C'est l'enseignement qui permet à
l'écriture de passer de la théorie
à la pratique. Son importance dans une ville
dépend de l'organisation sociale, du
degré de civilisation et de luxe, et de la
demande car l'écriture est un art. Et l'on a
vu que les arts suivent la civilisation. C'est
pourquoi presque tous les Bédouins sont
illettrés et ne savent ni lire ni
écrire. Ceux qui savent ont une
écriture grossière et une lecture
pénible. D'autre part, dans les grandes
capitales, l'enseignement de l'écriture est
meilleur, plus facile et plus méthodique,
parce que la pratique en est plus fermement
établie. C'est ainsi qu'au Caire il y a,
dit-on, des maîtres calligraphes qui
apprennent à leurs élèves
comment mouler chaque lettre correctement et leur
expliquent ensuite comment enseigner à leur
tour. Ainsi se fortifie le respect pour la
connaissance et pour une perception (hiss)
convenable de ses difficultés. La pratique
atteint alors la perfection. Tout cela provient du
développement des arts dans une
société laborieuse et
policée
Ce n'est pas ainsi qu'on apprend à
écrire en Espagne et au Maghreb. Le
maître ne fait pas écrire à son
élève chaque lettre
séparément. Il lui fait copier des
mots entiers . L'élève les reproduit
et le maître les corrige, tant et si bien que
l'apprenti a l'écriture au bout des doigts.
On peut dire alors qu'il est bon
calligraphe.
L'écriture reproduit le langage, comme la parole exprime la pensée
Tous deux doivent être des
interprètes clairs. Car Dieu a dit:
« Il a créé l'homme et
lui a appris l'exposé
(al-bayân)" (L V, 3) - ce qui inclut
la clarté
d'expression».
Les calligraphes arabes écrivaient
à l'aide d'un tube de roseau ou
qalam taillé en biseau avec
un bec fendu jilfa conservé
dans un «plumier »
(miqlama). La partie gauche du bec
est nommée insi («
humain »), la partie droite
wahshi (« sauvage»).
Chaque type d'écriture exigeant un
qalam particulier.
Compte tenu du caractère ornemental
des lettres arabes, chaque aire culturelle
arabo-musulmane et chaque dynastie en a
perfectionné le tracé.
Surtout les copistes qui ont fixé
par écrit les textes religieux, car
aucune écriture n'est trop belle
pour transcrire le Livre Saint et les
paroles du Prophète.
D'abord Bagdad sous l'empire
Abbasside (750-1258). Ensuite Bagdad
cède la place à
Mashhad, à Tabriz et
finalement à
Téhéran. Sous
l'influence de Yaqût
al-Musta'simî, les calligraphes
persans ont crée un style
répondant à leur goût
artistique. Les Turcs ont suivi
l'exemple. Sous l'empire Ottoman
(1299-1924) la calligraphie arabe a
trouvé son plein essor et son
véritable épanouissement. Le
style Turc s'est imposé comme un
modèle et une
référence et la ville
d'Istanbul est devenue le centre de
l'art calligraphique musulman.
C'est le vizir abbasside Ibn Muqla
(885-940), lui-même calligraphe, qui
a défini avec rigueur ce qu'on
nomme Aqlam i-sitta (les Six
styles), en mesurant les proportions des
lettres de l'alphabet:
Le son, rythme de base de passage du
préverbal au verbal, du corporel au
métaphorique, du jeu de corps aux jeux de
mots, unité minimale de communication et
de différenciation. Le
"Je" c'est l'opération de base de
distinctivité. Le petit humain en disant
"je" dit ce qu'il est par rapport à ce qu'il
n'est pas.
Et ce, qu'il l'exprime en mots ou qu'il le
symbolise dans le jeu par l'intermédiaire
d'une ficelle et d'une bobine (Da-fort :
ici-ailleurs) donne forme au contenu de la
pensée.
Le langage structure la pulsion (Bendahman H.,
1989) et notre imaginaire est structuré
par la langue.
Il y a des langues plus rêvantes que
d'autres. Des mouvements de corps et de lettres, on
peut en rêver dans la calligraphie arabe
où le travail culturel de la pulsion est
l'oeuvre.
Les mots ont une base corporelle. Le mot est
à la pulsion ce que la ficelle est à
la bobine. Le corps dans le corps de la lettre, a
calligraphie arabe, en fournit une superbe
illustration
La calligraphie arabe a plusieurs styles, on peut en voir des illustrations sur cette page _ Textes tirés de la thèse d'État de Hossaïn BENDAHMAN
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