Même chez les
intellectuels
<<Même
ceux qui renient et dénigrent la culture
traditionnelle maghrébine épargnent
le hammam, tout d'ailleurs comme la circoncision,
en lui trouvant des vertus
"insoupçonnables".>>(p.103)
<<Que le
maghrébin s'estime "ultramoderne" et
évolué, ou traditionnel, il observe
ces rites. Même les intellectuels qui
affichent, en occident, l'opposition à leur
culture d'origine se soumettent et
perpétuent les coutumes et les valeurs
traditionnelles quand ils retournent dans leur
pays. Est-ce là quelque chose de
surprenant? Nous ne le pensons
pas. Beaucoup d'observateurs
extérieurs à la culture
maghrébine se sont laissés abuser par
l'apparence que représente la structure
maghrébine et par le discours manifeste de
certains intellectuels maghrébins
éprouvant des difficultés de
maturation affective. Or on sait qu'au Maghreb
les règles et les codes sont fondamentaux,
que le mensonge aux étrangers est
plutôt une ruse valorisante et
valorisée et qu'on ne livre jamais son
être profond; on ne livre à autrui
qu'une apparence. Le Moi social prime le
Moi individuel. On est tenu d'être
solidaire des "siens", de son groupe social, c'est
là quelque chose de si profondément
intériorisé au fond de la
personnalité maghrébine que seule la
psychanalyse peut nous en faire prendre
conscience. Le maghrébin est sans cesse
sous le regard "des autres": qu'en dira-t-on
?>>(p.157)
La
représentation de l'instruction des
filles
<<L'obligation
d'assistance, lorsque les parents vieillissent
revient au garçon, et quand le garçon
se marie il reste en général chez ses
parents alors que la femme suit son
mari. Aucun de nos sujet (habitant en France)
jeune ou vieux, n'envisage
l'éventualité que la fille puisse ne
pas se marier. La fille finira, pensent nos
sujets, par rejoindre un jour la maison de son
mari; dès lors peu de choses sont
importantes et même l'instruction ne l'est
pas puisque ce n'est pas sa famille qui en
profitera mais des
étrangers.>>(p.71)
La transplantation
comme perte de
références
<<La
transplantation signifie une perte de tout un monde
de références qu'on ne peut plus
partager avec ceux que l'on côtoie chaque
jour>>(p.177)
<<Ceux qui
semblent les mieux adaptés ne sont pas
nécessairement ceux que l'on croit; ceux qui
semblent les mieux adaptés sont au contraire
ceux qui s'acceptent comme fondamentalement
différents.>>(p.194)
Difficultés
d'identification
<<En ce qui
concerne la majorité des jeunes
maghrébins issus de couples de
transplantés, leur développement
affectif ne peut être, le plus souvent, que
bloqué ou dévié car
l'idéal des valeurs sociales de leurs
parents et la position socialement
méprisée de ceux-ci, leur ignorance
dans la plupart des cas de leur langue maternelle
diminuent les échanges avec leurs parents
à qui ils ne peuvent s'identifier puisqu'une
éventuelle identification ne serait pas
valorisante narcissiquement, d'où le
désarroi de ces jeunes. Même les
rapports à la mère ne sont plus ce
qu'ils étaient puisque l'État
français tend à
déposséder les parents de certains
droits et
prérogatives>>(p.228)
Soumis à des
messages paradoxaux
<<L'immigré
se trouve pris au milieu de ce filet de messages
paradoxaux qui lui parviennent de part et d'autre.
De son pays et sa communauté d'origine, il
entend "ne te renie pas, ne retourne pas ta veste",
mais "ne reviens pas et reste là où
tu es". De son pays d'accueil, il entend "ta
culture est un frein à ton
intégration, elle est dangereuse, renie
là, retourne ta veste pour
t'intégrer"..Alors ces jeunes sont pris dans
ce problème de "l'entre-deux", où de
chaque coté ils sont mis dans une position
intenable où il faut à la fois
s'accrocher à ses racines et s'en
défaire.>>(p.231)
Un exemple
illustratif
<<Autre
impasse, pour l'immigré musulman
transplanté en France, la croyance aux
Djinns...Les Djinns peuplent l'imaginaire musulman
du Maghreb, de l'Égypte, de la Perse et des
Turcs et font partie de la foi musulmane...Les
Djinns sont cités en 22 endroits dans le
Coran qui décrit leur genre et leur mode de
vie. Ils seront jugés le jour du
jugement dernier par Dieu au même titre que
les humains selon leurs actes. Y croire est un
acte de foi, fait partie de la foi musulmane, comme
tout ce qui est dit dans le Coran. Comment
remettre la parole de Dieu en doute?...En situation
de transplantation cela devient un dilemme: s'y
référer et en parler c'est passer
pour arriéré ou aliéné,
le nier c'est renier ou mettre en doute une partie
de sa foi. Aussi ce conflit est occulté
et l'imaginaire qui s'y rattache
enterré. Cette part de l'imaginaire
nécessaire à la vie psychique dans le
pays d'origine ne trouve plus à se
dire. Aussi le corps reprend le relais pour
représenter cet irreprésentable,
cette impossibilité à dire ou
non. A force d'être entouré de
sourds on devient
muet.>>(p.239)
Textes tirés
de la thèse d'État de Hossaïn
BENDAHMAN
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