J'ajouterais
volontiers : connais-toi aussi toi-même, afin
d'exploiter au mieux ton charisme personnel
d'enseignant incarné.
J'ai étudié l'anglais au
lycée pendant 6 ans, il y a de cela
près de 50 ans, mais je l'ai appris en une
seule année avec un professeur tonique et
sympathique, dont je me souviens comme si je
l'avais connu hier : il nous faisait jouer et rire,
au lieu de nous faire apprendre par cur des
listes de verbes irréguliers ! Il
connaissait l'anglais autant que les autres, mais
il connaissait surtout la psychologie et les
besoins des adolescents
Ce qui importe n'est pas le " quoi ", mais
le " comment ", ainsi que le souligne sans cesse la
Gestalt-thérapie
: non pas ce que je dis, mais comment je le dis :
mon enthousiasme se transmet non par la tête,
mais par le cur - c'est-à-dire " le
cur de la tête ", autrement dit le
cerveau émotionnel limbique profond, et non
les couches corticales de la matière
grise.
On sait aujourd'hui que l'enregistrement
durable d'un souvenir implique la mobilisation
d'une émotion, et non la
répétition froide d'une information .
Notre cerveau est comme la photocopieuse : il
n'imprime que lorsqu'il est
préchauffé !
Il n'est pas nécessaire qu'un cours
soit clair et limpide, organisé en
paragraphes successifs ordonnés : les
élèves n'ont alors qu'à se
laisser guider passivement par le professeur, sans
effort de découverte personnelle. Ils sont
satisfaits à court terme, imaginant avoir
tout compris. Ils ont compris, mais pas appris
à comprendre, et l'expérience montre
que, quelques mois plus tard, ils ont tout
oublié.
Un cours vivant et foisonnant,
en "
hypertexte
"
- où chaque notion en
éveille d'autres, où l'on se
promène avec passion dans la
forêt vierge du savoir, plutôt
que sur les allées
goudronnées du programme,
éveille et maintient la
curiosité et stimule l'effort de
découverte de chacun.
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C'est " l'effet Zeigarnik ", du nom
de la psychologue gestaltiste russe Bluma
Zeigarnik, qui a étudié l'effet
mobilisateur d'une tâche inachevée,
qui maintient l'esprit en éveil : c'est le
jeune qui construit
progressivement son propre
cours, et
non le professeur. Notre cerveau fonctionne
d'ailleurs selon des
lois associatives analogiques et non selon des lois
logiques.
Ce qui n'est pas encore très clair peut
devenir passionnant, sous réserve que
l'enseignant ait su communiquer sa propre passion
du savoir. Un film policier soutient mieux
l'attention du spectateur qu'un documentaire
scientifique !
Tout cela est tellement évident
que j'ai honte de le répéter, mais
cela se résume en une phrase :
la
préparation du maître n'est
pas seulement une préparation du
savoir, ni même de l'organisation du
savoir, mais un éveil de ses
aptitudes à
communiquer.
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La matière principale à
étudier demeure donc l'autre, l'autre et
moi-même, c'est-à-dire la
psychologie de la relation, celle
de
l'entre-deux.
Elle non plus, ne s'apprend pas dans les
livres, mais se découvre par
l'expérience, non seulement
l'expérience analysée, mais
l'expérience savourée, dans la joie
et la découverte du partage.
Ainsi, la meilleure
préparation de l'enseignant demeure
la
psychothérapie,
qui lui permet de
mieux comprendre l'autre à travers
soi-même, à travers un " vécu
expérientiel " et non une analyse
cérébrale. Quand je dis "
psychothérapie ", je ne dis pas "
psychanalyse " : il ne suffit pas de ressasser le
passé lointain, mais surtout de
s'éveiller à la relation
présente et à tous ses
méandres, conscients et inconscients,
verbaux et non verbaux : le
ton et le rythme
importent autant que le contenu de la parole ; ce
qui compte n'est pas le texte, mais le contexte. Ce
n'est pas seulement chaque individu dans son
originalité, mais aussi les
interrelations du
groupe, les
tensions de la classe, la gestion des
émotions et de l'agressivité.
Les
nouvelles
psychothérapies
dites " humanistes " et relationnelles , telles que
" l'approche centrée sur la personne "
(Car
Rogers), la
Gestalt-thérapie
(Fritz Perls), l'analyse transactionnelle (Eric
Berne), s'intéressent à l'homme dans
l'ensemble de ses cinq dimensions fondamentales :
physique, émotionnelle, cognitive, sociale
et spirituelle. En d'autres termes, il s'agit
d'établir une interdépendance
systémique
permanente entre mon corps, mon cur, ma
tête, mon environnement social et mon
environnement global, cosmique,
l'écosystème qui m'entoure. "
Spirituelle ", n'est pas employé ici, bien
entendu, au sens religieux du terme, mais dans son
sens philosophique, de recherche de sens et de
valeur.
Ce que je pense, ce que je dis, ce que je
sens, ce que je fais, doivent être en
cohérence (en " congruence " dit
Rogers), mais aussi tenir compte de l'environnement
immédiat (les autres, la
société) et de l'environnement global
(le monde). Cette psychothérapie de " l'ici
et maintenant " peut se pratiquer en séances
individuelles, mais aussi en petits groupes
thérapeutiques - où les
interrelations apparaissent explicitement.
Elle ouvre l'enseignant à
la dimension humaine de ce métier
passionnant, au lieu de survaloriser la
dimension intellectuelle, le cerveau
gauche logique et analytique, et de faire
de nous - et de nos élèves -
des " hémiplégiques " de la
vie, qui cherchent à identifier la
marque du vin, plutôt qu'à en
déguster la saveur.
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