Voici tout d'abord quelques catégories
Le couple
inexistant
Pas de
relation entre l'enseignant et les parents. Non que
cette relation ne soit pas souhaitée, bien
au contraire. "C'est justement ces parents qu'on
ne voit jamais qu'il faudrait voir plus
souvent" ... Mais on ne fera rien pour les
voir, pas de coup de téléphone, pas
de déplacement, pas d'intervention
auprès de l'enfant. Pour de bonnes raisons:
"C'est inutile, ils ne viendront pas ",
"ça serait gênant pour eux",
"ils s'en fichent", "j'ai pas le
temps" etc;
En face, le ou les parents
souhaiteraient, peut être, voir l'enseignant
mais "cela va le déranger", "je ne
suis jamais libre aux heures de classe" et puis
"je ne saurais pas lui parler et je ne
comprendrais pas ce qu'il me dirait..." Ou
encore: "Mon enfant aura honte de moi et cela
pourra lui nuire" etc....
Chacun
reste dans son imaginaire en se gardant bien
de le confronter à la réalité
de l'autre, par peur, par intérêt:
"c'est plus facile comme cela" ou par
habitude comme ces vieux couples qui n'ont plus
autre chose à se dire que "passe moi le
sel"!
Le couple
agressif
C'est
le parent qui vient faire la leçon
à l'enseignant sur ses
méthodes (globale ou non!!!), qui
vient lui dire que "de mon temps.... et
ça marchait très bien".
Il n'est pas là pour obtenir un
changement du prof ( à moins de se
croire tout puissant... ça arrive!
) mais pour avoir l'occasion d'agresser
l'enseignant; "ça fait du bien
de pouvoir le faire"; On peut passer
sur quelqu'un toute la rancoeur de ne pas
avoir le gamin idéal; et puis c'est
l'occasion de prendre sa revanche sur un
passé où on était
obligé de se taire devant
l'enseignant. Cela peut aussi être
l'occasion de trouver un bouc
émissaire à tous les
déboires, les déceptions de
la vie.
On
peut encore trouver le cas de parents
particulièrement
culpabilisés de ne pas faire tout
ce qu'ils pensaient devoir faire
vis-à-vis de leur enfant. Et alors
c'est plus facile de dire "c'est pas
moi, c'est lui". Dans tous les cas
cette agressivité résulte
d'une souffrance, d'un sentiment
d'impuissance devant une
réalité qu'on ne
maîtrise pas. Et c'est cette
souffrance qu'il est utile
d'entendre.
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En face,
l'enseignant est noyé sous un déluge
de reproches qui ne peuvent rester sans influence
sur lui. Ces reproches le renvoient à
ses propres sentiments de culpabilité:
"je n'ai pas donné assez de devoirs",
"'j'ai été trop rapide dans mes
explications", "je ne me suis pas assez
intéressé à ce gamin; du reste
je ne savais même plus son nom ! " etc...
Sentiments fort désagréables dont
l'enseignant cherchera à se
débarasser en attaquant à son tour:
"Qu'est-ce que vous y connaissez en
méthode pédagogique? " "De
votre temps? Mais justement on y est plus de votre
temps et les gamins ne sont plus comme vous!",
"Que feriez-vous avec 30 jeunes devant vous
toute une journée , vous qui en avez
par-dessus la tête avec un ou deux le
mercredi ?"...Evidemment la situation inverse
peut se produire: l'enseignant convoquant des
parents sur la défensive pour leur reprocher
toutes les difficultés qu'il rencontre avec
leur enfant.
Dans les deux
cas, c'est la boule de neige où chacun
attaque et se défend. Chacun repartira
soulagé d'avoir pu déverser sa bile,
et en même temps frustré de n'avoir
rien tiré de cette rencontre.
Cependant
là, les imaginaires se sont
rencontrés, contrairement au couple
précédent. L'imaginaire de l'un
(à base de culpabilité) est
rentré en résonance avec l'imaginaire
de l'autre provoquant l'augmentation des affects
des deux parties. La distance n'étant pas
suffisante, chacun prend pour argent comptant ce
que dit l'autre sans percevoir que
derrière cette agressivité se
trouve de la souffrance qui pourrait se dire.
Le couple
pervers
On trouvera
une définition précise de ce terme
chez Élisabeth
Roudinesco
; prenons le dans le sens d'avoir du plaisir
à abaisser l'autre. Ce couple ressemblera au
précédent dans la mesure où
l'un agressera l'autre, cherchera à le
culpabiliser mais souvent de façon plus
subtile que précédemment: "Est-ce
que des devoirs à faire à la maison
n'aideraient pas les enfants ? Mais
évidemment c'est vous qui voyez". Ou de
la part de l'enseignant "Vous savez on a
montré que les enfants qui passent plus de 5
heures devant la télévision ont du
mal en classe". Mais cette fois l'un ne se
défend pas par de l'agressivité mais
par des justifications où il se
présente comme coupable: "C'est pas ma
faute, je travaille toute la journée",
"J'ai pas fait d'études alors je ne peux
pas l'aider. C'est pour cela qu'il ne comprend
rien". L'un a du plaisir à prendre
l'autre en défaut et l'autre l'accepte avec
délectation (au moins inconsciente! !)
"battez-moi puisque je dois être puni"
dit l'élève Jean-Pierre.
