Par
contre ce qui change c'est que cela introduit un
troisième temps, celui de la relation: selon
la première formulation (il y en a des
centaines) ou la seconde, ils intègrent
qu'ils sont en relation avec des
références culturelles
différentes, de leur père ou de leur
mère portées par la langue. Donc
ce temps de relation, ce temps autre, est aussi une
intériorisation de l'altérité,
ce qui les introduit à leur
historicité et les inscrit dans leur
généalogie.>>(p.31)
C'est par
la langue que s'introduit la
généalogie
<<La
filiation est une assignation à une place
donnée dans les structures de
parenté, un nom et et une transmission par
le nom et dans le nom. C'est ce que j'ai
découvert très tôt lors de ma
scolarité. Étant d'une culture orale
berbère, j'étais habitué
à m'entendre appeler par mes parents et mon
entourage par le prénom qui m'a
été attribué à la
naissance, avec ses sonorités
caractéristiques.
Ma rencontre avec
les instituteurs puis les professeurs provoqua en
moi une grande perplexité. Le professeur
d'arabe par exemple me reprenait avec insistance,
voire sévèrement chaque fois que je
me présentais, en arabisant mon
prénom aussi bien dans sa prononciation que
dans son orthographe, en ajoutant le préfixe
"Al" caractéristique de l'arabe ; le
professeur de français, quant à lui,
me déclara que mon prénom devait se
prononcer et s'écrire de la même
façon que celui du roi de Jordanie: Hussein.
Un an plus tard,
un autre professeur de français, dans un
cours intitulé « connaissances usuelles
» nous fit un exposé sur les premiers
habitants du Maghreb, ou indigènes,
appelés «berbères» ; et
pour illustrer ses propos, elle me désigna
en exemple, énumérant les unes
après les autres leurs
caractéristiques morphologiques. Cette
expérience fut une révélation.
Je pus enfin entendre, intégrer, ces masses
sonores si familières mais qu'aucun
professeur, ni celui de français, ni celui
d'arabe, ne parvenait à prononcer... Je
mettais donc un sens sur cette différence.
Cette
découverte m'évita une
aliénation dans une culture
étrangère, française ou arabe.
Je m'épargnais ainsi les avatars d'une
éventuelle angoisse de
désaffiliation... Je n'étais plus
seul : je savais qui j'étais, d'où je
venais. Je pouvais aller à la rencontre de
l'autre et de sa culture, partager ses
connaissances sans craindre de me perdre. Car, n'en
doutons pas, bien circuler au sein de ses
structures de parenté et dans sa filiation
permet de circuler plus aisément dans les
structures scolaires et donc
sociales.>>(p.199)
L'apprentissage
de la langue...
<<Le rapport
au langage, loin d'être un simple rapport
d'acquisition, est un rapport d'inscription dans un
système de parenté et d'alliance, qui
a cours dans notre culture, et aussi dans la place
que nous occupons en tant que sujet "Apprendre
à parler c'est apprendre à occuper
cette
place"(Tabouret-Keller.1985)>>(p.241)
<<La langue
c'est l'élément essentiel de la
structuration de la culture. D'autre part...la
culture dépose dans la langue des
éléments d'inclusion qui se
transmettent de génération en
génération.>>(p.244)
pour le
transplanté
<<Chez
l'enfant transplanté c'est surtout la
possibilité d'une éventuelle
bipolarisation de sa pensée qui va susciter
des problèmes. L'enfant
transplanté est confronté à
deux langues différentes, deux discours
différents, chacun véhiculant un
vécu
différent.>>(p.196)
<<Il (un
sujet) est ainsi apparemment normal et
adapté aux normes socioculturelles
françaises accroché au factuel et au
concret, sortant des phrases toutes faites qui lui
servent de mécanismes de dégagement
alors qu'en arabe sa pathologie se lit à
livre ouvert. Il est en effet rapidement
submergé par le pulsionnel. Il y a un
clivage entre la façon dont il se
présente en français et en
arabe.>>(p.246)
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