie eu une colite! ... Je me suis laissée avoir parce que je ne voyais pas le grotesque de la situation, je marchais dans la terreur, le sadisme et tout ça! Je marchais complètement.

N. - Est-ce que ce n'est pas aussi autre chose pour toi?

P. - Bien sûr! je veux dire que lorsque j'y repense de façon rationalisée, je vois qu'il y a parmi les profs de maths des gens qui ont un peu ce penchant-là, ce sadisme-là. Je veux dire qu'ils ont du plaisir à poser à ceux qui sont en face des colles qu'ils ne comprennent pas; c'est facile en maths de faire cela! C'est assez facile d'avoir de petits exercices à astuces qui font que même un gars intelligent ne trouve pas; autrement dit, c'est facile d'impressionner. Je crois quand même que pour le prof de maths, il y a sûrement cela qui joue, et je dois dire que moi-même, il faut que je fasse grandement attention pour ne pas jouer à cela.>> Voir: "Pascale ou la machine à café"

          Mais si elle a "marché complètement" dans ce sadisme, c'est qu'il trouvait sans doute une résonance en elle et c'est ce qu'elle cherche à comprendre.Pascale doit trouver un moyen pour ne pas tomber dans ce qu'elle considère comme du sadisme. Pour ce faire, elle a adopté une attitude opposée, celle de "bonne mère" qui lui permet de refouler son agressivité et de retrouver un équilibre. Ainsi son processus de pensée lui fait trouver une solution à son conflit interne. "Des gens qui ont un peu ce penchant-là, ce sadisme-là. Je veux dire qu'ils ont du plaisir à poser à ceux qui sont en face des colles qu'ils ne comprennent pas". Notre métier peut par ses caractéristiques (quelqu'un qui sait face à quelqu'un qui ne sait pas ) peut induire , si on n'y prend garde, un certain "sadisme" auquel l'élève répondra par une position "masochiste" . Il est préférable de le savoir et d'avoir à l'esprit ce "plaisir" d'être du bon coté , "celui qui sait", et de ne pas en abuser!

 

La discipline comme protection contre sa propre agressivité

          

 François (professeur de mathématiques) - J'aime bien enseigner et donner confiance aux élèves, leur expliquer qu'ils peuvent y arriver. Et quand j'en vois un qui s'éveille, qui s'accroche, cela me plaît. Surtout quand je me dis que si je l'avais brutalisé, il n'aurait jamais réussi à comprendre; alors là j'ai une véritable satisfaction. Et puis j' aime bien ce contact avec les élèves par l'intermédiaire des maths. C'est un peu un jeu, il y a des astuces, il y a des finesses: le rapport est bien délimité. Ce n'est pas comme pour les profs de français qui sont très souvent en psychodrame, qui déchaînent des affectivités terribles dans les classes. Après, ce n'est pas forcément facile d'en sortir. Pour nous c'est quand même beaucoup plus simple et cela ne nous empêche pas de discuter avec les élèves à la fin d'un cours. On a un rapport qui s'établit...

 N. - Vous avez dit un contact par l'intermédiaire des maths?

 F. Oui, là je suis un petit peu hésitant, je ne sais pas très bien au fond ce que je fais. Je suis un prof, c'est vrai. Mais au fond les maths me servent à garder une distance. Parce que je suis relativement distant malgré tout. Enfin on discute, mais quand même, je suis assez sérieux et je ne fais pas trop durer la récréation.] (Voir Livre)

 

           Les mathématiques permettent de bien "délimiter" le rapport maître-élève, d'éviter les "psychodrames" c'est-à-dire les "affectivités terribles", car ce risque, le professeur l'exprime ainsi : "Si je l'avais (élèves) brutalisé, il n'aurait jamais réussi à comprendre". Ce professeur désire être protégé de sa propre agressivité et il se sert des mathématiques comme d'un "intermédiaire" entre lui et les élèves, comme d'un tiers pour éviter les dangers de la relation duelle.

 

 Négation de l'agressivité

           Parfois on préfère nier l'agressivité, la sienne et celle des autres, on a alors l'impression qu'on peut "aimer" tout le monde et que "tout le monde nous aime" . TOUT LE MONDE IL EST BEAU ET GENTIL...

           Voici l'exemple d'une professeur qui a pris conscience de ce processus après un travail sur elle-même et qui se réjouit, paradoxalement, de découvrir que certains de ses élèves ne l'aiment pas !

P -J'ai eu une élève cette année qui m'a reproché de ne pas savoir laver le tableau. Alors, je ne l'ai pas supporté, tu vois. C'en était une qui m'agressait depuis le début de l'année. Visiblement, elle ne pouvait pas me voir! Et moi, évidemment, au bout de deux ou trois fois, cela m'a agacée sérieusement. Alors, il y a eu une séance où je faisais un cours et tout d'un coup, cette fille me dit: «Alors là, c'est le comble, non seulement on ne comprend rien mais en plus on ne voit pas ce qui est au tableau parce que vous n'êtes pas capable de laver correctement une éponge!» Devant la classe, comme cela, tout fort! Là, j'étais folle de rage. Alors je lui ai répondu qu'elle avait sûrement mille choses à me reprocher, mais ne pas savoir effacer le tableau, je trouvais que c'était un mauvais, mauvais terrain !

N. - Pourquoi?

P. - Parce que, enfin, laver une éponge!... Je lui ai dit: Si vous n'êtes pas contente, vous n'avez qu'à laver et effacer vous-même le tableau, c'est assez pénible comme cela! Alors là, j'étais très fâchée et j'ai ajouté: De toute façon, cela fait un moment que vous m'agressez. Alors elle m'a regardée et m'a répondu devant la classe éberluée: Et vous de même!