Cette relation peut, en effet, exister
également entre enseignant et
élèves (voir aussi: Pascale)
Ce
couple sado-maso est très solide
(paradoxalement il divorce rarement ! ). Parfois
il se retourne: si l'entretien dure
l'agressé devient agresseur et
aussitôt l'autre prend la position
complémentaire montrant ainsi que
l'important n'est pas l'agressivité mais le
jeu complémentaire qui s'est établi
entre les deux et qui donne du plaisir à
chacun. La place de l'enfant dans ce couple est
bien difficile ! Les imaginaires se
correspondent trop bien, la rencontre
inconsciente est parfaite dans sa
complémentarité. Il n'y a pas de
place pour le manque, le doute, l'autre. Et cela
peut parfois aller loin, jusqu'à la
traduction devant les tribunaux de l'un ou de
l'autre. Ce qui est à retenir, là,
ce n'est pas l'agressivité mais le plaisir
rencontré dans ce jeu.
Si
un tiers n'intervient pas, l'évolution
de ce couple est guère
probable. L'enfant risque d'en faire les
frais. Dans ce cas un
médiateur
scolaire (chef d'établissement, inspecteur,
collègue ...) est indispensable... s'il est
compétent!.
Le couple
possessif
On n'est plus
dans le manque mais dans le trop ! Le parent veut
voir l'enseignant tout le temps, il profite de ces
rencontres (provoquées ou non, au
marché ou ailleurs) pour lui parler de son
enfant comme si l'enseignant n'avait que cet
élève à s'occuper. Il sera
prêt à lui faire des compliments sur
son enseignement, sa façon de s'habiller ou
tout autre chose pour obtenir ses faveurs,
c'est-à-dire son attention pour lui et son
enfant; des petits cadeaux peuvent faire l'affaire
au besoin, des invitations etc... Il faut qu'il se
rappelle à son bon souvenir continuellement
comme s'il avait peur d'être oublié et
son enfant avec lui.
L'enseignant
risque d'en avoir rapidemment "assez",
"trop c'est trop" et il va éprouver
le besoin de "prendre ses distances" par
rapport à ce parent et à cet enfant
qui finissent par "l'étouffer",
risquant ainsi, par augmentation de la peur de
l'autre, de déclencher une demande encore
plus forte!
L'imaginaire
de l'un (une demande sans limite de reconnaisance
ou d'attention) fait peur à l'autre
qui dans son imaginaire se voit envahi,
étouffé, débordé.
Seule une mise en mot de ce qui se passe dans l'ici
et maintenent de la rencontre, avec rappel du tiers
(les contraintes institutionnelles, l'obligation de
s'occuper de tous les enfants de la classe...) peut
donner de l'air à cette relation.
Le couple en
présence d'un fantôme
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Il
peut y avoir une collusion inconsciente
entre les deux membres du couple parent-
enseignant pour ne pas parler du tiers (le
fantôme) Si la mêre est
là on ne parle pas du père
et réciproquement. De même on
ne parle pas des contraintes de
l'institution comme si les questions
allaient se régler dans le secret
de ce couple entre le parent et
l'enseignant. On est bien ensemble, on se
comprend et on va surement trouver une
solution aux problèmes qui se
posent. Il n'y a pas à s'en
faire. Le parent a toute confiance en
l'enseignant et l'enseignant,
flatté de cette confiance, se sent
tout-puissant pour résoudre le
problème.
Là
encore les imaginaires se rencontrent
et le réveil risque
d'être douloureux quand le
fantôme deviendra
réalité, que le père
ou la mère ne sera pas d'accord
avec la solution trouvée ou que
l'institution ne ratifiera pas cette
solution.
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Ce
ne sont que des exemples. Ils montrent
qu'un entretien parent-professeur est une
rencontre des imaginaires
de l'un et de l'autre qui vont structurer
cette rencontre. L'attention à
ce qui se joue là est aussi
importante que le contenu de
l'échange car c'est lui qui
conditionne les solutions trouvées
ou non trouvées.
La
place de l'enfant dans ce
couple
Si une
rencontre a lieu entre parent et professeur c'est,
en principe, au sujet de l'enfant. C'est le
point commun du couple, le lien entre les deux,
"l'objet " (?!) de la rencontre. Mais quelle place
va avoir l'enfant dans la rencontre? Quelle place
les protagonistes de ce couple vont lui
réserver?
L'enfant
oublié
Il peut,
après un temps très court, au
début de l'entretien, être totalement
"oublié" au profit du couple lui-même
et des règlements de compte à
l'intérieur du couple; l'important
étant, comme on l'a vu plus haut, par
exemple, de reprocher à l'autre ses
agissements. L'enfant peut être
présent à l'entretien, silencieux,
hors du coup, non concerné. S'il se
manifeste il devient le gêneur et on le
renvoie dans son coin.
L'enfant médiateur
du couple
Cette fois
l'enfant est bien présent ! C'est même
lui qui parfois compte les coups, donnant raison
à l'un ou à l'autre; en rappelant
l'un à l'ordre: "Tu exagères,
c'est pas toujours comme cela", ou "Maman a raison,
c'est pas commode quand on travaille toute la
journnée" . C'est un peu lui l'adulte
devant des gamins qui se chamaillent
L'enfant enjeu du
couple
C'est à
qui obtiendra son accord contre l'avis de l'autre.
"Je pense qu'il devrait faire un BEP, qu'en
penses-tu Jean?" -"Il a toujours
rêvé de devenir Ingénieur,
n'est -ce pas Jean?". L'enfant est là un
enjeu symbolique de quelque chose d'imaginaire,
important pour le couple comme la "valeur" de l'un
ou de l'autre. S'il fait un BEP c'est que l'enfant
n'est pas un bon élève et
l'enseignant n'y peut rien, ce n'est pas son
enseignement qui est en jeu; S'il devient
ingénieur c'est qu'il a été
élevé dans une bonne famille de gens
intelligents, etc...
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