P. -Je n'aime pas rester sur des conflits comme cela... Et comme je n'aime pas que les gens ne m'aiment pas, je suis allée la voir après. Je lui ai dit: Si vous voulez, on va parler un peu pour voir ce qui se passe. Et je lui ai dit ce que je pensais d'elle et elle aussi... et depuis, elle est à tous mes cours au premier rang. Elle comprend tout. Il faudrait faire cela avec tous les élèves, leur dire: On vous a vu, on vous a reconnu, etc. et cela marcherait; mais ils sont fatigants. Cette fois, c'était une agression vraiment contre moi et cela; c'est nouveau. Tous les échos qui me revenaient étaient plutôt bons, j'avais l'impression que je plaisais bien. Alors là, c'était la première fois que je prenais conscience que certains ne m'aimaient pas.

Mais finalement, je trouve que c'est bien parce que cela veut dire que je l'accepte un petit peu. Rien que le fait que cela ait pu avoir lieu est quand même un progrès pour moi; j'ai maintenant un peu moins l'illusion que je vais pouvoir tout leur donner, tout leur faire comprendre. Mais je me trouve encore parfois des alibis, des justifications, je me dis que c'est parce qu'il y a trop d'élèves, parce que je ne peux pas faire ce que je veux...

N. - Qu'est-ce que tu veux leur donner comme cela?

P. -je ne sais pas... "Leur donner", cela veut dire: se faire aimer sans doute, enfin... c'est comme pour eux "tout leur donner", cela veut dire qu'ils m'aiment.>> (Voir Livre)

 

           L'agression verbale de cette élève avait pour sens une demande d'attention à laquelle elle pensait avoir droit. Elle profite de la faille découverte chez Pascale, le "mauvais terrain", c'est-à-dire un terrain autre que les mathématiques, pour "l'agresser verbalement", pour lui demander son attention. Pascale va réagir au début "sans distance" dans l'agresion à son tour mais après la classe elle est capable de "processus de pensée" différent et plus adapté.

           Pascale explique maintenant comment son évolution personnelle l'aide à laisser venir des "agressions verbales" et à y faire face sans en être trop affectée.

           C'est intéressant de voir comment cette enseignante trouve "bien " le fait d'être capable de supporter les agressions verbales de ses élèves. Pascale a maintenant la certitude que c'est un progrès pour elle de réussir à mieux utiliser son agressivité grâce à un processus de penser différent obtenu par son travail sur elle même. Il y a évidemment risque en retour de se faire soi-même agresser et de se rendre compte qu'on n'est pas forcément aimé, apprécié par tous les élèves (c'est là sans doute la cause du processus de penser antérieur qu'elle avait adopté). Elle a surtout pris conscience qu'à travers les mathématiques, c'est une demande d'amour qu'elle pose, elle en devient moins tributaire et retrouve alors une marge d'autonomie, une diversité de réactions, d'attitudes qui lui permettent de mieux doser la frustration à l'égard de ses élèves et donc de mieux s'adapter aux situations diverses.

           Il existe bien d'autres processus d'expression de l'agressivité; on peut la retourner contre soi même comme dans le suicide ou des accidents plus ou moins provoqué inconsciemment. Inversement elle peut intervenir dans motivation puissante pour accomplir une tâche qui revet alors un sens imaginaire pour nous. (Voir: Jean Pierre et le mur à abattre )

 

           Dans tous les cas on sait bien que la frustration est nécessaire dans l'éducation des jeunes: c'est en interdisant certaines voies de satisfaction immédiate que l'enfant est amené à en chercher d'autres à un niveau supérieur. Pas assez de frustrations empêche l'enfant de progresser, trop le bloque et stérilise toute initiative de sa part. Cette frustration qu'il doit apporter renvoie parfois le professeur à son agressivité inconscient. Sa tentation peut être de lui laisser libre cours ou au contraire, par réaction, de refouler ses désirs condamnés, d'être trop "gentil" avec les élèves et de ne plus pouvoir les frustrer du tout. C'est ce que certains parents reprochent aux enseignants: "un manque d'exigence". Mais il ne s'agit pas, en réalité, d'un manque d'exigence mais plutot d'une incapacité à gérer sa propre agressivité pour le progrès des élèves.

           On peut ainsi voir comment le progrès des élèves peut dépendre, entre autres, de la conscience que nous avons de notre agressivité et de la manière dont nous l'utilisons.
Réaction

<<Intéressant de découvrir comment le progrès des élèves peut dépendre, entre autres, de la conscience que nous avons de notre agressivité et de la manière dont nous l'utilisons. >>

<<La formation des enseignants (en Italie) est pauvre sur le coté des rapports avec les élèves pour les savoir gérer (on aurait besoin de connaissances de psychologie et pas seulement)>>

<<Je suis étonnée de lire dans ces témoignages beaucoup d’éléments affectifs.Il faudrait montrer aux jeunes enseignants que c’est une erreur de se situer ainsi. Ceux qui ont une autorité naturelle n’ont pas besoin de cela. Pour les autres il est certain que l’on doit les aider à analyser leurs pratiques et le relationnel et c’est difficile.Le respect réciproque ne serait-il pas la meilleure réponse ?>>

<<Les facteurs humains sont de moins en moins pris en compte dans l'enseignement en france, et l'expérience ainsi que la personnalité des enseignants sont laissés de côté, au profit de compétences techniques dont l'acquisition sont justement conditionnées par un savoir-faire, des qualités humaines et des notions de psychologie >>

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